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ECCLÉSIASTE (LIVRE DE L’)


réflexions d’un personnage voué à la pénitence. » Zapletal, op. cit., p. 63 sq.

2° Si des auteurs catholiques ont pu conclure ainsi à la non-authenticité salomonienne du livre de l’Ecclésiaste, en revanche nul auteur, traditionnel ou critique, n’a pu encore en déterminer la date //récise : « la connaissance que nous avons de l’histoire ne nous met pas à même d’interpréter avec assurance les allusions aux événements concrets qu’il paraît contenir (iv, 13-16 ; VI, 2 ( ?) ; iivi 10 ; îx, 13-16 ; x, 16 ; x, 17). » Driver, Introduction, p. 176. Cependant, 1. une date postexilienne est fort probahle qui ne serait pas antérieure, toutefois, aux derniers temps de la domination persane en Palestine, laquelle domination finit l’an 333 avant notre ère. Beaucoup faisant fond sur le milieu politicosocial supposé par les données du livre, voir plus haut, col. 2008, se sont arrêtés à ce déclin de l’époque perse marqué par les usurpations et la mauvaise administration des satrapes. Ewald, Ginsburg, Delitzsch, Cheyne, etc. — 2. Aujourd’hui l’époque grecque est tout à fait en faveur, et la date supposée approximative serait l’an 200. ou quelque peu auparavant. Ce n’est pas que quelques critiques n’aient descendu encore cette date ; ainsi Kuenen fait composer l’Ecclésiaste peu avant l’avènement d’Antiochus IV Épiphane (175-16’t) ; Winckler, au temps des Mâcha bées ; Renan, vers l’an 125, sous Jean Hyrcan ; Leindorfer et Konig, sous Alexandre Jannée (IOi-78) ; Grætz et Seinecke, au temps d’IIérode le Grand (38-4). Mais les allusions historiques du Qôhélet (îv, 13 sq., et x, 16 sq.), sur lesquelles ces critiques s’appuient principalement, sont ou illusoires, ou trop incertaines, et ne peuvent donc assurer nullement la date choisie. Cf. Driver, Introduction, p. 476 ; Siegfried, Prediger, p. 23 ; Strack, Einleiluug in dos Alte Testament, Munich, 1906, p. 155 ; Zapletal, p. 67 sq. Du reste, un terminus ad quem certain serait donné par le livre de la Sagesse (vers l’an 130), écrit, pense-t-on, dans le but de combattre certaines interprétations erronées qui se faisaient de l’Ecclésiaste. Cf. Sap., ii, 6-9, et Eccle., IX, 7-9 ; voir Zapletal, p. 66 sq. ; Gigot, p. 128. Et s’il est vrai que l’Ecclésiastique puisa quelques-unes de ses sentences dans le recueil du Qù/iélet, voir plus haut, col. 2001, la composition de ce dernier devrait mon’.er encore au-delà île l’an 180. Pour cette raison, M. N. Peters place la composition de l’Ecclésiaste entre 145 et 130. Biblische Zeitschrift, 1903, p. 1 49— 1 50. On s’arrêle aux environs de l’an 200 pour les raisons suivantes : a) « la physionomie de la langue du livre, qui pour le plus probable requiert une date plus basse que la période persane ; b) les passages, Eccle., iv, 17 ; v, 1, 2 ; iiv 16, 17 ; x, 57 ; xi, 1, qui s’entendent mieux si on les rapporte aux mœurs et aspirations des Juifs au commencement du II » siècle avant notre ère ; c) une influence générale et indirecte de la philosophie grecque, spécialement au regard des idées eschatologiques du Qôhélet, qui ne peut guère être niée et qui indique la même date relativement tardive. » Gigot, p. 128, d’après Peake, art. Ecclesiasles, dans Hastings, Dictionary of the Bible, p. 639 ; Condamin, loc. cit., p. 367 sq.

