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ÉGLISE

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une Église invisible composée des seuls prédestinés, Institution de la religion chrétienne, l. IV, ci, n. 2sq., Genève, 1566, p. 686 sq., il affirma, en même temps, l’existence d’une Eglise visible, caractérisée par les mêmes marques extérieures déjà indiquées par Luther, la prédication de la pure parole de Dieu et l’administration convenable des sacrements, l. IV, c. i, n. 9 sq., p. 693 sq., mais dans laquelle réside quelque autorité, dont l’origine divine est mal établie et à laquelle toutefois on est rigoureusement obligé de se soumettre, l. IV, c. i, n. 1, 5, p. 686, 689-691.

Sous l’influence de ces notions luthériennes et calvinistes, les sectes protestantes substituèrent a la hiérarchie traditionnelle de droit divin, des ministres choisis ou délégués par l’assemblée des fidèles pour exercer exclusivement une fonction à laquelle tous ne pouvaient, en fait, avoir une aptitude suffisante. En même temps et par une conséquence non moins fatale, on écarta aussi la visibilité de l’Église, ou l’on n’en maintint qu’une vaine apparence, comme l’ont souvent démontré les apologistes catholiques. P. Murray, Tractatus de Ecclesia Chris ti, disp. V, sect. i, n. 15 sq., Dublin, 1860, t. i, p. 253 sq.

Dans l’anglicanisme, il est vrai, on rencontra quelques partisans du droit divin de l’épiscopat, comme Hooker au XVIe siècle, Laud au xviie et de nombreux puiséistes ou ritualistes au xix e. Voir ANGLICANISME, t. i, col. 1292 sq. Mais cet épiscopat fut toujours un épiscopat dénué de tout pouvoir d’ordre dans sa source première, dénué de toute autorité doctrinale selon ses propres déclarations, dénué enfin de toute unité organique et de toute indépendance vis-à-vis de la puissance séculière, d’après sa constitution première et d’après sa conduite habituelle.

4° Ce que le protestantisme avait encore gardé du concept de l’Église fut radicalement nié par les protestants libéraux du XVIIIe et du XIXe siècle qui, rejetant absolument toute véritable révélation divine, rejetèrent non moins formellement en Jésus-Christ toute volonté d’établir une Eglise possédant quelque autorité déterminée. P. Batill’ol, L’Église naissante et le catholicisme, Paris, 1909, p. 174 sq. ; A. Sabalier, Les religions d’autorité el la religion de l’esprit, 4e édit., p. 51 sq. ; Realencyklopàdie fur protestantiche Théologie und Kirche, 3e édit., t. x, p. 319 sq. On sait d’ailleurs que ces négations du protestantisme libéral, si hardies qu’elles soient, sont presque identiquement reproduites par l’école moderniste. C’est ce qu’on peut aisément déduire des indications que nous avons données, à l’art. Dogme, sur les théories de M. Loisy, particulièrement dans son ouvrage L’Érangde et l’Église, 4° édit., Paris, 1908, p. 125 sq., et dans Autour d’un petit livre, 2e édit., Paris, 1903, p. 153 sq. C’est aussi ce que l’on doit déduire des propositions 52, 53, 55, 56, 59, condamnées par le décret Lamentabili du 3 juillet 1907, ainsi que des passages concernant l’Église, dans l’exposé des erreurs des théologiens modernistes, donné par Pie X dans l’encyclique Pa^cendi, du 8 septembre 1907.

5° D’autre part, les divers schismes orientaux anciens et actuels, en persistant dans leur insoumission opiniâtre et en cherchant à justifier dogmatiquement le fait de leur séparation obstinée, selon la tendance habituelle de tous les schisrnatiques, comme le remarquait déjà saint Thomas, Sum. theol., ll a II*, q. xxxix, a. 1, ad 3°", ont presque toujours porté quelque atteinte à la divine constitution de l’Église, en ce qui concerne l’unité que Jésus-Christ a voulu procurer à son Église par la primauté effective de Pierre et de ses successeurs. C’est ce que l’on peut particulièrement constater dans le schisme grec, depuis sa première apparition jusqu’à l’époque contemporaine. L. Duchesne, Églises séparées, Paris, 1896, passim.

