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EBIONITES


disent, en se répétant les uns les autres, Tertullien, De prsescripl., 33, P. L., t. ii col. 46, le pseudo-Tertullien, De præscript., 48, col. 67, l’auteur des Philosophoumena, iiv 35, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 390, et, longtemps après, saint bpiphane, User., xxx. 17, P. G., t. XLI, col. 533, et Théodoret, Ilteiet. fab., ii, 1, P. G., t. i. xxxni, col. 388 ? Ce n’est pas à croire ; car deux judéo-chrétiens, originaires de la Palestine et contemporains de l’époque où s’accentua l’ébionisme, bien à même par conséquent de connaître les personnages suspects et fauteurs d’hérésie dans leur pays, ne parlent pas d’Ebion, tandis qu’ils nomment d’autres sectaires. Ils connaissent pourtant l’erreur desébionites. C’est bien de cette erreur que Tryphon se fait l’écho, quand il demande à saint Justin si « ceux qui voudraient encore observer la loi de Moïse et les observances légales en même temps qu’ils croiraient en Jésus-Christ crucifié et le reconnaîtraient pour le Christ de Dieu qui doit juger tous les hommes, seraient sauvés. » Oui, certes, répondit saint Justin, « pourvu qu’ils ne soutiennent pas, comme l’avait fait Tryphon lui-même au début du dialogue, que sans la pratique de cette loi et de ces observances on ne peut être sauvé. » Dial. cum Tryphone, 49, P. G., t. vi, col. 581. Et c’est bien aussi à cette même erreur que fait allusion Ilégésippe quand il qualifie ses partisans d’hérétiques. Mais ni saint Justin ni Hégésippe ne leur donnent ce nom d’ébionites. Serait-ce que, dans la seconde moitié du IIe siècle, ce terme n’était pas encore courant’.’Il était connu en tout cas dès le commencement du m e, comme en fait foi l’auteur des Philosophoumena, et déjà saint Irénée s’en était servi. Cont. Iiser., i, 26, P. G., t. iiv col. 686-687. C’est désormais sous ce nom qu’on désigna les judéo-chrétiens hérétiques dont il va être question. Il est vrai qu’au lieu d’y voir, par une allusion à la pratique de la pauvreté, comme le trait caractéristique de leurs mœurs, on expliqua le sens étymologique du mot, soit par la pauvreté de la loi dont ils prétendaient faire une nécessité de salut, soit parla pauvreté de leur esprit et de l’opinion assez médiocre qu’ils avaient de Jésus-Christ. Pseudo-Ignace, Ad Pliilad., 6, Fu nl<, Opéra Pat mm apost., Tubingue, 1881, t. ii p. 134 ; Origène, De princ, iv, 1, 22 ; Cont. Cels., ii 1, P. G., t. xi, col. 389, 793 ; Eusèbe, H E., m, 27, P.G., t. xx, col. 273.

La doctrine.

1. Sur l’ancienne alliance et le salut. — Loin d’admettre, dans l’économie divine delà rédemption, l’ancienne alliance comme l’ombre, la figure, la préparation ou la préface de la nouvelle, destinée par suite à disparaître sans retour en face du christianisme, qui était son aboutissement normal, son épanouissement complet, sa réalité parfaite, les ébionites estimaient, au contraire, que l’Ancien Testament, avec tout ce qu’il indiquait de prescriptions et d’observances, n’avait rien perdu de sa valeur et continuait à obliger comme jadis, sa raison d’être restant permanente. Du reste, ils en appelaient à l’exemple et à l’autorité de Jésus. Celui-ci n’avait-il pas dit d’une façon claire et décisive : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi et les prophètes ; je ne suis pas venu les abolir, mais les accomplir » ? Matth., v, 17. N’avait-il pas ajouté : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur. — Il suffit au disciple d’être comme son maître, et au serviteur comme son seigneur… » ? Matth., x, 24, 25. En faisant donc ce que Jésus avait fait, en se conduisant comme les disciples d’un tel maître, ils ne pouvaient être que dans la bonne voie. Jésus avait été justilié par sa fidélité à la loi ; personne avant lui ne l’avait observée aussi bien, et c’est parce qu’il l’avait pleinement observée qu’il était devenu le Christ de Dieu et avait pu remplir sa mission ; tout autre, à sa place, s’il eût agi comme lui, aurait été le Christ ; et quanta eux,

en observant de même toute la loi, ils comptaient bien devenir des christs. Philosophoumena, iiv 34, loc. cit., p. 390. Et comme ils avaient la prétention d’être « les imitateurs du Christ », ils concluaient à la nécessité absolue, pour être sauvé, d’observer la loi mosaïque, notamment la circoncision et les observances légales.