Y. Interprétation. — Peu de livres de l’Écriture ont donné lieu à une plus grande diversité d’interprétation que celui de l’Ecclésiaste. Il est impossible de rapporter ici toutes les vues relatives à son caractère, à sa signification, à son but, qui, depuis l’époque de sa composition, ont été émises par les exégètes et commentateurs juifs et chrétiens, par les théologiens moralistes et mystiques. On peut cependant, eu égard à une certaine et positive continuité de ressemblance entre quelques éléments de ces vues, comme à une méthode d’interprétation des détails à peu près constante chez les Pères et autres écrivains ecclésiastiques, parler d’interprétation traditionnelle. A ce dernier point de

vue, le commentaire chrétien n’a fait qu’adapter à la nouvelle foi le mode inauguré par l’exégèse judéopalestinienne. Avec le temps et en conséquence des progrès accomplis chez les docteurs juifs du moyen âge dans le domaine de l’exégèse littérale et gramma ticale du texte hébreu, la méthode critique prit sonessor, et durant que les interprètes catholiques pour la plupart, les protestants pour un grand nombre encore, continuaient à exposer et à soutenir l’opinion traditionnelle, d’autres vues plus indépendantes se faisaient jour. Ce n’est pas toutefois que la critique du détail, poussée à l’extrême chez quelques exégètes non catholiques, n’ait induit ceux-ci en erreur en leur faisant attribuer faussement à l’auteur de l’Ecclésiaste toute une série d’hérésies philosophiques, ou en les portant à lui dénier toute originalité de pensée au regard de la philosophie grecque dont il aurait subi formellement l’influence directe.

L INTERPRÉTATION TRADITIONNELLE. — 1° Chez les Juifs. — 1. Littérature midraschique. — Bien que le caractère homilétique du midrasch dût exclure une recherche historico-critique du but réel et de la signification religieuse du livre, les rabbins en ont donne cependant une vue assez exacte : Salomon aurait écrit le Qôhélet pour exposer le néant et la vanité de toute occupation séculière et de tout plaisir charnel, et pour montrer que le bonheur de l’homme consiste à craindre Dieu et à garder ses commandements. Ouant au personnage de Salomon, auteur du livre danssa vieillesse, après avoir été détrôné par le chef des démons Asmodée et avant d’être réintégré dans sa royauté, Midrasch, i, 12 ; Talrnud, Giliu, » 8 b ; Paraphrase chaldaïque, i, 12 ; un .Midrasch, dans Jellinek, Bel ha-Midrasch, t. ii p. 80, 87, il fut simplement déduit de Eccle., i, 12 : « J’ai étc roi sur Israël, » par une application au cas particulier des règles bizarres et puissamment Imaginatives de l’exégèse hagadique. Le commentaire est en général allégorique, moral, anagogique, inspiré des événements du passé Israélite ou des espérances toujours vivantes de la communauté, relativement à l’avenir messianique. Cf. S. Jérôme, In Eccle., iii, 2-8, P. L., t. xxiii, col. 1034-1038 ; Paraphrase chaldaïque, ii 24 ; ni, 1722, etc., dans Ginsburg, Coheleth, p. 36 si].

2. Commentaires du moyen âge.

De nombreux docteurs juifs ont commente l’Kcclésiaste aux x 1’, XIe et xir siècles ; mais la plupart de ces commentaires sont perdus. Nous avons ceux de Raschbam, de Raschi et d’Aben Esra. Les deux derniers adoptent les vues générales des auteurs midraschiques concernant le but du livre et le personnage de Salomon ; leur commentaire abonde en remarques grammaticales et lexicographiques ; celui d’Aben Esra, en particulier, attribue au Qôhélet bas propres théories philosophiques, voire astrologiques, de son auteur. Raschbam a serre de plus près le vrai dessein du livre qui est, d’après lui, de nous montrer l’inutilité de nos efforts à dissiper l’effet de mélancolie que produit sur nous la constatation de la rapidité de notre vie humaine comparée à la stabilité de la nature, et de nous enseigner que la consolation de cette infériorité se trouve seulement dans une paisible jouissance de la vie, dans la résignation aux desseins de la providence, dans la croyance à une vie future où tout ce qui nous paraît mal équilibré dans celle-ci sera redressé. Pour l’établir, Raschbam ne s’en réfère qu’à la suite logique du texte, sans la moindre allusion aux allégories et rêveries midraschiques. Cf. Ginsburg, p. 38 sq. La vanité des choses de ce monde est faite pour amener l’homme à l’étude exclusive de la Loi et à la science, selon le commentaire de Caspi (xive siècle) ; pour l’amener à la crainte de Dieu et à la considération du monde futur, suivant l’essai de l’enini. Ginsburg, p. 60 sq. En même temps que progressait l’exégèse littérale et grammaticale dans les com