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EBIONITES — EBRARD


judéo-chrétiens, qui se maintinrent tant bien que mal à l’état de bloc erratique, à travers les multiples transformations que le mouvement belléno-romain fit subir, pendant les n° et IIIe siècles, aux milieux transjordaniques. A plus forte raison, ce grand elTort littéraire resta-t-il sans prise, soit en Asie, soit en Occident, sur les Eglises de plus en plus jalouses de leur orthodoxie et de plus en plus vigilantes contre toutes les tentatives hétérodoxes et hérétiques de l’époque. Aussi l’ébionisme essénien fut-il condamné à végéter, en attendant sa disparition complète ; s’il restait encore quelques rares ébionites, au Ve siècle, du temps de Théodoret, ils ne devaient pas tarder de retourner, comme le voulait la logique, au judaïsme strict, en rejetant complètement le christianisme, ou même, pour ceux qui préférèrent être de vrais chrétiens, à l’orthodoxie catholique.

I. Sources.

S. Irénée, Cont. hier., i, 26, P. G., t. iiv col. 686-687 ; Tertullien, Ue prsescriptionibus, 33 ; Pseudo-Tertullien, De prsescriptionibus, 48, P. L., t. it, col. 40, 67 ; Philosophoumena, iiv 34 ; IX, 13-17, édit. Cruice, Paris, 1800, p. 389, 446 sq. ; Origéne, De principiis, iv, 1, 22 ; Contra Celsum, II, 1, P. C, t. XI, col. 381, 793 sq. ; iïusùbe, H. E., III, 27, 32 ; iv, 0, 22 ; v, 8, VI, 16, 17, 38, P. G., t. xx, col. 273, 281, 316, 380, 452, 558, 560, 597 ; S. Épiphane, H.rr., xxx, P. G., t. xli, c., 1. 409, 422, 428, 429, 433, 436 ; Théodoret, Hxret. fab., il, 1, P. G., t. lxxxiii, col. 388.

II. Travaux.

Voir t. iii, col. 216, ceux qui sont relatifs aux Clémentines ; Smith et Wace, Uictionary of Christian biograpliy ; Realencyclopàdie fur protestantische Theulogie ; Lightfoot, S. Paul’s Epistle to the Galatians, diss. III, S. Paul and the Titrée, 1876 ; Duchesne, Les origines chrétiennes (tithog.), Paris, 1886 ; Histoire ancienne de l’Eglise, Paris, 1906, t. I, p. 116-132.

G. Barf.ille. ÉBRARD ou EBERHARD ou EVRARD, de Béthune (Pas de Calais) — natione Flandrensis, Belunia oriundus, dit-il lui-môme dans le prologue de son Aulihærcsis, Maxima bibliotheca velerum Palrum, Lyon, 1677, t. xxiv, p. 1525 — nous est presque inconnu. La nature de Y Antihmresis semble démontrer que c’était un homme d’église, prêtre séculier ou moine, et un autre ouvrage, le Grœcismus, autorise à supposer qu’il fut professeur de grammaire et de belleslettres, si ce traité est vraiment de lui. Maison a pu se demander si ce traité n’est pas d’un autre librard de Béthune. Cf. Du Cange, Glossarimn ad scriptores média et in/imœlalinilalis, Paris, 1681, t. I, p. 37 ; Daunou, Histoire littéraire de la France, Paris, 1832, t. xvii, p. 130 ; A. Wauters, dans Biographie nationale de Belgique, Bruxelles, 1878, t. VI, p. 748-750 ; B.Hauréau, dans le Journal des savants, 1889, p. 58. Deux vers anciens donnent la date de composition du Grœcismus :

Anno milleno centeno bis duodeno Condidit Ebiardus Grajcismum Betuniensis.

Faut-il y voir l’année 1124 ou 1212 ? Le premier sens est grammaticalement plusnaturel ; le second n’est pas contraire à l’usage du moyen âge. Si celui-ci est le sens véritable, toute difficulté s’évanouit et il n’y a pas de raison de dédoubler Ebrard de Béthune. Que si, au contraire, celui-là s’imposait, il ne serait pas possible d’attribuer V Antihseresis et le Grœcismus à un seul et même auteur, car YAnliltœresis ne peut appartenir à la première moitié du XIIe siècle, mais seulement à la seconde moitié ou au commencement du xiii e. En effet, Henri de Gand, mort en 1295, dans son De scriptoribus ecclesiasticis, c. i.x, reproduit par Fabricius, Bibltolhecii ecclesiastica, Hambourg, 1718, 2e pagination, p. 128, dit simplement d’Ebrard qu’il était originaire de Béthune ; mais il le place tout à fait à la fin de son œuvre, après des auteurs du xnr siècle, tels que Vincent de Beauvais, Albert le Grand, etc., et, s’il est vrai qu’Henri de Gand ne s’assujettit pas rigoureusement à l’ordre chronologique, il y a là pourtant une

