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ÉCOLE


déclarant que les dogmes historiques du catholicisme sont incertains ! L’auteur précise encore sa pensée. Le catholicisme qui, d’après lui, a droit aux égards des professeurs officiels, c’est le catholicisme de M, Loisy, par exemple — l’exemple est choisi par M. Lyon luimême. Enfin, il paraît que M. Briand a formulé « en termes admirables » la règle de l’enseignement universitaire, lorsque, dans son discours du 9 novembre 1906, il déclara que l’État laïque n’était ni religieux, ni antireligieux, mais qu’il était « areligieux ». Voilà les pères de famille catholiques bien renseignés. Dans un article de La Croix du 10 août 1910, M. Henri Joly, membre de l’Institut, leur apporte son témoignage d’ancien universitaire. Il adjure les membres de l’enseignement libre de ne pas copier l’enseignement officiel. « On ne s’attache pas, on ne se colle pas à une vie qui est, sinon mourante, au moins malade et malsaine, toute en proie à des germes de désordre et de désagrégation. Je ne parle pas ici, comme on pourrait le croire, des idées subversives, antireligieuses et antipatriotiques ; nous aurions là trop beau jeu. » Qu’on veuille bien remarquer cette appréciation de l’ancien universitaire. « Je parle des principes éducatifs et de la méthode pédagogique qu’ils ont inspirée. En deux mots, dans l’Université d’aujourd’hui, les enfants n’ont plus aucune espèce de formation intellectuelle. C’est une tour de Babel… » S. Ém. le cardinal Andrieu explique ainsi pourquoi il interdit aux prêtres de son diocèse « de faire partie, à un titre quelconque, des établissements scolaires dont les élèves suivent les cours du lycée ». Le cardinal constate que l’éducation officielle des lycées part du faux principe de la neutralité religieuse et aboutit trop souvent à quelque chose de plus grave : l’hostilité. « L’enseignement officiel, celui qu’on donne dans les classes, est neutre en principe, et si les lycées sont des écoles neutres, un prêtre n’a pas le droit d’y conduire ses élèves ; car les écoles neutres sont condamnées par l’Eglise. Elle tempère, il est vrai, la rigueur de la prohibition, quand il s’agit de prévenir un grave dommage. Mais le prêtre ne peut pas s’autoriser de cette tolérance pour recommander, en y conduisant ses élèves, des écoles que les souverains pontifes ont toujours interdites… Je me suis demandé, en second lieu, si les lycées doivent être rangés parmi les écoles positivement nuisibles, où les croyances chrétiennes des élèves sont exposées à un naufrage, à peu près certain, et j’ai dû répondre affirmativement pour un grand nombre… Ecoles neutres en théorie et souvent hostiles dans la pratique ! Il m’a semblé que des prêtres avaient moins que tout autre le droit de pourvoir à leur recrutement. » La Croix, 10 août 1910.

3° Quelles raisons peuvent valoir en faveur d’un enseignement d’état ? Deux surtout sont mises en avant : l’intérêt de l’enfant et l’intérêt de la société. D’abord, en confiant l’enfant à des instituteurs publics, au lieu de le laisser à ses parents qui, par eux-mêmes ou par d’autres, lui donneraient une éducation de leur choix, on prétend sauvegarder le droit de l’enfant. Une première réponse est obvie. Longtemps incapable déjuger par lui-même, l’enfant subira l’inlluence de l’éducation officielle, au lieu de recevoir l’enseignement qu’auraient déterminé ses parents. Substitution d’inlluences, en un mot : voilà le résultat obtenu. Mais que l’enfant soit soustrait à toute influence, comme semblent l’annoncer les défenseurs de sa liberté intellectuelle : c’est ce qui ne saurait avoir lieu. Volontiers, on reprendrait la parole de Pascal : « Crédules, les plus incrédules ! » Puis, comment peut-on, au nom du droit de l’enfant, lui enseigner une morale neutre et lui donner un enseignement tout laïque ? « L’enfant n’a pas de droit qui puisse prévaloir contre les droits de Dieu, en qui nous sommes obligés, dès l’éveil de notre raison, de

reconnaître notre principe et notre fin. » Lettre collective des évêques, 14 septembre 1909.

