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ÉCOLE


niais complexe de la fonction éducative. Mais la responsabilité des parents en la matière n’en est pas diminuée. Leur rôle, en face de l’État, demeure le même. « Tout d’abord, contrairement à la doctrine césarienne qui prétend que l’enseignement public est donné exclusivement au nom de l’État, nous vous disons, nous, vos évéques, qu’il l’est, qu’il doit l’être, principalement au vôtre. L’élève, l’enfant, ne commence pas par appartenir à l’État, il est à vous… Aussi longtemps qu’il n’est qu’un enfant, c’est de la famille qu’il relève avant tout : celle-ci, en l’élevant, continue de le mettre au monde. » Déclaration de Vépiscopal français, août 1908. Les évoques de France proclament toujours « le droit primordial de la famille ». Si les parents sont obligés d’envoyer leurs enfants à l’école publique, du moins, gardent-ils le droit inaliénable de la surveiller, « employant d’abord tous les moyens légaux pour la maintenir dans l’observation de ce que, à défaut d’une expression meilleure, nous appellerons l’honnête neutralité. » Ibid. Il ne suffit pas de remarquer que l’ordre surnaturel ne diminue en rien la responsabilité des parents à l’égard de l’école. La vérité intégrale, c’est que cette responsabilité est trois fois accrue : d’abord, parce que, grâce à la révélation, la fin de l’homme et, par conséquent, le but divin de l’éducation, sont mieux connus ; ensuite, parce que, cette fin — vocation à la vision béatifique — dépasse notre destinée purement naturelle — connaissance de Dieu non intuitive ; enfin, parce que Jésus-Christ, en maudissant le scandale en termes si redoutables, surtout le scandale qui atteint les petits, a profondément gravé dans la conscience humaine la notion générale de responsabilité et la notion particulière de responsabilité en matière d’éducation. Lettre collective des évoques de France, 14 septembre 1909 : « C’est à vous, pères et mères, que les enfants appartiennent, puisqu’ils sont l’os de vos os et la chair de votre chair, et c’est vous qui, après leur avoir donné la vie du corps, avez le droit imprescriptible de les initier à la vie de l’Ame… Le droit de procurer à vos enfants une éducation, conforme aux exigences de votre foi religieuse, vous est reconnu, non seulement par la loi naturelle, telle que la saine raison la formule, mais par la loi divine, telle que les saintes Écritures nous la révèlent. »

IL L’école et l’Église. — Deux questions ici se présentent : 1° Quels sont les droits et quels sont les devoirs de l’Église ? 2° Comment ces droits et ces devoirs peuvent-ils s’exercer ?

1° Quels sont tes droits et quels sont les devoirs de I Eglise ? — A l’Église il appartient de diriger, d’assurer, de protéger, de favoriser la formation spirituelle des enfants chrétiens. L’Église ne saurait, sans faillir à sa mission, se désintéresser de l’école. Renoncer à son rôle d’éducatrice, ce serait, de sa part, oublier, tout à la fois, les prérogatives de la prédication évangélique, les traditions de son histoire, le caractère du sacrement de mariage, les conséquences du sacrement de baptême. D’abord, quand Jésus-Christ chargea ses apôtres d’enseigner toutes les nations, par là même, il chargea son Eglise de donner aux enfants l’instruction religieuse et morale. L’histoire atteste avec quel zèle l’Église s’acquitta de sa mission d’éducatrice. « Des témoignages sans nombre l’attestent, durant de longs siècles, et jusqu’au XVII e, l’éducation de la jeunesse chrétienne fut soumise juridiquement à l’autorité de l’Église, sans qu’aucune voix s’élevât pour réclamer contre ce qui n’eût été qu’un droit usurpé ; parents et maîtres, puissances séculières de tout ordre s’accordaient à reconnaître la légitimité de cette mainmise de l’Eglise sur l’enfant. N’était-ce pas l’Église qui avait ouvert les premières écoles publiques à l’ombre des clochers ou sous les cloîtres de ses moines ? Les universités n’étaientelles pas son œuvre ? N’en déplaise aux adversaires de l’Eglise en cette matière, la tranquille possession de