indication sérieuse. Nous avons mieux encore. Ebrard a écrit son traité théologique après Gilbert de la Porrée (mort en 1154, condamné en 1148), puisqu’il se déclare, c. i, Max. bibl. vet. Palrum, t. xxiv, p. 1529, non nominaliste, mais réaliste à la manière des disciples de Gilbert, ne sinvus nominales in hoesed jiolitts porretani ; et, enfin, il combat les vaudois qui n’existaient pas en 1124 et n’apparurent que beaucoup plus tard, et les cathares qui n’en étaient pas alors au point de leur évolution que l’ouvrage d’Ebrard manifeste. Préciser en ce sens ce qui a été dit, t. iii, col. 1988, 1997.

Nous n’avons pas à parler du Grœcismus d’Ebrard — c’est, envers latins, un traité de langue latine considérée parfois dans ses rapports avec le grec — mais seulement de YAntihæresis. Cet écrit fut publié, pour la première fois, par le jésuite Gretser, en 1614, à une époque où l’on confondait cathares et vaudois, et où, dit Bossuet, Histoire des variations des Eglises proies/ailles, 1. XI, n. 46, dans Œuvres, ( ; dit. Lâchât, Paris, 1863, t. xiv, p. 482, « on nommait du nom commun de vaudois toutes les sectes séparées de Borne depuis le onzième ou douzième siècle jusqu’au temps de Luther > ; aussi Gretser l’intitula-t-il : Liber rouira Waldenses. Bossuet, qui a eu le mérite d’établir que les cathares et, en particulier, les albigeois, différèrent des vaudois, cite précisément r.brard, op. cit., n. 52, 53, p. 485, parmi les « lémoins » qui lui servent à étayer sa démonstration victorieuse. Cf. A. Rébelliau, Bossuet, historien du protestantisme, Paris, 1891, p. 214, 240, 242, 383, 390, 393, 411, 416, note 2, 417, note 3. Daunou, Histoire littéraire de la France, t. xvii, p. 130, fait dire à Bossuet que dans ce traité Ebrard combat les piphles, et ajoute que cependant Ebrard ne nomme ni les piphles ni lespoplicains, mais seulement les « xabatates ». Ce n’est pas parfaitement exact. Bossuet se borne à dire, n. 52, p. 485, que le livre d’Ebrard « est composé contre les hérétiques de Flandre » et que « ces hérétiques s’appelaient piples ou piphles dans le langage du pays, » ce qui est juste et ce qu’il prouve par d’autres sources. Quant à Ebrard, il les appelle une fois « ariens », c. iii, p. 1531, et, le reste du temps, « hérétiques » tout court, conformément à l’habitude des écrivains du moyen âge déqualifier de la sorte les cathares ; cf., sur ces noms, t. i, col. 677, et, sur la distinction entre cathares et vaudois, t. iii, col. 1989-1990.

L’Antihseresis se divise en vingt-huit chapitres. Les chapitres i à xxiv, consacrés aux cathares, se suivent dans un ordre quelconque. Ebrard passe en revue les principales doctrines qui constituent le fond du catharisme : dualisme, c. v, et passim ; création du monde et de l’homme par le principe mauvais, c. v ; rejet de l’Ancien Testament (aucun de ceux qui vécurent avant la passion ne s’est sauvé, saint Jean-Baptiste ne s’est pas sauvé), c. i, ii, iii, xui ; pas de résurrection de la chair, c. ix ; condamnation du mariage, c. iiv xix ; les femmes ne seront pas sauvées in muliebri sexii, c. xvili ; pas de baptême pour les enfants, rejet du baptême d’eau, c. vi ; rejet de l’eucharistie, c. VIII ; de l’extrème-onction, c. xi ; de la confession, c. iv ; du sacerdoce, de la tonsure, des offrandes aux prêtres, c. iv, x ; du culte (lieux du culte, objets du culte, culte de la croix, chants, longues prières), c. iv, xvii ; des prières pour les morts, c. iv ; des pèlerinages, c. xii ; du serment, c. xiv ; de l’usage de la viande, c. xx ; de la peine de mort contre les malfaiteurs, c. xv ; mépris de la foi, les œuvres comptant seules, c. xvi. Ebrard observe que pratiquement, en dépit de leurs allures détachées, les « hérétiques » ne négligent pas les alla ires temporelles, c. xxii. Il leur reproche de se cacher pour mal agir et pour enseigner leurs doctrines, c. xxi. Dans sa polémique, Ebrard se place résolument