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ECCLESIASTE (LIVRE DE L*l

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Bruch, II. Heine, Nowack, d’après Siegfried, Prediger uud Hoheslied, Gœttingue, 1898, p. 2 ; Léon de Rosny, d’après Vigonroux, Manuel biblique, t. ii p. 520-521 ; Th. Nôldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. franc ; ., Paris, 1873, p. 252-253 ; Renan, L’Ecclésiaste, Paris, s. d., p. 15 sq. — L’Ecclésiaste ne nie pas en fait la possibilité de connaître quelque chose ; il pense seulement que l’homme n’obtient quelque degré élevé de science qu’au prix de grands ellorts et reste encore néanmoins loin de tout savoir, ce qui est vrai (i, 18, etc.). D’ailleurs, il manque à l’auteur hébreu d’avoir couru le troisième stade, et définitif, du pyrrhonisrne l’impassibilité, le calme absolu de l’àtne que ne ride plus ni passion, ni désir ; car il s’insurge vraiment contre le sort, ii, 20 ; l’injustice, l’inégalité même des conditions lui sont une torture, ni, 16 ; iv, 1 sq., etc. ; il hait la vie, le travail qu’il a fait, ii 17, 18, 20. Il n’est pas même le sceptique pratique que voudrait Renan, op. cit., p. 18-19, 27-28, prenant légèrement la vie et conseillant le plaisir avec une philosophie de juste milieu ; car trop nombreux sont les passages de son livre où résonne un timbre voisin de celui du pessimisme. — e) On ne doit pas taxer non plus d’épicuréisme la morale de l’Ecclésiaste pour les quelques passages où il recommande de jouir du présent, de boire et de manger, de se livrer au plaisir avec la femme aimée, II, 24 ; iii, 13 ; v, 17 ; Vin, 15 ; ix, 7-9 (Nôldeke, d’après Vigouroux, op. cit., p. 529-530) ; car il est loin de faire du plaisir, comme le véritable épicurien, le but unique de la vie ; de l’affranchissement de toute peine ou contrainte physique, morale particulièrement, le bien suprême ; sa disposition est plutôt de « craindre Dieu », de vivre dans l’appréhension du « jugement » de Dieu, xi, 9 ; xii, 14 (m, 14 ; v, 6), en jouissant des biens qu’il tient, du reste, de son créateur, II, 24 ; III, 13 ; v, 18 ; ix, 7 ; et c’est là pour lui, bien plutôt aussi, un moindre mal dont Dieu le fait heureusement bénéficier, au milieu de tous les soucis qu’il prend du monde, de la société et de lui-même, en lui permettant d’oublier ainsi les jours malheureux de sa vie, v, 19.

4. Si l’on ne peut convaincre d’erreur philosophique l’auteur de l’Ecclésiaste, peut-on du moins prouver par son texte qu’il a subi l’influence des écoles grecques jusqu’à faire siennes leurs principales doctrines, abandonnant d’autant les idées juives et se faisant l’humble suivant d’Heraclite, d’Aristote, des stoïciens et d’Epicure, dans leurs vues sur le monde, l’homme, la morale, l’aveugle destin, la vie ? — a) L’Ecclésiaste aurait emprunté à Heraclite d’Ephèse et à l’école du Portique sa philosophie de la nature en perpétuel mouvement de révolution dans un cycle pourtant fermé, de sorte que rien de nouveau ne s’y produit, que ce qui est présentement a déjà été dans le passé et sera encore dans l’avenir : i, 5-10 ; III, 14-15 ; vi, 40 ; ii 16, comparés à Heraclite, fragm. 20 et 23 (Mullachius, Fragmenta philosophorum grtecorum, Paris, 1860 ; Diels, Die Fragmente <ler Vorsokratiker, Rerlin, 1903), nâvxa pE ; . ; rcàvra x w P s’**l oùfièv (jtivei (Eccle., i, 8) ; x<S(T|j.o ; ô a’jTÔ ; àTrâvrwv… tjv à es xat s’ctti xai ïa-za : (Eccle., I, 9), et à la théorie du déterminisme cosmique de la physique stoïcienne que quelques-uns rattachent à la physique pythagoricienne, cf. Ocellus Lucanus, De univers/ nnliira, I, 15, r, te y^P z ° rj T’Π! jiar01 ! (monde extérieur), iSéa (forme, apparence), y.x).o ; - oûto ; Sa jrâvToSev ï’croç y.oc’e op.oiot ;’Sio7rep àvapyo ? *<*’àTsXsÛTr, to ; …, Amsterdam, 1661 (Eccle., i). Pfleiderer, Die Philosophie des Heraklit von Fphesus…, Berlin, 1886, p. 255 sq. ; Tyler, Ecclesiastes, Londres, 1899, p. 8 sq. ; d’après Zapletal, op. cit., p. 44 sq., 51 sq., et Mac Neile, A n Introduction to Ecclesiastes, Cambridge, 1904-, p. 47 sq. — Il suffit de faire observer que la description du mouvement invariable et constant des choses créées, dans le

