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ECCLÉSIASTE (LIVRE DE L'

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copieux digestes de Lorin, Pineda, Ferdinand, Corneille de la Pierre, rapportant à peu prés tout ce que l'anti- quité et le moyen âge ont dit sur la question, ne font pas faire à celle-ci un pas de plus. Du llamel, pour- tant, s'affranchit : Ce que s'est proposé l'Ecclésiasle, c'est de rassembler les diverses opinions, les pensées diverses dont l'esprit humain se trouve habituellement agité quant aux lins des biens et des maux, pour dire seulement à la lin du livre ce qu'il faut en penser... L'objet du livre, c'est de recommander la crainte de Dieu, l'observation des commandements (xn); tout le reste n'est qu'affaire de recherche, de dissertation, et formulé à la façon du vulgaire. L'auteur parait bien quelquefois partager les opinions d'autrui, mais il les rejette aussitôt, persuadé uniquement qu'on ne doit chercher le bonheur qu'en Dieu seul, les choses créées ne pouvant nous rendre heureux, vaines comme elles sont et transitoires. Plus indépendant encore de la tradition, Hardouin : Ce que l'Ecclésiaste inculque de temps en temps et ce à quoi tendent toutes ses maximes, c'est que le meilleur, le plus tranquille, le plus inno- cent, le plus heureux, en cette vie, est de jouir soi-même avec sa famille, dans ses repas, du bien qu'un travail légitime peut avoir acquis, et de reconnaître que de le pouvoir faire, c'est un don de Dieu, dont il faut par conséquent user avec action de grâces. N'oublier point, toutefois, que nous serons tous cités au jugement de Dieu. Et Jahn : Le dessein du livre est d'apprendre aux hommes à réprimer leurs désirs insatiables de pou- voir, d'honneurs et de plaisirs et à ne point accroître cependant l'affliction de leur vie en se refusant incon- sidérément la jouissance de quelques plaisirs innocents, bien que fugitifs et incertains. Eiiileiluiig in die gôtt- liche Bûcher des Alten Bundes, Vienne, 1802, § 21k Ainsi, des commentateurs catholiques, serrant de plus près la trame du livre, arrivaient progressivement à par- tager, touchant le dessein de l'Ecclésiaste, une vue pré- cédemment émise par les premiers réformateurs, Luther, Mélanchthon : qu'il nous faut user des choses présentes et des créatures de Dieu, sans trop d'inquiétude à l'en- droit des choses futures, le cœur tranquille et en repos, l'âme contente et en joie, confiants et soumis à l'égard d'une providence souveraine, dans l'attente d'un juge- ment à venir, lidèles à suivre notre vocation. Cf. Gins- burg, Coheleth, Londres, 1861, p. 112 sq. Ainsi, en oppo- sition presque complète à l'idée patristique et scolastique du caractère spécifiquement moral de l'Ecclésiaste en- seignant le mépris total de toute jouissance terrestre, se développait l'idée du caractère tout pratique du livre, loin encore de l'épicuréisme proprement dit, mais prenant l'eudémonisme d'une sagesse appliquée à l'organisation d'une vie joyeuse et tranquille, malgré les déceptions de tout genre que nous ménage le sort. Cette conception, unilatérale comme la précédente, s'est recommandée des noms de Piscator, Kleuker, Pfannkuche, Gaab, Zirkel, J. E. Schmidt, Lisco, Zôckler, après ceux de Luther et de Mélanchthon, et avec quelques nuances inévitables. Cf. Ginsburg, op. cit., p. 123, 184, 190, 191, 215; B. Schàfer, Das Buch Koheletk, p. 189, 193. Mais, en même temps, il apparaissait évident à beaucoup que l'énigme de l'Ecclésiaste n'était pas à résoudre d'une façon aussi simpliste, et que le but du livre devait être la résultante du contraste institué, au cours de ses pages, entre les preuves de la vanité de toutes choses ici-bas et l'exhortation pressante à se livrer néanmoins à la joie et au plaisir, tout relatifs qu'ils dussent être. Indiquée déjà parBrentius, Drusius et les Annotations hollandaises (1637), cette combinaison fut ainsi réalisée et formulée par Jean Mercier : Salomon nous enseigne à jouir des choses présentes d'un cœur paisible et tranquille, en brisant avec la curiosité, l'inconstance humaines, ennemies du repos, attendu que les richesses, les honneurs, les magistratures, une femme, les autres

