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ÉCRITURE SAINTE

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une autre source, la trad.lion, qui enseigne des vérités révélées qui ne sont pas dans l’Écriture. Tertullien citait déjà un certain nombre de traditions divines ou apostoliques, qui étaient connues sans que l’Écriture les mentionne. De oratione, 15-19, P. L., t. I, col. 11701183 ; De corona, 3, 4, t. ii col. 78-82. Voir Traditions. On peut même dire que la tradition dépasse l’Écriture en amplitude, puisque toutes les vérités révélées sont contenues dans la tradition, qu’une partie de celles qui sont exprimées dans l’Écriture, ont été transmises oralement avant d’être consignées par écrit, el que toutes sont conservées dans l’Église et par l’Eglise, quoique l’Église ne possède pas le dépôt complet de ! a révélation divine en dehors de l’Ecriture, qu’elle garde et qu’elle interprète. Cf. Eranzelin, op. cit., p. 261-262. Toutefois, le concile de Trente ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si la tradition renferme plus de vérités que l’Écriture, et il n’a pas envisagé comme traditions les vérités révélées contenues dans la Bible.

Duns Scot s’est demandé si les vérités qu’il est nécessaire à l’homme de savoir sont suflisamment transmises dans l’Ecriture sainte, puisque des raisons sérieuses tendraient à justifier une réponse négative. En effet, l’Ecriture non seulement contient une foule de choses qui ne sont pas nécessaires au salut, mais même elle ne nous apprend pas avec certitude toutes les vérités qu’il paraît nécessaire de connaître pour être sauvé, telle h distinction si importante des péchés mortels et véniels. Néanmoins, elle expose suflisamment tout ce qui est nécessaire à l’homme de connaître, et ce qu’il faut croire, espérer et réaliser pour atteindre sa fin. Cela ne veut pas dire que toutes les vérités particulières nécessaires au salut des hommes sont formellement exprimées dans la Bible ; beaucoup n’y sont contenues que virtuellement ; ce sont des conclusions de principes, que les exégètes et les théologiens doivent tirer. In I Sent., prol., q. I, n. 1, 14, Paris, 1893, t. VIII, p. 74-75, 112-113. Voir col. 1873. D’autres théologiens ont admis aussi que tous les dogmes, dont la croyance est nécessaire au salut, sont contenus dans l’Écriture. Bellarmin, De verbo Dei, 1. IV, c. XI, ad obj. l a "> et 14 »’", Milan, 1721, t. i, p. 494, 498 ; les frères Wallenburg, Controv. gen., tr. VI, De testinwniis, c. iv, n. 14, 15, dans Migne, Cursus completus t/teoloqise, 1. 1, col. 1156, et Newman, Du culte de la sainte Vierge dans VÉglise. Leur opinion ne paraissait pas soutenable à M. Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 376, note 1. L’enseignement commun des théologiens est que l’Ecriture ne contient pas tous les dogmes.

Quoi qu’il en soit, la richesse doctrinale de l’Écriture apparaît à tout lecteur et Léon XIII a recommandé aux prédicateurs, chargés d’enseigner la vérité catholique tant aux savants qu’aux ignorants, de recourir à cette sorte d’arsenal divin, que constituent les Lettres sacrées et qui fournissent une si ample prédication sur Dieu et sur ses œuvres, sur le Christ Sauveur, sur l’Église, son institution, sa nature, ses fonctions, ses dons surnaturels, enfin sur la bonne formation et le gouvernement de la vie et des mœurs. Il a cité aussi les éloges que les Pères ont faits de l’Écriture comme source de la révélation. Encyclique Providentissimus Deus.

