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ECCLESIASTE (LIVRE DE L"


Pour la plupart, Salomon reste l’auteur du livre, qu’il écrivit dans sa vieillesse, désenchante’1 et pénitent (sauf (’rotins ; J.-D. Michælis : après la captivité ; Jahn ; Gaab ; ÏJmbreit ; Hengstenberg ; Noyés ; Hitzig) ; et les sentiments hétérodoxes qui paraissent exprimés çà et la dans son œuvre sont supposés mis par lui dans la bouche d’infidèles, ou même lui sont attribués comme étant antérieurs à son repentir ; à moins que les commentateurs pour l’excuser tout à fait d’aussi blâmables sentiments ne préfèrent, suivant l’ancienne manière, allégoriser les passages suspects.

/L iVTRES INTERPRÉTATIONS. — L’interprétation dite traditionnelle donnée au livre de l’Ecclésiaste se révèle surtout comme morale et pratique, comme recherche d’une règle de vie intéressant tout homme venant en ce monde. On devait se demander — et on l’a fait — si le livre entendait bien se donner une portée aussi générale ; s’il n’avait plutôt été écrit exclusivement pour le peuple hébreu, dans la bibliothèque sacrée duquel il figure pour un tome ; soit que sa composition eût jailli, pour ainsi parler, de circonstances particulières à la vie de ce peuple, à un moment donné, et constituant un milieu historique spécial, seul capable de l’expliquer ; soit qu’il fût simplement le produit de la réflexion hébraïque s’exerçant, au-dessus de toute situation historique trop particulière, sur quelques problèmes de nature religieuse et philosophique déjà agités et non encore tout à fait résolus au sein d’Israël.

Interprétation historique.

Elle est solidaire de l’opinion qui retire à Salomon la compositon du livre. Pour Ewald, Das Hohelied Salomo’s, f.fettingue, 1820, p. 152 sq., l’auteur, un pieux Israélite vivant après l’exil, un siècle environ avant Alexandre, en un temps où son peuple gémissait désespéré et prêt à s’égarer sous le joug de gouverneurs (persans) ailiers et tyranniques, voulut au moins, en écrivant l’Ecclésiaste, apporter quelque soulagement à l’infortune de ses frères. « A cet effet, il leur recommande patience et endurance, circonspection et sagesse ; il dénonce la révolte comme un ahus de la liberté ; il excite surtout ses lecteursà une crainte de Dieu sincère, à la pensée qu’un jour Dieu jugeant toute chose redressera ce qui peut être ici-bas tenu pour défectueux ; il les exhorte enfin à ne point se décourager au sein de leurs malheurs, mais à jouir plutôt de la vie avec un cœur joyeux et reconnaissant envers Dieu, avant qu’arrive la vieillesse et ses infirmités. » Les incohérences apparent ! s tic la composition sont mises par Ewald sur le compte de 1 inexpérience littéraire de l’auteur dont l’Ecclésiaste aurait été le premier écrit. Le même Ewald a pourtant, un peu plus tard, généralisé ces enseignements du Qôhélef et est retombé dans l’interprétation traditionnelle en nous représentant cet écrivain comme « cherchant le souverain bien pour l’homme » et le découvrant dans « la joie sereine en Dieu. » Sprûche Salomo’s…, (jœttingue, 1837, p. 183 sq. Avec quelques variations sur l’époque de la composition du livre, Hitzig, Elster, lierzfeld (commentaire, et dans Geschichte des Volkes Israël, Nordhausen, 1857, t. ii, p. 28 sq.), Meier (dans Geschichte der poetischen National-Literatur der Hebrâer, l.eipLig, 1856, p. 551), Hengstenberg et Ginsburg ont adopté les vues d’Ewald clins leur première forme. Cf. Ginsburg, "/). cit., p. 205, 2(19, 219, 228. 235, 230, 16 sq., 88 et 92 ; H. Schâfer, op. cil., p. 193 sq. — Cette interprétation, l’Ecclésiaste suppose é’cril vers la fin de la période persane ou au commencement de la grecque, voir plus haut, col. 2000, n’a chance d’être vraie qu’en partie seulement ; car s’il est à croire qu’un sentiment de patriotique tristesse a pu se manifester en quelques passages du livre comme m. 10, 17 ; iv, 1-3, 13-10 ; v, 7 ; x,’5-7, 10-20, il n’en est pas moins vrai que la majeure partie du texte trahit la tendance propre ; i l’esprit d’Israël, à l’esprit de

ses sages à tout le moins, de vouloir connaître le secret de la vie humaine et de la nature. L’objet des réflexions de l’Ecclésiaste serait donc surtout philosophique.

