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2005

ECCLÉSIASTE (LIVRE DE L')

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rences bibliographiques. Si elle échappe à ces critiques, la théorie de P. Ilaupt reste à être prouvée pour elle-même ; et il faut considérer que nulle reconstruction — et le nombre des reconstructions possibles es' presque inlini — ne doit prétendre à la certitude d’avoir reslauré le texte primitif. C’est pourquoi l’on est revenu à suspecter d’interpolation certains passages non en grande harmonie avec la teneur générale du livre : m, 17 ; viii, 10, 12, 13 ; xi, 96 ; XII, 1 a, 7 6 ; l'épilogue XII, 9-14, ou tout au moins 13, 14. Pour l'épilogue — après Krochmal, Fûrst, Grætz, Bloch et Renan, cf. Wright, p. 96 sq. ; Cheyne, Job and Salomon, p. 234, pour les autres passages, Cheyne, op. cit., p. 211, 232 sq.. 238 sq., réfuté par Driver, Introduction, Edimbourg, 1897, p. 477 ; Peake, ait. Ecclesiastes, dans llastings, Dictionary of the Bible, et Davidson, art. Ecclesiastes, dans Encijclopœdia biblica.Cî. Mac Neile, p. 29 sq.

Si quelques-unes de ces hypothèses ne sauvegardaient pas entièrement l’intégrité du livre de l’Ecclésiasle, toutes cependant supposaient l’unité de l’auteur ou étaient faites pour la défendre. Il en va autrement des vues de D. C. Siegfried, Prediger und noheslied, Oœttingue, 1898, reprises avec quelques modifications par Mac Neile, <ip. cil. Il s’agit toujours d’interpolations ; mais ces interpolations ont une telle importance et se chillrentpar une telle somme de versets, que l’on peut parler ici de nouveaux rédacteurs ou compilateurs. On relève tant et de si radicales contradictions dans le livre, que celui-ci ne peut êlre tenu pour un dans sa composition : ni, 1-8, contredit ni, 11, 12, sur l’ordonnance divine de ce monde ; iii, 16 ; iv, 1, en nient le caractère moral contre ni, 17 ; v, 7 ; iivi 11, qui aflirment le jugement de Dieu ; ni, 18-21, et xii, 7-8, s’opposent touchant la destinée Gnale de l’homme ; iiv 15 ; vin, 10, 12a, 14, et iiv 17 ; iivi 5, 12 b, 13, diffèrent du tout au tout quant au sort des bons et des méchants ; vu, 2, et v, 17 ; IX, 7-10, prescrivent à l’homme des attitudes tout opposées devant la mort ; de même xi, 9 «, et xi, 9 b, eu égard à ses désirs ; i, 2-10 ; ii, 17, 20 ; m, 9, enseignent le doute, le scepticisme contre ni, 22 ; v, 18, 19 ; la façon de concevoir la sagesse de i, 17 ; n, 15, 16, ne peut cadrer avec celle de ii, 13, 14 ; VII, 11, 12, 19 ; iivi 1 b : ix, 13-18 ; x, 2, 12. Siegfried, op. cit., p. 3 sq. La conclusion s’impose : plusieurs mains ont concouru à l’ouvrage. La première fut celle de l’Ecclésiaste lui-même, un philosophe pessimiste pour qui « tout est vanité » et qui développe ce thème dans I, 3II, 12, 14 6-24 a ; iii, 1-10, 12, 15, 16, 18-21 ; iv, 1-4, 6-8 ; v, 9, 10, 12-16 : le tout siglé Q 1. L’n premier interpolateur, Q-, sadducéen sectateur d'Épicure, oppose d’abord à cette philosophie celle de la jouissance et du plaisir : ni, 22 ; v, 17-19 ; iiv 14, 16 ; viii, 15 ; iiv 4, 7, 10-12 ; x, 19 ; xi, 7, 8a, 9a, 10 ; xii, 1 b-1 a. Siegfried, p. 5 sq. Krætzschmar, Theologische Literaturzeitung, septembre 1900, a contesté cette analyse, et Mac Neile, p. 30, altribue simplement ces passages au premier auteur comme conséquence naturelle de ses griefs contre la vie. Cependant un second inlerpolateur, un « sage », haham, Q 3, vante, à rencontre de l’Ecclésiasle, la sagesse : ii 13, 14a ; iv, 5 ; vi, 8, 9 a ; iiv 11, 12, 19 ; iivi 1 ; ix, 13-18 ; x, 1-3, 12-15. Siegfried, p. 11. Mac Neile ote néanmoins à ce sage, pour encore les attribuer au premier auteur, ii 13-14 « ; vi, 8 ; ix, 13-18 : ils sont de son style, de sa philosophie. Un Juif pieux enlin, un hasid, Q v, redresse de son optimisme les opinions de l’Ecclésiaste touchant le gouvernement du monde, la justice divine, la destinée humaine : ii 246-26 « ; ni, 11, 13, 14, 17 ; iv, 17-v, 1, 3-5, 66, 7 ; VI, 10-12 ; vil, 13,