créatures de Dieu sont choses bonnes, si l'on en use avec action de grâces et crainte de Dieu, l'âme toujours en Dieu et détachée de ces choses terrestres. Cf. Gins- burg, op. cit., p. 111, 139, 150. Adopté par Beynolds, ,1. D. Michaelis, Jacobi, Spohn, Ilenzius, Rosen millier Knobel, Steudel, Hengstenberg (dans ^4 Cyclopsedia of biblical Literature de J. Kitto, t. i, p. 596), Noyés, lleiligstedt, Umbreit (dans Theologische Studien und Kritiken, 1857, p. 8, 9, 54), cf. Ginsburg, op. cit., p. 146, 176, 186, 188, 206 sq., 208, 212, 216 sq., 220, 236, ce moyen terme a reçude nosjourssonexpression orthodoxe dans Cornely, ïntroductio specialis, t. n, 2, p. 165 sq., qui fait en même temps la critique des deux opinions jusque-là opposées, dans leur forme unilatérale : « Les Pères et les commentateurs plus récents n'ont eu devant les yeux que la première partie du livre; ils n'ont point fait attention aux conclusions pratiques que l'auteur lui-même tire de sa doctrine, soit dans la première (i, 2-vi, 12), soit dans la seconde partie (vil, 2-xn, 7); ils n'ont point distingué non plus entre le dessein de l'auteur qui adressait son ouvrage immédiatement à des lecteurs placés sous l'ancienne loi, et l'utilité que nous autres, appelés par la grâce de la loi nouvelle à une perfection plus haute, pouvons et deons retirer de sa doctrine. Ceux-là aussi enferment son dessein en des limites trop étroites, qui pensent que l'auteur a entendu réfréner l'inquiète agitation des humains qui les entraîne à la conquête des richesses, des plaisirs et des louanges, et leur apprendre pourtant à ne point se faire une existence plus importune encore en se refusant tout à fait d'innocentes jouissances encore que transitoires et fugitives; ou qui soutiennent qu'il voulut enseignera trouver le vrai bonheur de cette vie dans un usage pieux et modéré des choses terrestres. Encore qu'ils se l'apportent en vérité au dessein de l'auteur, tous ces concepts n'expriment bien ce dessein que s'ils sont réunis ensemble. L'auteur s'est proposé donc de nous apprendre comment l'homme doit ordonner sa vie afin d'arriver sûrement au seul bonheur qui i>eni s'obtenir sur cette terre. ('■(. llii/ig, Stuart; voir (iins- burg, p. 219, 225. A cel ellet, il montre que tous les biens de ce inonde sont par eux-mêmes caducs et imparfaits et ([ne leur usage immodéré n'a jamais rendu l'homme heureux; que néanmoins leur usage discret et modéré' est capable de procurer ici-bas un bonheur toujours in- complet, pourvu que l'homme songe constamment au compte qu'il en devra rendre au Dieu de toute justice et pratique ainsi avant tout la piété et la vertu. »

On ne peut qu'énumérer par leurs noms les auteurs et commentateurs restés lidèles, du xvr siècle à nos ours, à l'idée de l'Ecclésiaste enseignant le mépris des biens de ce monde au prolit de l'amour du Bien suprême et souverain, qui est dans les cieux, et que l'on atteint et réalise en soi par la crainte et le service de Dieu.

Catholiquea : Lorin, cf. Ginsburg, Coheleth, Londres, 1861, p. 119 sq.; Pineda, ibid., p. 123 sq.; J. Ferdinand, ibid., p. 130 sq : Corneille de la Pierre, ibiJ., p. 133 sq.; Corneille Jansen, d'Ypres, ibid., p. 10(>; Bossuet; Calmet, ibid., p. 169; Goldhagen, Scholz, llerbsi, Welte, d'après B. Schâfer, Neue Untersuchungen iiber das Buch Koheleth, Fribourg-en-Brisgau, 1870. p. 20i.

Non catholiques : Cartwright, Ginsburg. p. 114; H. Lock, ibid., p. 114 sq.; Thom. Granger, ibid., p. 132 sq. ; W. Pénible et Richard Capel, ibid., p. 135 sq.; Coccéius, ibid., p. 137 sq. ; M. Jermin, ibid-, p. 140 sq.; Grotius, ibid., p. 145; Geier, ibid., p. 148; J. Mayer, ibid., p. 151; J. Cotton, ibid., p. 152; Trapp, ibid., p. 155; Matthew Pool, ibid., p. 160 sq. ; Séb. Schmidt, ibid., p. 161 sq. ; l'évêque Patrick, ibid., p. 163; F. Yeard, ibid., p. 164; Mat. Henry, ibid.. p. 165 sq. ; J.-H. Michaelis, ibid., p.l68;Ed.WeIls,?'bid.,p.l69;J. Le Clerc, ibid., p. 170 sq.; Greenway, ibid., p. 188 sq.; Priestley, ibid.. p. 196; Ad. Clarke, ibid., p.l96sq.; Umbreit, Kohelets.. .,ibid.,p. 197 ;Holden, ibid., p. 198sq.; Moïse Heinemann, ibid., p. 84; Wangemann, ibid , p. 232 sq.: Buchanan, ibid., p. 238; Ch. Bridges, ibid., p. 239