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ÉBIONITES


uns, ce n’était qu’une créature de Dieu et non le Fils du Père, un esprit, mais supérieur aux anges, possédant la faculté de descendre sur la terre quand cela lui plaisait et de s’y manil’ester comme il l’entendait. C’est ainsi qu’il s’était incarné dans Adam et avait apparu aux patriarches. Pour les autres, c’était Adam lui-même venu dans les derniers temps dans la personne de Jésus. A quel moment précis ? Au baptême, croyaient quelquesuns, tout comme les ébionites proprement dits ; à sa naissance, opinaient ceux qui admettaient son origine miraculeuse. Peu importait, du reste, car, en toute hypothèse, il n’était pas engendré de Dieu, né de Dieu, Dieu lui-même, mais simplement un ange supérieur, une créature. Venu en Jésus, le Christ n’avait pas une autorité plus grande que Moïse, il n’était que le successeur éloigné de Moïse, s’exprimant ainsi dans leur Evangile : « Je suis celui que Moïse a prophétisé, quand il a dit : « Un prophète sera le Seigneur Dieu pour vous comme eux. » Homil. clément., iii, 53, P. (’, ., t. ii col. 144. Et cela leur suffisait pour justifier leur attachement au christianisme comme au mosaïsme.

4. Sur la Bible.

De l’Ancien Testament, ils n’admettaient que le Pentateuque, mais préalablement accommodé à leur manière de voir ; tout le reste n’étant, d’après eux, que le mosaïsme surchargé à une époque trop récente, ne méritait que la réprobation. Pour le Nouveau Testament, ils en étaient au même point que les ébionites pharisaïques et n’acceptaient que l’Évangile aux Hébreux ; ils rejetaient toutes les Kpitres de saint Paul. Par contre, ils semblent avoir accepté quelques apocryphes, le Protévangile de Jacques et les nepeoScù to-j llsrpou, S. Épiphane, Hser., xxx, 15, P. G., t. xli, col. 429, sans doute à cause du nom de l’apôtre qu’ils portaient. Et au dire de saint Épiphane, Hier., xxx, 16, P. G., t. xli, col. 432, ils possédaient certains Actes des apôtres, qui étaient pleins d’impiété. Enfin ils exploitaient le fameux livre d’Elcésai ou Elchasai qu’un ange aurait apporté du ciel la troisième année du règne de Trajan. Quand ils parlaient de Jésus ou des apôtres, ils leur prêtaient des paroles et des actes qui n’étaient nullement ceux des livres canoniques, mais bien ceux que portaient leurs livres, et qui donnaient à Pierre, Jacques ou Matthieu des sentiments essénicns.

Leurs pratiques.

Se disant chrétiens, ils conféraient le baptême, mais en le faisant précéder de la circoncision ; outre le sabbat, ils observaient le dimanche, comme les catholiques, Eusèbe, /L K., ni, 27, P. G., t. xx, col. 273 ; Théodoret, Hæret. fab., Il, 1, P. G., t. i.xxxih, col. 389 ; ils célébraient les mystères sacrés, mais rien qu’avec du pain azyme et de l’eau, S. Irénée, Cont. hxr., , 1, 3, P. G., t. iiv col. 1123 ; S. Épiphane, Hser., xxx, 16, P. G., t. xli, col. 432, voir Aquai ; ., col. 1274-1275 ; le in était exclu de