I ces droits, leur libre exercice dans la direction de l’enseignement public durant des centaines et des centaines d’années, entre les limites d’un champ aussi vaste que le monde catholique, est un argument fort, j’oserais dire invincible, en faveur de la légitimité de cette possession et de ces droits. » Jules Grivet, V Eqlise et l’enfant, dans les Études, 20 mai 1910, p. 463, 464. Cependant, comme l’observe l’auteur de ces lignes, l’argument historique ne persuade pas tous les esprits. Il en est pour qui la durée même d’un usage séculaire est une raison de protester et de se révolter. Alors, reste la logique. Est-il logique, demanderonsnous avec un éminent théologien, L. Billot, S. J., De Ecclesia Christi, th. xxiii, que l’Église, législatrice du sacrement de mariage, se désintéresse de l’éducation des enfants ? Si le mariage est une chose religieuse et sacrée, l’éducation, qui en est la suite, doit participer au même caractère. « L’Eglise attend du mariage entre chrétiens une postérité dont l’éducation fera des serviteurs de Dieu, des concitoyens des saints, des habitants du ciel. » J. Grivet, loc. cit., p. 486, note 1. Est-il logique, ajouterons-nous, que, par le baptême, l’Eglise admette les enfants dans sa famille spirituelle, et qu’ensuite elle ne s’inquiète plus de la formation de leur âme ? « La sainte Eglise est la grande auxiliaire, d’institution divine, vous le savez, pères de famille chrétiens. A partir du baptême, auquel vous les ave/ librement présentés, vos enfants sont ses fils spirituels, et en sa qualité de mère, elle réclame le droit de vous aider, elle aussi, à les élever. » Déclaration de l’épiscopat français, août 1908.

Les adversaires du droit ecclésiastique en matière de législation scolaire reconnaissent parfois, et même proclament plus hardiment que certains défenseurs de l’éducation chrétienne, la connexion logique entre les croyances de l’Eglise et ses revendications. Ils repoussent le conséquent, mais ils admettent la conséquence. « Laissez-moi dire que ceux d’entre vous qui connaissent la pensée de l’Église dans sa vérité, dans son audace qui a sa noblesse, comme elle peut avoir aujourd’hui, pour bien des esprits, son scandale, ceux-là ne contesteront pas ce que je dis, car il est impossible que lorsqu’on a proclamé que Dieu est si intimement mêlé aux choses humaines, qu’il s’est incarné dans un individu humain et qu’il a transmis à une Église le droit de continuer cette incarnation, il est impossible que Dieu ne reste pas incarné dans cette Église, comme la puissance souveraine et exclusive devant laquelle les individus, les sociétés, les patries, toutes les forces de la vie, doivent s’incliner. » M. Jaurès, Journal officiel, deuxième séance du 21 janvier 1910, p. 262. Visiblement, l’auteur fait effort pour tendre jusqu’à la limite la thèse ecclésiastique, et, en quelque sorte, pour la faire éclater. De l’Eglise, il ne connaît pas peut-être quels sont les modes spirituels d’activité. Mais, des paroles que nous avons citées, un enseignement est à retenir : c’est que, de l’aveu de ses adversaires, l’Eglise doit, sous peine d’abdiquer, intervenir dans l’éducation des enfants chrétiens, pour la diriger et la surveiller.

Telle est la doctrine.

2° De cette doctrine, quelles peuvent être les applications pratiques ? Elles sont de deux sortes. D’une part, il est un exercice de son rôle d’éducatrice, auquel, en aucun cas, l’Église ne peut renoncer. Quelles que soient les entraves matérielles et légales apportées à son droit, quelle que soit la prévention des esprits, si opportun que puisse paraître le silence, si grande que doive être la prudence, l’Église ne peut, sans trahison à l’égard de Dieu et à l’égard des hommes, s’abstenir de surveiller l’éducation des enfants chrétiens. En tout étal de la société, il lui appartient, par un privilège indéclinable, de signaler les écoles hostiles ou dangereuses à la formation religieuse et morale des Ames.