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Quand toute inlluence légale sur la direction des écoles lui est refusée, il lui reste de prémunir les parents contre les écueils qui menacent le bien spirituel de leurs enfants. Elle ne saurait, en aucun cas et pour aucun motif, même en vue de ménager l’amour-propre, l’ignorance ou la mauvaise volonté de ses adversaires, se départir de son rôle de gardienne de la foi. A ce devoir de l’Église, correspond, de la part des parents, le devoir d’écouter les avertissements de leurs pasteurs légitimes, et d’accueillir avec reconnaissance les ressources que ceux-ci mettent à leur disposition pour promouvoir l’enseignement de la religion chrétienne, soit, quand la chose reste possible, par l’œuvre des écoles libres, soit, du moins, par l’œuvre des catéchismes.

Nous venons d’indiquer le minimum de l’action ecclésiastique en matière scolaire. Mais, suivant les circonstances, l’Église tâchera de se rapprocher de son idéal doctrinal, et toujours elle s’en inspirera. « Si les parents chrétiens se dérobent à leur devoir d’éducateurs, l’Église pourra les y ramener par des peines ecclésiastiques, ou, si la chose est nécessaire, se charger elle-même, malgré leur opposition, d’élever leurs enfants. » Absolument parlant, ce droit et cette obligation demeurent encore pour l’Église, s’il s’agit d’enfants baptisés appartenant à des familles d’infidèles ; bien que le souci d’intérêts plus généraux et le sentiment de la prudence chrétienne lui conseillent parfois, dans ce cas, de ne pas faire valoir les obligations de sa charge. Immo idem jus Ecclesiæ per se et absohtte loquendo, etiam in liberos baptizatos parentum infidelium compelit ; quanquam in tali casu ususjuris, pro rerum adjunclis secundum prudentiam clwistianam et legeni caritatis temperetur necesse est. Meyer, op. cit., t. ii, p. 107.

Quand il s’agit des applications de la doctrine à la pratique, l’Église est donc la première à distinguer entre ce qui est possible et ce qui serait désirable.

Pour préciser les rapports de l’Église et de l’école, une seconde distinction s’impose. Sur la formation religieuse de l’enfant, l’Église a un pouvoir direct ; sur son instruction littéraire et scientifique, le pouvoir de l’Église est indirect. « Directement, l’Église verse la foi dans le cœur du jeune chrétien et l’y développe ; indirectement, elle défend encore les intérêts de cette foi, en écartant de son baptisé les influences funestes de la fausse science. Nous ne disons pas : l’Église a seule le droit de faire un cours de littérature, d’astronomie ou d’histoire ; mais bien l’Église a le droit d’empêcher qu’au nom de la littérature ou de la science, on ne vienne troubler la foi de ses enfants. C’est reconnaître à l’Église le pouvoir intangible de veiller à la pureté de l’enseignement. » J. Grivet, Études, 20 mai 1910, p. 481, 482.

III. L’école et l’État. — Pour étudier les rapports de l’école et de l’État : 1° nous déterminerons plus clairement le sens du mot : école, cette précision est ici particulièrement importante ; 2° nous montrerons pourquoi l’enseignement n’est pas une fonction, et encore moins un monopole légitime, de l’État ; 3° nous discuterons les arguments des étatistes ; 4° nous indiquerons quelles attributions restent à l’État.

