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ECKART

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Histoire de la philosophie, 2e édit., Paris, 1894, p. 836-837, ou s’inspirent de lui sans le nommer, cf., par exemple, E. Gebhart, De l’Italie, 1876, p. 51. Pour caractériser Eckart, les historiens de la philosophie appartenant aux écoles les plus opposées prirent l’habitude de se servir de l’étiquette de mysticisme panthéiste. Cf., par exemple, A. Fouillée, Histoire de la philosophie, 5e édit., Paris, 1887, p. 213 ; A. Weher, Histoire de la philosophie européenne, 7e édit., 1905, p. 261 ; le cardinal Zéph. Gonzalez, Histoire de la philosophie, trad. G. de Pascal, Paris, 1890, t. ii, p. 127— V28. Ce dernier parle aussi de quiétisme, en quoi il imite Noël Alexandre, Eist. ecclesiast., t. iivi p. 80, lequel signale comme quiélistes les articles 7, 8, 9, 10, 14, condamnés par Jean XXII. Réaction contre la scolastique, profession d’un mysticisme panthéiste, inauguration d’une philosophie nouvelle qui se serait épanouie dans l’idéalisme allemand du xixe siècle, telle serait l’œuvre d’Eckart. Volontiers les écrivains protestants ajoutaient que les mystiques du xiv c siècle travaillèrent simultanément « à la ruine de la scolastique et à la préparation de la Réforme. » F. Ronifas, Histoire des dogmes de l’Eglise chrétienne, Paris, 1886, t. ii, p. 285.

Cependant une étude d’Eckart plus approfondie et basée sur la connaissance d’œuvres nouvellement éditées conduisait à des conclusions différentes W. Preger, qui faisait d’Eckart comme le centre de ses travaux sur la mystique allemande du moyen âge, et s’élevait contre l’interprétation panthéiste de la doctrine eckarlienne ; il montrait que telle théorie sur la création du monde ou sur les idées, considérée comme la pure expression du panthéisme, était reproduite de saint Thomas d’Aquin, cf. Gesc/iic/ite der deutschen Mystik im Mittelalter, 1. 1, p. 394, et de l’enseignement de maître Eckart sur la création du monde et sur la nature de l’âme, comme sur l’union mystique de l’homme avec Dieu, il se refusait à conclure que le panthéisme fût la caractéristique. Cf. p. 442. Qu’il ait été’ébranlé’par les arguments de Preger ou qu’une autre cause ait agi sur son esprit, toujours est-il que Ch. Schmidt modifia ses positions. Dans son Précis de l’histoire de l’Église d’Occident pendant le moyen âge, publié en 1885, Paris, p. 297, il écrivit : « En ne s’arrètant qu’à quelques-unes de ses propositions, on pourrait le prendre pour un panthéiste ; mais il en a d’autres où il maintient la différence essentielle entre le créateur et la créature, et où il déclare que l’union avec Dieu n’est qu’un don de la grâce ; il était persuadé qu’en attribuant à certaines de ses paroles un sens hérétique on en donnait une fausse interprétation ; mais il faut convenir qu’en les prenant à la lettre et en les séparant de celles qui les initigeaient on pouvait les trouver dangereuses. » En 1886, le I*. Renifle entrait en lice, avec sa fougue habituelle et son vaste savoir ; ainsi que dans d’autres circonstances et dans d’autres sujets il renouvelait la question. Cf. Archiv fur Litteratur und Kirc/iengeschic/ite des Mittelalters, t. ii, p. 417-687. Il commençait par cette observation que jusqu’alors on ne connaissait Eckart que par ses œuvres allemandes, et constatait qu’on n’avait fait aucun effort pour suivre la trace de ses écrits latins de crainte, peut-être, qu’il ne s’y révélât comme un scolastique. Après cette entrée en matière assez agressive, il racontait les circonstances dans lesquelles il avait lui-même découvert des fragments latins d’Eckart. Il s’attachait à établir que l’œuvre latine d’Eckart fut considérable en (’tendue et en importance, que là seulement Oïl peut puiser la connaissance de sa vraie doctrine, que l’œuvre allemande ne vient qu’en seconde ligne, n’ayant rien de systémalique et s’adressant à des âmes à la l’ois peu éclairées et portées au raffinements d’une pieté subtile. Or, il apparaît que