5. Tout le contenu de l’Ecriture sainte appartient-il en quelque manière à la révélation surnaturelle ? Saint Thomas a enseigné que tout ce qui est contenu dans l’Écriture appartient à la foi, mais en distinguant ce qui s’y rapporte principaliter elsecundum se, à savoir, les articles de la foi de Iris quæ videnda speramus in patria, quæ directe nos ordinant ad vitam œternam, par lesquels honio beatus ef/icitur, comme la trinité, l’incarnation, etc., et ce qui s’y rapporte indirecte, per accidens ou secundario. à savoir, les choses que l’Écri ture propose, non quasi principaliter intenta, sed ad prsedictorum manifestationem, sicut quod Abraham habuit duos filios, quod ad tactum ossium Klissei suscitatusest mortuus, et alia hujusmodi, quæ narrantur in Scriptural sacra in ordinead manifeslalionem divines majeslatis vel incarnationis Christi, ou encore ex quibus negalis consequitur aliquid contrarium fidei, .icut si <jitis diceret Samuelem non fuisse filiuni Helcanse ; ex hac enim sequitur Scripluram dirinam esse faisant. Sum. theol., l*, q. xxxii, a. 4 ; II a IIe, q. i, a. 6, ad l" m ; q. ii a. 5. Il en résulte que tous les énoncés de la sainte Écriture, c’est-à-dire, non pas sans doute toutes les formes du langage ni les textes qui ne constituent point par eux-mêmes un énoncé biblique, mais tous ceux qui, dans leur contexte, énoncent ce que Dieu a voulu enseigner en inspirant les écrivains sacrés, bien que n’étant pas révélésaux auteurs sacrés, appartiennent cependant, au moins indirectement, au dépôt de la révélation. Ils y rentrent, même ceux qui ne sont pas l’objet direct de la foi, en raison de leur seule insertion dans les Livres saints ; en les inspirant, Dieu a voulu les enseigner à l’humanité ; ils appartiennent au dépôt de la révélation conlié à l’Église, encore qu’ils ne soient pas l’objet direct de la foi divine. Cf. A. Vacant, op. cit., t. i, p. 506-516.

6. Enlin, l’Ecriture, comme source de la révélation, ne se suffit pas à elle-même. Elle est une lettre morte qui a besoin d’un interprète ; elle contient la doctrine, mais celle-ci doit en être extraite ; elle est obscure et il est nécessaire de l’éclairer ; elle ne résout à elle seule aucune discussion et elle n’est pas le juge des controverses. Il est trop facile de l’altérer et d’en fausser l’interprétation. Le juge des controverses, c’est la tradition apostolique vivante chez les successeurs légitimes des apôtres. Telle est la doctrine de Tertullien, lie prmscriptione, 19, P. L., t. ii col. 31, de saint Auguslin, De utililale credendi, iiv n. 17, 1’. L., t. xi.ii, col. 77, de saint Vincent de Lérins, Commonitorium 1, n. 2. P. L., t. i., col. 610. Cette doctrine est devenue courante dans l’Église. Cf..1. Turmel, Histoire de la théologie positive du concile de Trente au concile du Vatican, Paris, 1906, p. 38-44.

Saint Bernard a même donné à l’Église une autorité plus grande sur l’Écriture. Il a affirmé qu’en sa qualité d’épouse de Dieu elle possédait son esprit, et que, grâce à la familiarité qui en résultait, elle pénétrait ses secrets. Elle pouvait donc adapter le texte sacré à son enseignement et à sa pratique liturgique, en lui donnant ainsi une valeur spéciale, indépendante même du contexte. Quand elle change l’ordre ou la suite des paroles divines, cet ordre nouveau est plus fort que le premier. In vigilia Nativitatis Donrini, P. L., t. cxxxxiii, col. 91. L’Église n’a jamais revendiqué pour elle-même cette autorité, et le sentiment de saint Bernard est demeuré isolé. Les docteurs scolastiques se sont contentés de reconnaître le droit de l’Église à interpréter l’Écriture, et le concile de Trente en a fixé les règles, en s’appuyant sur ce droit. Sess. IV, Decretuni de editione et usu sacrorum librorum, Denzinger-Bannwart, n. 786. Ces règles ont été renouvelées et précisées par le concile du Vatican. Sess. III, const. Dei Fitius, c. ii ibid., n. 1788. Voir Interprétation

DE I.A SAINTE ÉCRITURE.

Bien que juge suprême du sens de l’Ecriture in rébus fidei et morum, l’Eglise cependant n’est pas maîtresse absolue de l’Écriture. Elle doit veiller à sa conservation et à sa défense ; elle ne peut ni la négliger ni s’en écarter comme règle de la foi. Elle doit y rechercher ce qu’il est nécessaire d’enseigner aux fidèles. L’Ecriture demeure une des sources de la révélation, et la règle éloignée et médiate de la foi. La dépendance dans laquelle elle se trouve vis-à-vis du magistère ecclésiastique, ne diminue en rien son autorité propre.