En faveur de l’école publique et laïque, on invoque encore l’intérêt de la société. La société, dit-on, a droit de former elle-même, et d’après des méthodes fixées par elle, l’enfant qui doit un jour lui consacrer son activité. Parce que l’utilité sociale est la fin que doivent se proposer les individus, l’éducation est une fonction civile, et non une fonction domestique. La conséquence, répondrons-nous, est rigoureuse, mais le principe est faux. La fin dernière de l’homme, celle qui doit orienter, spécifier et commander toute sa vie, ce n’est pas l’utilité sociale, mais le service de Dieu et, par amour pour Dieu, le service du prochain. Ce qui ne signifie pas que les hommes animés par des principes religieux rendront moins de services à la société. En protestant contre ceux qui veulent fausser l’instrument humain, en rappelant quel en est l’usage normal et quelle en est la destination essentielle, nous en assurons le meilleur rendement. Élever l’individu au-dessus de la société, l’élever jusqu’à Dieu, c’est, tout à la fois, élever et fonder la société. Mais enfin le but dernier et déterminant de l’éducation n’est pas d’ordre social. En rigueur de langage, l’enfant n’appartient ni à la société ni à la famille, nous pouvons ajouter : ni à luimême. L’enfant dépend essentiellement de Dieu. Dès lors, puisqu’il ne peut être question de le donner à quelque être ou à quelque groupe humain que ce soit ; puisqu’il s’agit uniquement de désigner les éducateurs à qui il doit être confié ; pourquoi préférer la famille et l’Eglise à l’État ? Cette question a été résolue plus haut.

4° Ne laissons-nous à l’État aucune part dans l’éducation de l’enfant ? Les droits et les devoirs de l’ttat, en cette matière, sont importants, pour subordonnés qu’ils soient. D’abord, s’il comprenait toute l’étendue et, en même temps, le rôle secondaire, de ses attributions, il s’emploierait à favoriser l’éducation religieuse, c’est-à-dire, nous l’avons vu, l’éducation proprement et intégralement humaine, de l’enfant. Lui-même n’est pas éducateur, mais il peut, dans la sphère de son action, comme auxiliaire des initiatives individuelles, concourir indirectement à la formation intellectuelle, morale et religieuse de l’enfant. Meyer, op. cit., t. H, p. 108 : Ordo autem dignïtalis jurium, quæ auctoritati avili iti hac re tuenda committuntur, exigit ut Ma, ante

omitia, jus AUCTOR1TATIS ECCLESIAST1CM in modo etiam civilisiulervenlionis vere agnoscat, ac propterea ipsa, nonnisi secundario JURE et quasi ecclesiasticæ auctoritati succurrendo, parentes ad suum officitim c/irislianum compellat. Neijlecta nempe infantiuni educatione per parentes christianos, piiim.i : partes de injuria e.cposlulandi ECCLESIM COMPETUNT, idque tunisuo nomine lum nomine liberorum, quorum ipsa in Christo mater est.

Si, à cause de l’état des esprits, un gouvernement même énergique, dévoué et éclairé, ne peut remplir ce rôle d’auxiliaire de l’éducation chrétienne, il lui reste le devoir d’assurer à l’enseignement religieux une liberté égale à celle dont jouit l’enseignement neutre ou athée. Et même, dans le cas où l’État est officiellement neutre, ni religieux ni irréligieux, ce serait simple justice qu’il répartit entre les différentes écoles, suivant le nombre des élèves et le succès aux examens, les fonds qu’il prélève pour l’instruction publique, sur la fortune, non pas des seuls membres du gouvernement ou des seuls législateurs, mais de tous les contribuables.

En troisième lieu, le rôle de l’État est de réprimer certains abus d’ordre extérieur et d’obvier à certaines négligences manifestes. « Qu’un père abuse de son pouvoir, que des parents dénaturés soient assez oublieux de leur devoir Dour devenir un danger auprès