1° Que signifie, dans la controverse présente, le mot : école ? Quelle sorte d’enseignement voulons-nous dégager et séparer de l’État ? Nous parlons ici des écoles où se forme l’âme de l’enfant. Nous avons directement en vue cette catégorie d’enseignement qui fait partie de l’éducation. L’instruction peut s’entendre de trois autres manières. En premier lieu, se présente la catégorie des écoles où se recrutent les candidats aux fonctions publiques. A l’État revient évidemment le droit de diriger ces écoles. S’agit-il, par exemple, de former des officiers ? L’État, chargé de la défense natio nale, devient légitimement maître d’école. Il appartient â l’État de faire donner l’instruction militaire par des professeurs qui sont ses représentants. En second lieu, il faut signaler les écoles techniques, par exemple, les écoles d’arts et métiers. Enfin, la troisième espèce d’enseignement que nous distinguons de l’enseignement proprement éducatif, c’est-à-dire de l’enseignement primaire et secondaire, est celui qui se donne dans les universités. L’enseignement, soit technique, soit supérieur, est-il une fonction d’Etat ? Nous réservons cette question, non pas que, dans notre pensée, la réponse soit douteuse, mais parce que les arguments que nous apporterons ici, mettent surtout en cause la formation intellectuelle et morale de l’enfant, et, par suite, ne vaudraient pas également quand il s’agit d’un enseignement postérieur ou extérieur à cette formation initiale.

La thèse à laquelle nous nous bornerons ici, c’est donc que l’&tat n’a pas compétence pour donner l’enseignement primaire et secondaire.

2° Les arguments. Nous ne reproduirons pas les arguments indiqués plus haut, bien que, en justifiant les revendications des parents et de l’Église en matière d’enseignement, ils condamnent par là même l’intrusion du pouvoir civil. Nous ne ferons ici que les rappeler, afin d’éviter des redites, et nous insisterons sur des arguments plus directement applicables aux prétentions de l’Etat en matière d’éducation. L’incompétence pédagogique de l’Etat peut s’établir a priori par le raisonnement, et a posteriori par l’expérience. A priori, on remarque qu’il y a, non pas antipathie, mais hétéronomie, entre la fin de l’État et celle de l’éducation, l’Etat ayant pour mission de prrocurer aux individus un milieu favorable au développement de leurs facultés, mais non de diriger lui-même ce développement, et l’éducation, d’autre part, ayant pour but immédiat la formation de l’homme, c’est-à-dire un bien tout d’abord personnel..4 posteriori, que devient l’enseignement dirigé, ou confisqué, par l’État ? Sans même prendre, comme objectif de nos critiques, cette forme extrême de l’étatisme qui serait le monopole absolu et tyrannique, nous trouverons que l’enseignement d’État, laissât-il quelque place aux écoles libres, est pratiquement, d’abord une injustice à l’égard des contribuables, ensuite un système arbitraire et irrationnel, souvent enfin le régime de l’incohérence. D’abord, une injustice à l’égard des contribuables. D’où vient, en effet, l’argent avec lequel le gouvernement entretient ou soutient ses écoles primaires et secondaires ? De la bourse des parents, des parents qui peut-être désapprouvent et réprouvent l’enseignement donné dans les écoles publiques. Dira-t-on que les parents mécontents ont le droit et la faculté, dans certains cas, du moins, après avoir contribué aux frais de l’instruction publique, de contribuer encore aux frais d’un enseignement librement choisi par eux ? C’est souligner l’injustice de la première contribution pécuniaire, laquelle a une destination, non seulement inutile pour les parents en question, mais peut-être contraire à leur conscience. Ou plutôt, mieux vaut sans doute ne pas discuter une telle réponse, où l’injustice s’aggrave d’une plaisanterie.

Ensuite, l’enseignement d’État aboutit presque toujours à un système arbitraire et irrationnel. Plus ou moins rapidement, plus ou moins franchement, il s’elf’orce de séparer l’éducation de la religion. L’enseignement d’État, ce sera donc l’enseignement neutre. Or, peut-on concevoiréducation moins rationnelle ? Élever un enfant, c’est former un homme, et former un homme, c’est l’orienter vers sa destination, c’est-à-dire vers celui qui est à la fois son créateur et sa fin dernière. J. Grivet, loc. cit., p. 464470. (> L’homme est par construction un être religieux ; l’éducation sera donc religieuse, ou elle ne sera pas éducation humaine… L’enfant, le jeune homme n’est pas