17, 23-25, 29 ; viii, 2-8, 11-13 ; ix, l ; xi.5, 96 ; xii, la, 7 6. Siegfried, p. Il sq. ; Mac Neile, p. 24 sq. Siegfried sigle Q> d’autres interpolateurs de maximes et proverbes isolés : iv, 9-12 ; v, 2, 6, 8, 11 ; iiv 1 «, 5, 6 «, 7-10,

18, 20-22 ; x, 4, 8-11, 16-18, 20 ; xi, 1-4, 6. Mac Neile

attribuerait plus volontiers ces passages au hasid. i, 1, et xii, 8, seraient dus à l'éditeur du tout ; xii, 9-10 ; 1112 ; 13-14, constitueraient trois épilogues successivement ajoutés à l'édition. Siegfried, p. 12.

Cette hypothèse de la pluralité des auteurs serait la solution la plus simple des nombreuses difficultés du livre, si les contradictions qu’on relève en celui-ci n'étaient des contradictions prétendues. Zapletal, Bas Buch Kohelet, p. 35. On peut considérer le monde comme divinement ordonné, iii, 11 a, malgré les oppositions qu’il renferme et que l’homme, du reste, ne peut entièrement comprendre, ni, 1-S, 116 ; s’il y a des injustices dans le monde, ni, 16, etc., c’est que le jugement du juste juge est seulement retardé, ni, 17, etc. ; dans iii, 21, l’Ecclésiasle rejette simplement l’idée (unie sort de l’homme après la mort, quant au « soufilede Dieu retournantà Dieu qui l’a donné », xii, 7, soit difleV rent de celui de la bêle sous le même rapport, voir plus loin, col. 000 ; de même oppose-t-il simplement à la vieille idée de la rémunération du bien et du mal dès ce monde, VII, 17, etc., la constatation faite par lui de laits contraires à la théorie, iiv 15, etc. ; les levons de la mort, iiv 2, ne doivent pas empêcher de jouir des biens de la vie créés par Dieu, v, 17, etc. ; de même nissi l’homme peut-il céder à ses désirs, xi, 9 «, sous le bénéiiee du jugement de Dieu, xi, 96 ; il est également vrai que vains sont les efforts de l’homme pour s’affranchir des lois de la nature ordonnées par Dieu, I, 2-10, etc., et que pourtant le travail humain obtient sur la nature de réels succès, 111, 22, etc. ; c’est, au fond, l'éternel problème de la liberté, sur lequel l’Ecclésiaste ne se prononce pas ; parce qu’il est insoluble pour nous, la sagesse qui le veut néanmoins résoudre peut alors être taxée de vanité et de folie, i, 17, etc. ; cependant cette sagesse reconquiert tout son prix lorsqu’elle s’applique à l’action, iiv II, etc. Zapletal, p. 33 sq. Ce sont là diverses réflexions sur Dieu, l’autre vie, la rémunération finale qui ont leur expression dans d’autres livres de l’Ancien Testament, qui n’y sont point venues du reste à satisfaisante solution, et que l’Ecclésiaste émet à son tour sans beaucoup d’ordre, comme elles se sont présentées à son esprit. Zapletal, p. 22 sq., 32 sq., 35. L’unité d’auteur se confirme par la métrique du livre à laquelle il faut faire trop de violence pour appuyer l’hypothèse contraire. Cette même métrique permet cependant de relever nombre de courtes interpolations, amplifications, atténuations, explications, répétitions et omissions dues aux copistes et transcripteurs du livre. Zapletal, p. 39 sq.

IV. AUTEUR et date.

L’opinion traditionnelle a attribué et altribue encore à Salomon, lils de David, la composition du livre de l’Ecclésiaste. L’opinion critique la lui retire, au contraire, et en fait l'œuvre d’un auteur inconnu dont l'époque varie, suivant les diverses conclusions des critiques, du IXe siècle à l’an i avant notre ère.

L OPINION TRADITIONNELLE. — La première s’appuie naturellement de la croyance constante des traditions juive et chrétienne jusqu’aux temps modernes, et d’arguments tirés du livre lui-même. Des écrivains catholiques ont cependant contesté la solidité de ces appuis. — 1° On invoque : 1. la tradition juive, qui a son expression dans les commentaires des rabbis unanimes à attribuer le livre à Salomon, Motais, L’Ecclésiaste, Paris, 1877, p. 4 ; B. Schàfer, Z)as Buch Koheleth, Eribourg-en-Brisgau, 1870, p. 16 sq., et dans la liste talmudique des Livres saints, où l’Ecclésiaste trouva place parmi les écrits salomoniens entre les Proverbes et le Cantique, I ?a6a Bathra, 146, 15a ; 2. la tradition chrétienne, représentée par les œuvres des Pères et écrivains ecclésiastiques grecs et latins, qui s’accordent à regarder Salomon comme l’auteur du livre, bien qu’ils diffèrent sur le moment précis du règne de ce