Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/362

Cette page n’a pas encore été corrigée

1091

EBIONITES

1992

ment à l’égard do la circoncision et des observances légales ; il < assignait aux.luifs dispersés parmi les gentils de ^ éparer de Moïse, leur disant de ne pas circoncire leurs enfants, de ne pas se conformer aux coutumes, > Acl., xxi, 21, il montrait que le Christ est le vrai Fils de Dieu et que, dans l’économie nouvelle qui remplaçait l’ancienne comme la réalité remplace la figure et la lumière les ténèbres, « Dieu, le pire de Jésus-Christ, nous a prédestinés à être ses fils adoptifs par Jésus-Christ, son Fils bien-aimé ; » que c’est par Jésus-Christ, dans l’ell’usion de son sang, que nous avons « la rédemption, la rémission des péchés » ; que Dieu a tout mis sous les pieds de Jésus-Chris ! et « l’a donné pour chef à son Eglise. » Eph., i, 1-23. Un tel enseignement déplut singulièrement aux judaïsants, qui suivirent pas à pas saint Paul, organisant des contre-missions combattant sa doctrine, calomniant sa conduite, travestissant sa pensée et ne l’appelant qu’un imposteur et un renégat. Les ébionites ne laissèrent rien perdre de ces accusations. D’après eux, Paul de Tarse n’était nullement pharisien, fils de pharisien, mais un simple gentil ; s’il s’était l’ait juif, c’était pour pouvoir épouser la fille du grand-prêtre ; mais déçu dans son espoir, il avaitrenié le judaïsme. S. Epiphane, Hær., xxx, 16, P. G., t. xi.i, col. 433. Une fois apostat, il s’était mis à prêcher Jésus-Christ, mais sans aucun caractère officiel et sans mandat, car il n’avait pas été appelé par Jésus comme les autres apôtres et n’avait pas été introduitavec eux dans l’Église de Jérusalem ; il était en opposition avec Pierre, Jacques et Jean, et s’il proclamait la liberté vis-à-vis de la loi, c’était pour « complaire aux hommes », Gal., i, 10, et pour « se recommander lui-même », II Cor., iii, 1, car, ainsi qu’en témoignait sa violence contre ceux qui l’accusaient de « marcher dans la chair », II Cor., ii 2, il était complètement infatué de lui-même. On n’avait donc qu’à le tenir comme l’ennemi, dont il fallait absolument repousser et condamner la doctrine.

4. Sur la Bible.

Les ébionites pharisaïques acceptaient et vénéraient l’Ancien Testament, surtout le Pentateuque ; mais comme très peu, parmi eux, étaient capables de le lire et de le comprendre dans le texte hébreu, ils durent recourir à une traduction grecque ; et, au lieu d’accepter celle des Septante, qui avait cours parmi les catholiques, ou celles que tirent paraître, au IIe siècle, I s deux prosélytes Aquila et Théodotion, ils adoptèrent celle que fit l’un des leurs, Symmaque, Eusèbe, H. 2 ?., vi, 17, P. G., t. xx.col. 560, dont Origène recueillit le texte pour l’insérer dans ses Tétraples et ses llexaples. Eusèbe, /L E., VI, 16, ibid., col. 558. Quant au Nouveau Testament, ils repoussèrent, cela va sans dire, toutes les r.pîtres de saint Paul, non qu’ils les considérassent comme inaulhentiques, mais parce qu’elles étaient l’œuvre de l’apostat. Connurent-ils celles de saint Pierre.de saint Jacques, de saint Jude et de saint Jean ? On l’ignore. Ils n’eurent aucun des évangiles canoniques ; mais, en revanche, ils faisaient grand état de l’Évangile aux Hébreux, S. Irénée, Cont. Iiœr., i, 26, P. G., t..il, col. 687 ; Eusèbe, /L / ; ., 11^27, P. G., t. xx, col. 273 ; S. Epiphane, Hssr., xxx, 3, P. G., t. xi.i, col. 409, écrit un syro chaldaïque et des lors plus arcessibleà l’inl " nce de leurs partisans. Cet Évangile xa6’’Eêpoctouç qu’une adaptation de celui de saint

Matthieu, mai avec des suppressions et des additions caractéristiques. C’est ainsi que les deux premiers chapitres de saint Matthieu étaient supprimés, car la généalogie du Christ, le texte d’Isaïe sur la Vierge qui devait enfanter l’Emmanuel, la conception surnaturelle de JéSUS et l’adoration des mages, qui s’y trouvaient, ruinaient d’avance l’opinion qu’ils s’étaient faite de Jésus-Christ. Quant aux lacunes et aux modifications ou additions apportées au texte de saint Matthieu, elles étaient toutes inspirées par des motifs d’ordre doc trinal. S. Epiphane, User., xxx, 13, P. G., t. XLI,

col. 428.