Interprétations philosophiques.

1. Dix ans avant Mendelssohn (voir plus haut, col. 2011). Desvœux, dans un essai philosophique et critique sur l’Ecclésiaste, écrivit que le but de l’auteur était de prouver l’immortalité de l’âme, ou plutôt la nécessité d’admettre « un état futur de récompenses et de châtiments » après cette vie. Rien ici-bas ne peut satisfaire l’âme humaine. Les biens terrestres peuvent même.devenir des obstacles à cette satisfaction, loin de la produire. Ignorants de ce qui doit arriver après leur mort, les hommes ne peuvent savoir ce qui leur est, ou non, réellement avantageux. On peut donc conclure qu’il doit y avoir hors de ce monde un état de bonheur réel et stable. Ginsburg, p. 179 sq. Cette vue fut adoptée en Angleterre par Dodd et Coke, L. Young ; en Allemagne, par Vaihinger, Theologische Studi n min Kiitiken, 1848, p. 413 sq., et Keil, Hâvernick’s llandbuch de, — hist.-krit. Einleitung in das Aile Testament, Erlangen, 1849, IIIe partie, p. 434 sq. Ginsburg, p. 183, 196, 221, 224 ; cf. aussi Wright, The Book of Koheleth, Londres, 1883, p. 142 sq. — Bien qu’elle n’ait rien d’inorthodoxe, cette opinion ne peut cadrer avec le texte de l’Ecclésiaste, surtout avec les passages ii, 14 sq. ; ii r, 18, 21 ; ix, 5, 10 ; XI, 7, où, sans nier toutefois l’immortalité de l’âme, l’auteur déclare s’en tenir à l’ancienne croyance de la vie obscure et non définie au schéol, et conséquemment de la rétribution dès cette vie. Voir plus loin, col. 000.

2. Avant de passer à l’examen des hérésies doctrinales attribuées, de nos jours surtout, au livre de l’Ecclésiaste, on mentionnera simplement encore les interprétations suivantes dont le défaut principal est d’exagérer la portée philosophique de ce livre au détriment de sa signification pratique, morale et, si l’on veut, nationale. — a) Selon Nachtigal, l’Ecclésiaste renferme le résultat des réflexions de plusieurs groupes [Versammlungen) de penseurs parmi les Israélites ; il contient des propositions qui, à cette époque (Salomon est un de ces penseurs), constituaient la ligne frontière (die Grânze) de la spéculation philosophique et qui paraissent avoir été émises à dessein en partie, pour soulever le doute et l’éclaircir, et ainsi pour développer les forces de l’esprit (die Geisteskrâfte). Ginsburg, p. 192 sq. — b) Kôster voit dans le livre hébreu un sermon oriental à l’adresse de la jeunesse (eine niorgent àndische Rede an die Jugend) sur ce qu’il y a de constant, de permanent (dos Bleibendé) dans le néant des choses terrestres. La question se pose dans i, 2-11 ; on y répond en interrogeant de nouveau, dans i, 12-in, 22, sur le bien absolu ; dans iv, 1-vi, 12, sur le bien relatif ; parallèlement, iiv 1-ix. 16, décrit la véritable sagesse de la vie en général ; ix, 17-xii, 8, celle de la vie dans ses conditions particulières. Das Huclt Hiob und der Prediger Salomo’s, Schleswig. 1831, p. 116 ; Ginsburg, p. 207 sq. — c) Dans un article de V American Biblical Repository (The Philosophy of Ecclesiastes), 1838, t. xii, p. 197 sq., Isaac Nordheimer définit ainsi le « but principal de l’auteur de ce livre. » Mettre des bornes à l’humaine et criminelle tentation (sinful endeavour) de scruter les contradictions inexplicables, les énigmes insolubles qui existent dans la nature, dans le destin de l’homme, dans les relations de ce dernier à son créateur, et nous empêcher de tomber dans le découragement, le désespoir, la dégradation, suites inévitables de notre insuccès ; l’homme, qui reste impuissant à se connaître lui-même, ne doit pas se plaindre de trouver d’apparentes antinomies dans les suprêmes desseins de Dieu et dans les œuvres de la nature. Pour atteindre à ce