maître Eckart a suivi constamment, durchweg, p. 421, la méthode scolastique et reste sur le terrain scolastique ; il est, au fond, un scolastique. Il s’inspire de saint Thomas ; ses thèses fondamentales sur Dieu a acte pur », sur les rationes creaturarum en Rieu et les idées divines, sur la création, sur l’esse rerum, ne sont que du thomisme. Il ne fut donc pas un panthéiste. Sans doute, il est obscur, même dans ses œuvres latines, et il n’est pas exempt de lacunes, d’incohérences, de formules dangereuses ; il s’écarte, sur plus d’un point, de la tradition scolastique, mais ce sont là faiblesses et inconséquences de détail, applications défectueuses d’un système orthodoxe. Ce qui a trompé ses historiens, ses admirateurs, c’est leur profonde ignorance de la scolastique. Ad. Rarnack, Le/trbuch der Dogntengeschich te, 3e — édit., Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. iii, p. 394, note, a qualifié les travaux de Renifle d’epochemachend, « parce qu’ils ont montré que maître Eckart, dans ses écrits latins, est dans la dépendance complète de saint Thomas, et qu’il lui doit ce qu’il a de mieux. » Et, naguère, un protestant bien informé, M. H. Lichtenberger, disait, dans un cours à l’université de Paris : « Les thèses du P. henille, ses recherches si érudites et si solides sur les sources de la pensée du mystique allemand, ont fait impression sur ceux-là aussi qui ne reconnaissent pas saint Thomas pour leur maître et ne tiennent pas la p/iilosophia perennis pour le dernier mot de la sagesse humaine. La critique protestante ou indépendante s’est volontiers ralliée aux conclusions du savant dominicain. » CCI). P., dans Revue des cours et conférences, 19 mai 1910, p. 443. Des catholiques également ont adopté les vues de Renifle, quitte à aller parfois un peu moins loin que lui. Citons, entre autres, F. Jostes, Meister Eckart und seine Jauger, p. vu ; IL Ilurter, Nomenclator, Inspruck, 1899, t. iv, col. 504 ; 3e édit., 1906, t. ii, col. 616 ; P. Mandonnet, dans Bulletin critique, 25 janvier 1901, p. 47.

Tout le monde, pourtant, n’a pas suivi Renifle dans sa conclusion principale, si tout le monde a reconnu que ses travaux étaient d’un grand poids et méritaient d’être pris en sérieuse considération. Nommons, parmi les catholiques, P.-E. Puyol, L’auteur du livre De Imitatione Clirisli, I, La contestation, p. 380, 401 ; M. de YVulf, qui juge que maître Eckart « peut difficilement se soustraire au reproche de panthéisme, » Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1902, t. VII, p. 540 ; cf. Histoire de la philosojihie médiévale, 2e édit., Louvain, 1905, p. 482 ; A. Auger, dans Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1901, t. ii, p. 610, 611. Parmi les protestants, il suffira de mentionner A. Rorner, Grundriss der Dogmengeschichte, Rerlin, 1899, p. 340-341, qui déclare, il est vrai, qu’avec ces mots tranchants de panthéisme et autres on fait très peu de chose, mais, d’autre part, admet que Hegel se rattache à Eckart : S. M. Reutsch, dans Realencyklopâdie, 3° édit., t. v, p. 143, lequel, à l’instar de Harnack, appelle epochemachenderYixtvooTtance des travaux de Renifle, mais ne pense pas que ses conclusions s’imposent, cf. p. 150 ; A. Lasson qui, ayant à traiter d’Eckart dans Uebervveg-HeinLe, G> — M)irfriss der Geschichte der Philosophie, 9e édit., Berlin, 1905, t. ii, p. 350-370, a maintenu le fond de son Meister Eckart der Mystiker, publié à Berlin, en 1868, et vu en lui, le « précurseur de la science nouvelle », celui qui « a préparé par son éthique la Réforme, par sa métaphysique la spéculation allemande ultérieure, » p. 368, 369. Mais surtout la thèse de Ch. Schmidt a été reprise, complétée, améliorée par M. H. Delacroix dana son remarquable Essai sur le mysticisme spfculnHf a Allemagne au Xiv sipele. A Denille il accorde nue « la mystique d’Eckart ne se développe pas en conllit radical avec la scolastique, » que « la culture et la