C’est contre ces erreurs que nous devons prouver présentement la vérité de l’Église catholique.


IV. Démonstratsion apologétique de la vérité de l’Église catholique.

I. But de cette démonstration et nature des arguments à employer. —

1° Supposant le fait de la révélation chrétienne déjà prouvé selon le programme précédemment indiqué, voir Apologétique, t. i, col. 1519 sq., nous devons actuellement démontrer que cette révélation a été confiée par Jésus-Christ à une autorité, à laquelle il a lui-même assigné des propriétés nettement définies, et que cette autorité divinement étalilie existe uniquement dans l’Église catholique, la seule véritable Eglise de Jésus-Christ.

2° Notre démonstration actuelle, pour être une démonstration appartenant vraiment à l’apologétique scientifique, doit s’appuyer sur des motifs de crédibilité possédant en eux-mêmes une incontestable valeur critique, telle que les esprits cultivés soient entièrement satisfaits et que, même pour eux, tout doute, si léger qu’il soit, puisse être suffisamment écarté. Assurément dételles preuves, incapables de fournir par elles-mêmes l’évidence intrinsèque de la vérité révélée, ne sont point scientifiques au sens strict, la science supposant toujours nécessairement une pleine évidence qui satisfait l’intelligence. Elles méritent cependant, à quelque égard, le nom de preuves scientifiques, à cause des procédés scientifiques employés pour constater, dans la circonstance, l’évidence extrinsèque du fait de la révélation. Toutefois l’on doit observer que, pour être pleinement acceptées, ers preuves, toutes scientifiques qu’elles sont dans leur exposé, supposent quelque intervention de la volonté, arrêtant délibérément l’intelligence sur les considérations favorisant l’acceptation et la détournant des objections contraires. Ce rôle de la volonté, déjà signalé dans la question de la certitude, t. ii, col. 2162 sq., sera particulièrement étudié à l’art. Foi.

3° Les preuves, attestant ainsi scientifiquement la vérité de l’Église catholique, sont le témoignage historiquement irrécusable de Jésus et de ses apôtres et les miracles historiquement constatés en faveur de l’Eglise catholique et prouvant authentiquement sa divinité.

1. Le témoignage de Jésus et celui de ses apôtres, affirmant le l’ait de l’institution divine de l’Eglise, doivent être contrôlés avec les procédés critiques rigoureusement requis pour la certitude scientifique, telle qu’elle a été précédemment définie. A ces conditions, s’il s’agit du témoignage divin, la preuve est absolument certaine, puisque la parole divine est toujours une preuve irrécusable de la vérité qu’elle affirme ; et s’il s’agit du témoignage des apôtres, les circonstances dans lesquelles il se présente comme un écho fidèle de l’enseignement même de Jésus-Christ, en font un critère certain de vérité. C’est en ce sens que Léon XIII, dans son encyclique Salis cognxtv/m du 29 juin 1896, indique l’affirmation de Jésus-Christ sur la nature de l’Eglise comme la preuve principale de la vérité révélée.

2. Les miracles, accomplis en faveur de l’Église catholique et dûment contrôlés, prouvent authentiquement sa divinité, puisque tout miracle est un témoignage infaillible donné par Dieu lui-même. Ces miracles ne sont autre chose que la série ininterrompue des interventions divines toutes spéciales, que suppose nécessairement le fait de l’existence constante de l’Église catholique, considéré dans toutes ses circonstances concrètes et à travers toute l’histoire ecclésiastique, avec la permanente possession de l’unité de foi et de gouvernement et l’incessante jouissance d’une incomparable fécondité spirituelle. Ces faits, dépassant certainement l’action des causes humaines, attestent manifestement une intervention divine toute spéciale, seule capable d’expliquer suffisamment des effets aussi mer