c. I" du livre de l’Ecclésiaste, trouve sa raison suflisante dans l’idée toute hébraïque, que les créatures de Dieu ont reçu de lui des lois, comme des sentiers, en dehors desquels elles ne peuvent se mouvoir ; que les éléments et toutes choses ont été mesurés, pesés, ordonnés par lui quant à leur but, aux fonctions immuables qu’ils doivent remplir dans l’univers. Cf. Job, iixxvi 25 sq. ; xxxvni, 8sq. ; Is., XL, 12 ; Prov., iivi 29 ; Jer., v, 22 sq. Il n’est donc nullement nécessaire de recourir à la philosophie grecque pour l’expliquer. — b) L’homme et sa destinée hors de cette vie, dont Heraclite aussi et les sectateurs d’Epicure nous disent, à leur manière, et contradictoirement, le secret : l’homme ayant en lui le sentiment de l’éternité, aliûv, capable de l’abstraire de sa propre pensée empirique, iôétj çpôvrjirt ; , pour l’élever jusqu’à la vision universelle, Juvôv, divine, dans laquelle se fondent tous les contraires (Pfleiderer, op. cit., p. 278 sq.) ; l’âme, par ailleurs, chez les épicuriens (Tyler, op. cit., d’après Mac Neile, op. cit., p. 51 ; Zapletal, p. 56) n’existant pas douée de raison, mais étant faite d’atomes éthérés résolvables à l’éther au moment de la mort ; l’homme donc et sa destinée se retrouveraient ainsi conçus dans Eccle., III, 11, où, selon l’auteur, « Dieu a mis l’éternité dans le cœur de l’homme ; » dans Eccle., iii, 19 sq., où l’on suppose que le « souffle » vital, non plus raisonnable en fait que celui de la bête, 18, 19, pourrait « monter en haut » et se résoudre en autre chose que la poussière, 20, 21. — Mais, outre que dans Eccle., iii, 11, le mot hébreu’ef-hâ’ôldm n’a point nécessairement le sens d’ « éternité » et peut bien se traduire, entre plusieurs autres acceptions possibles (cf. Zapletal, p. 129 sq.), par « monde » (Sap., xiii, 9, où aîûvfhéb.’ôldm] = monde) — Dieu a fait que l’homme puisse connaître quelque chose de l’univers ; outre que dans Eccle., iii, 19 sq., il n’est pas directement question de la destinée ultraterrestre de l’homme, mais bien de la conformité de son sort ici-bas avec celui de la bête (voir plus haut, col. 2018) ; l’Ecclésiaste est si loin de penser jamais voir tout l’univers d’une seule vision sans limite comme sans contraires, que dans le passage même où on la lui veut accorder au moins en puissance, iii, 11 a, il proclame comme une vérité inéluctable que « l’homme ne peut saisir l’œuvre de Dieu, du commencement à la fin, » c’est-à-dire parfaitement, ibid., 11 b, et que tout son livre, ou presque, ne fait que mettre en relief toutes les anomalies, pour lui inexplicables, de cette œuvre ; il songe si peu aussi à faire disparaître, et comme s’anéantir, dans l’éther, l’àme humaine, que, pour lui, la véritable personnalité de l’homme subsiste par elle-même au schéol, bien qu’obscurément, et qu’il considère le « souffle vital » comme une sorte de prêt fait par Dieu à ses créatures vivantes et animées, « retournant » simplement, loin de s’évanouir en atomes éthérés, à Dieu qui le reprend ainsi qu’il l’avait donné. Voir, plus haut, col. 2018. — c) Aristote peut-être, dans V Ethique à Nicomaque, i, 7, 15, faisant de la force de l’âme, « J/u/r.i ; âvÉpyeia, le bien propre de l’homme, tô àvOpiiiuvov àyaûôv, et non pas seulement en tant que vertu d’un jour — une hirondelle ne fait pas le printemps — mais en tant que maintenue jusqu’à la fin de la vie, ËT16’âv pfo> ni(w, inspira l’Ecclésiaste se vouant à la recherche de « ce qui est bon pour les fils de l’homme », afin qu’ils le « fassent » sous les cieux « tout le long de leur vie », ii, 3. Tyler, op. cit., d’après Zapletal, p. 49. Mais il ne semble nullement que l’Ecclésiaste entendit parler en ce passage d’un « bien » aussi abstrait que celui prôné par Aristote ; il recherche seulement parmi les biens matériels la jouissance qui puisse satisfaire et lui-même et les autres, qui pourront alors profiter de son expérience, ii, 1-11. — Diogène de Laërte résume la morale stoïcienne dans le vivre conformément à la nature, t’o ôhoXoyo-juIvejx ; xf t ç-Ju, !