2. Sur le Christ.

Quelle opinion se faisaient-ils donc de la nature et du rôle de Jésus-Christ ? A la différence des Juifs obstinés, qui se refusèrent à voir le Messie dans la personne de Jésus de Nazareth, trompés qu’ils étaient dans leur attente erronée d’un libérateur national, les ébionites, qui n’avaient pas voulu confondre la question religieuse avec une question purement politique, n’étaient nullement choqués de l’humilité de sa naissance, de ses souffrances et de sa mort sur la croix ; il est vrai qu’ils pensaient à un second avènement, glorieux celui-ci, mais ne devant se produire qu’à l’époque indéterminée du millênium. Ils partageaient en deux parties la vie de Jésus : celle d’avant le baptême, et celle d’après. Jésus, selon eux, et ils pensaient à ce sujet comme Cérinlhe et Carpocrate, était le fils de Joseph et de Marie, né comme tous les hommes d’un père et d’une mère. Rien de surnaturel dans sa conception. Le texte célèbre d’Isaïe, iiv 14 : Ecre virgo conpiet, portait, dans leur Bible grecque, veSviî, au lieu de : iap6évo ; , jeune lille, au lieu de vierge. S. Irénée, dans Èusèbe, H. E., v, 8, P. G., t. xx, col. 452. Quelques-uns cependant ne faisaient pas difficulté d’admettre que Jésus fût né d’une vierge, Origène, Cont. Cels., v, 61, P. G., t. xi, col. 1277 ; Eusèbe, H. E., iii, 27, P. G., t. xx, col. 273 ; mais il ne s’ensuivait pas pour eux qu’il fût Dieu ; car ils se refusaient à croire à la préexistence du Christ, Verbe de Dieu et Sagesse du Prie. Eusèbe, H. E., iii, 27, col. 273. l’n grand changement s’opéra en Jésus, lors de son baptême au Jourdain. D’après saint Matthieu, quand Jésus se présenta, Jean se défendit de déférer à sa demande ; mais, sur son insistance, il baptisa Jésus ; « et voilà que les cieux furent ouverts, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et du ciel une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances. i > Matth., III, 16, 17. D’après L’Évangile aux Hébreux, la scène, sans changer complètement, se transforme et se précise : la voix du ciel au textede saint Matthieu ajoute ce passage duPsalmiste : « Je t’ai engendré aujourd’hui. » l’s. ii 7. l’ne grande clarté illumina l’espace. Jean de demander : « Qui ètesvous, Seigneur ? » Et la voix de répéter ce qu’elle venait de dire ; et Jean de tomber aussitôt aux pieds de Jésus et de le prier de lui conférer le baptême ; ce à quoi Jésus se refuse. S. Épiphane, User., xxx, 13, P. G., t. xi.i, col. 429. Ce jour-là, l’homme qu’était Jésus fut « marqué du sceau de l’élection divine à la faveur de l’onction qu’il reçut, et par elle devint le Christ. » S. Justin, Dial. cum Typhone, 49, P. G., t. vi, col. 581. Dès ce moment il fut revêtu du pouvoir nécessaire pour remplir la mission de Messie, mais il n’en restait pas moins un homme, comparable sans doute à Moïse et aux prophètes, à Salomon ou à Jonas, mais pas plus grand qu’eux. Tertullien, De carne Christi, 18, P. L., t. ii col. 763. Cette opinion que Jésus-Christ n’était pas Dieu constituait une erreur capitale pour des juifs qui se prétendaient chrétiens, et l’on comprend que l’on ait pu dire d’eux qu’ils ne furent ni vraiment juifs, ni vraiment chrétiens, comme le leur reprochaient les rabbins et les catholiques.

3. Sur saint Paul.

Les ébionites professaient contre saint Paul les mêmes sentiments que les judaïsants de l’époque apostolique, et l’on sait que ceux-ci avaient voué une haine mortelle à l’apôtre des gentils. C’est qu’en effet saint Paul avait proclamé, à la fin du règne de la loi, l’avènement de la liberté chrétienne, notam