III. ÉBIONITES ESSÉNIENS.

1° Influences étrangères. — Tandis que les ébionites pharisaïques ou ébionites proprement dits s’étaient séparés de l’orthodoxie chrétienne sans rien laisser pénétrer de nouveau dans leurs conceptions primitives, d’autres, animés du même esprit, mais plus ouverts aux influences étrangères, en contact qu’ils furent, soit avec des esséniens, soit avec des gnostiques, donnèrent à l’ébionisme un aspect différent. Sans doute, ils conservèrent la plupart des idées des ébionites pharisaïques, mais ils en admirent de nouvelles, qui en firent une secte à part. C’est ainsi qu’on retrouve chez eux tous les traits caractéristiques des esséniens, tels que nous les fait connaître Josèphe, De bello judaico, ii, 8, et tels qu’ils sont notés dans le roman des Clémentines, et dans saint Epiphane, sur la divinité, sur l’importance donnée aux anges, sur l’inutilité’des sacrifices et du temple, sur les usages relatifs au mariage, à la nourriture, au vêtement, aux bains fréquents, à la vie en commun. Mais on trouve encore d’autres traits empruntés à la doctrine du livre d’Elchasai ou des Elcésaïtes, voir ELCÉSAÏTES, qui recommande, pour obtenir la rémission des péchés et la guérison de certaines maladies, l’emploi fréquent de bains pris sous forme de baptême et de formules appropriées. Plnlosophoumena, ix, 13, loc. cit., p. 447, sq. ; Eusèbe, H. E., vi, 3rt, P. G., t. xx, col. 597-599 ; S. Epiphane, Hær., xxx, 17, P. G., t. xii, col. 433 ; Théodoret, JUœr. fab., ii, 7, P. G., t. lxxxiii, col. 395. Ces divers emprunts, sans modifier beaucoup leur doctrine primitive, lui donnèrent cependant une couleur nouvelle, mais ils eurent une plus grande inlluencc sur leurs pratiques.

Leur doctrine.

1. Sur Dieu et le monde. — ll’après les ébionites esséniens, Dieu a créé le monde et y a placé deux pouvoirs opposés, celui au démon qui gouverne le monde actuel et celui du Christ qui doit gouverner le monde futur. D’où une opposition irréductible qui oblige à se soustraire, par l’ascétisme, à l’inlluence fâcheuse et nuisible du démon, et à se ranger au parti du Christ. S. Epiphane, Hier., XXX, 16, P. G., 1. xii, col. 432.

2. Sur l’économie de la religion et du salut.

Il n’y a, disaient-ils, qu’une seule économie religieuse du salut, celle du mosaïsme primitif et original, tel qu’il se trouvé dans les premiers livres de l’Ancien Testament, sans aucun des développements postérieurs qu’on rencontre dans les livres plus récents. Seul le Pentateuque offrait ce mosaïsme ; mais comme il renfermait des traits trop manifestement opposés à leur manière de voir, ils eurent le soin de l’amender en conséquence, et d’en retrancher tout ce qui pouvait contrarier leurs opinions. Ils partageaient ainsi les divers personnages bibliques en deux catégories : d’un côté, les prophètes de la vérité, irpoçiyrai tîjç àXïjÛec’a ; , Adam, Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Aaron, Moïse et.losué ; d’un autre côté, les prophètes de l’intelligence, 71potpr, Tai ty^c a-jvsir^wç, David, Salomon, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Daniel et les autres ; ils vénéraient les premiers, ils proscrivaient, ils bafouaient les derniers, S. Epiphane, Hmr., xxx, 18, P. G., t. xi.i, col. 436, car ceux-ci ne possédaient pas la vérité. Et si ces ébionites admettaientet professaient le christianisme, c’est qu’ils n’y voyaient que le mosaïsme primitif, imposant toujours la circoncision comme une obligation étroite pour le salut ; mais alors, faisait justement observer saint Epiphane, il fallait rayer de ce nombre des sauvés Sara, Rébccca, Racbel etïesautres saintes femmes de la Bible, et y inscrire par contre tous les non-juifs qui pratiquaient la circoncision.

3. Sur le Christ.

Les ébionites esséniens étaient loin de s’entendre sur la personne du Christ. Pour les