leur sacrifice comme aussi de leurs repas pour des motifs d’ascétisme ; ils se réunissaient dans ce qu’ils appelaient des synagogues et non des églises ; ils avaient des prêtres et des chefs qualifiés de princes de la synagogue ; ils pratiquaient la rémission des péchés, non par la pénitence, mais par des baptêmes toujours renouvelables, c’est-à-dire par des bains dans lesquels le pécheur devait se plonger tout habillé, en invoquant les sept témoins suivants : le ciel, l’eau, les esprits, lis anges de la prière, l’huile, le sel, la terre ; ils attribuèrent même à ces bains des effets thérapeutiques extraordinaires : tout malade, toute personne mordue par un chien enragé ou un serpent n’avait qu’à y recourir en invoquant les sept témoins précités et en disant : « Assistez-moi et chassez mon mal. » S. Épiphane, User., xxx, 17, P. G., t. xli, col. 433. l’itant juifs surtout, ils tenaient par-dessus tout à la pratique de la circoncision, à cause de l’usage qu’en avaient fait les patriarches et Jésus Christ, ils évitaient toute relation avec les non-circoncis, catho liques ou autres, sauf à recourir à un bain purificateur pour effacer toute souillure. Mais, au contact des esséniens et des gnostiques, ils avaient perdu le sentiment de respect et de vénération pour les sacrifices du temple et pour le temple lui-même, vers lequel ils ne se tournaient pas quand ils priaient, ainsi que le faisaient les ébionites pharisaïques. S. Irénée, Cont. hier., I, 26, P. G., t. iiv col. 687. Persuadés que le démon est le prince de ce monde, ils pratiquaient l’ascétisme, n’usaient pas de chair dans leur repas, S. Épiphane, Hser., xxx, 15, P. G., t. xli, col. 432, bien qu’il fût écrit, Gen., XVIII, 7, 8, qu’Abraham en avait fait manger à ses trois mystérieux visiteurs ; mais c’était là un passage qu’ils avaient supprimé. L’eau jouait un rôle important dans leur vie ; ils lui attribuaient une vertu quasi divine et s’en servaient sous forme d’ablutions et de bains très fréquents. Primitivement, ils avaient estimé la virginité, à cause de saint Jacques, puis ils décrièrent cette vertu et blâmèrent la continence, obligeant les enfants à se marier tout jeunes, et autorisant le divorce et de nouvelles noces. S. Épiphane, Hser., xxx, 18, col. 436.

Lear prosélytisme.

A la différence des ébionites pharisaïques, qui s’étaient étroitement cantonnés et dont l’action se perd assez tôt, sans qu’on puisse constater leur existence au-delà du IIe siècle, les ébionites esséniens vécurent encore pendant deux siècles. Ils songèrent même à se propager au dehors et au-delà des pays transjordaniques, soit en Asie, soit en Occident, et même jusqu’à Rome. L’un des leurs, Alcibiade, d’Apamée, vint à Home, au commencement du iiie siècle, sous le pontificat de Calliste ou immédiatement après, pour y propager la doctrine ébionite, et notamment le livre d’Elcésai ou Elchasai. Mais il eut affaire à l’auteur des Philosophoumena, vraisemblablement à saint Hippolyte, qui tourna en ridicule l’enseignement nouveau et confondit son propagateur. Philosophoumena, ix, 13-17, édit. Cruice, p. 416-455. Et c’est peut-être le même personnage qui, en 2V7, essaya de faire quelques prosélytes à Césarée, mais qui, là aussi, trouva son maitre dans Origène. Urigène, en effet, parle, sans le nommer, d’un nouveau venu plein de lui-même, qui se portait défenseur de « l’opinion impie et funeste des Elcésaïtes, » Eusèbe, H. E., i, 38, P. G., t. xx, col.COO, contre laquelle il met en garde ses auditeurs. Cette double tentative de prosélytisme ébionite, dont l’histoire nous a conservé le souvenir, en suppose d’autres, mais qui toutes restèrent sans résultat appréciable.

11 faut en dire autant de leur activité littéraire, quelque abonJanie et habile qu’elle ait été poui servir, sjiis la fiction d’un roman théologique et sjus le nom respecté de saint Clément, de véhicule a leurs idées. Homélies et Récognitions clémentines, voir t. iii, col. 201 sq., telle que nous lespossédoi — l’hui,

ne sont pas l’expression primitive de la p n ée ébionite ; elles ont subi des remaniements inl ressi s, mais elles restent comme des témoins. Si les Récognitions accusent actuellement une tendance à se rapprocher de l’enseignement orthodoxe de l’Eglise, il n’en était certainement pas ainsi dans leur édition originale. Quant aux Homélies, elles portent encore la marque d’un manifeste ébionite augmenté de quelques données gnostiques ; elles représentent, en effet, comme identiques le mosaïsme et le christianisme, et le Christ comme un prophète qui s’était déjà montré en Adam et en Moïse, et qui était revenu, dans la personne de Jésus, pour rendre au mosaïsme sa pureté originelle depuis longtemps altérée ; elles recommandent la lutte contre la concupiscence par l’abstinence de la iande, la précocité des mariages et la pratique de la pauvreté. Le tout, présenté sous la forme attrayante d’un roman d’aventures, était bien propre à piquer la curiosité, mais ne parvint même pas à entamer les vrais