Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/360

Cette page n’a pas encore été corrigée
1987
1988
EIîERWIN DE HELFENSTEIN — EBIONITES


inons les rreurs de son temps. Il était fort estimé des empereurs Lothaire II et Frédéric I er. Dans les œuvres de saint Bernard, P. L., t. CLXXXH, col. 676, se trouve une lettre de ce religieux signalant à l’abbé de Clairvaux les erreurs d’une secte maniebéenne fort répandue dans le diocèse de Cologne.

Dom Hugo, Annales, , t. ii p. 853 ; Gallia Christiana, in-fol., Paris, 1725, t. iii col. 799 ; Histoire littéraire de la France, in-4", Taris, 1763, t. XII, p. 447 ; Biirsch, Kloster Steinfeld, 1*57.

B. IlEURTElil/E.

EBIONITES. — I. Origines de l’erreur ébionite. II. Les ébionites pharisaïques. III. Les ébionites esséniens.

I. Origines de l’erreur ébionite. — 1° A l’époque apostolique. — Du temps même des apôtres, en Palestine et particulièrement à Jérusalem, parmi les Juifs convertis, les uns ne changèrent rien à leurs habitudes religieuses antérieures ; ils restèrent fidèles aux observances légales tout en remplissant les devoirs de leur foi nouvelle ; d’autres consentirent bien à devenir chrétiens sans cesser d’être juifs, mais en regardant comme une nécessité de salut la pratique intégrale de la loi mosaïque, qui devait s’imposer même aux convertis de la gentilité. Leur prétention était abusive et fut énergiquement combattue par saint Paul ; elle fut même jugée inacceptable à la réunion de Jérusalem. Ils disaient aux gentils convertis d’Antiocbe : « Si vous n’êtes circoncis selon la loi de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Act., xv, 1. Ils répétèrent à Jérusalem « qu’il fallait circoncire les gentils et leur enjoindre d’observer la loi de Moïse. » Act., XV, 5. Et Jacques, un ami pourtant des pratiques juives, de répliquer : « Je suis d’avis qu’il ne faut pas inquiéter ceux d’entre les gentils qui se convertissent à Dieu. » Act., XV, 19. Et l’assemblée des apôtres, des anciens et des frères de décider : « Il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous imposer aucun fardeau au-delà de ce qui est indispensable, savoir, de vous abstenir des viandes offertes aux idoles, du sang, de la chair étouffée et de l’impureté. En vous gardant de ces choses, vous ferez bien. » Act., xv, 28 sq. Pas un mot de la circoncision dans ce décret officiel adressé par l’Eglise-rnère aux chrétiens d’Antiocbe. C’était la condamnation des prétentions exagérées des judaïsants à l’égard des gentils. Quant aux judéo-chrétiens, ils restaient libres de pratiquer eux-mêmes les observances légales.

Aussi, tandis que les uns, se rangeant docilement à l’avis des chefs de l’Église, imitèrent saint Jacques, le « juste » par excellence, « une colonne de l’église », qui alliait la pratique des observances légales à la foi orthodoxe, les zélotes, sans rien retrancher de l’obligation d’obéir à la loi de Moïse qu’ils estimaient absolument indispensable pour le salut, n’attendirent qu’une occasion favorable pour faire prévaloir leurs idées. Ils ne s’apercevaient peut-être pas que c’était mettre au même rang l’Evangile et la Loi, Jésus-Christ et Moïse, et donner à entendre, par conséquent, que le Christ n’était pas supérieur à Moïse, ce qui expliquait la négation de sa divinité et la ruine du christianisme qu’ils se ilatlaient de professer. C’était en tout cas fermer la porte aux gentils, qui n’entendaient nullement se faire juifs pour devenir chrétiens. Tant que vécut saint Jacques, il n’y eut plus de troubles. Mais, à sa mort, en (y.), les judaïsants exagérés rentrèrent en scène en proposant l’un des leurs, Thébulhis. pour remplacer l’évoque ; mais ce fut un parent de Jésus, Siniéon, iils de Cléopas, qui fut élu. « Jusqu’alors, remarque le judéochrétien Hégésippe, dans Eusèbe, /L E., iv, 22, P. G., t. xx, col. 380, l’Église (de Jérusalem) était vierge ; Thébuthis, déçu dans son espoir, se mit à la corrompre. > Comment ? En devenant, ajoute Hégésippe, qui pourtant ne nomme pas les ébionites, le chef de l’une

des sept sectes juives contre Dieu, son Christ et l’unité de l’Eglise.

A la fin du V siècle.

Il est à croire néanmoins que l’opposition ne s’organisa pas en secte aussitôt ; mais ce fut une occasion pour que s’accentuât encore la différence qui séparait les judaïsants des judéo-chrétiens. Toujours est-il que peu après, quand éclata l’insurrection juive contre Gessius Florus, qui allait provoquer une sanglante répression, le siège et la ruine de Jérusalem par Titus, en 70, tous les chrétiens avaient eu soin, selon la prophétie, d’abandonner la ville sainte et de se réfugier, au-delà du Jourdain, à Pella de Pérée, dans la Décapole, sous le sceptre d’Ilérode-Agrippa II, ami des Romains. Eusèbe, H. E., m, 5, P. G., t. xx, col. 221. La destruction de la cité et du sanctuaire avait son éloquence pour qui savait comprendre. Les judéo-chrétiens du parti de saint Jacques et de Siméon virent bien que la Loi avait fait son temps et que l’évangile devait régner seul ; s’ils conservèrent encore leurs vieilles habitudes, ils se montrèrent mieux disposés à vivre en paix avec les paganochré tiens ; tel ne fut pas l’avis des farouches judaïsants. Ceux-ci, désormais en contact avec les esséniens et les gnostiques, allaient greffer d’autres erreurs sur leur propre erreur, ce qui devait les conduire inévitablement au schisme depuis longtemps latent et à une hérésie nettement caractérisée. « Des hérétiques, » dit Hégésippe, dans Eusèbe, H. E., iii, 32, P. G., t. xx, col. 281, dénoncèrent et firent mettre à mort l’évêque Siméon, âgé de 120 ans, sous le légat consulaire Atticus, vers 110. Avaient-ils encore Thébuthis ou quelque autre aspirant pour remplacer l’évêque martyr ? Peut-être bien ; mais ce fut un autre judéo-chrétien du parti de Siméon qui fut encore élu ; et, à en croire Eusèbe, il y eut 13 évoques judéo-chrétiens qui se succédèrent jusqu’en 132, lors de la révolte de Barcochébar. /L E., iv, 5, col. 309. C’est beaucoup en 22 ans, remarque Mu 1 Duchesne, Les origines chrétiennes (lith.), Paris, 1886, p. 126, à moins qu’il n’y ait erreur quant à la durée ou plutôt qu’il ne soit question d’évêques simultanés de différentes Eglises judéochrétiennes, colonies de l’émigration de Pella, et pouvant toutes prétendre au titre d’Eglise de Jérusalem. Quoi qu’il en soit, lorsque le groupe chrétien se reconstitua à T’.Iia Capitolina, la colonie romaine qu’Hadrien avait fondée, en 119, sur l’emplacement de la cité sainte, avec défense aux Juifs d’y mettre 1rs pieds, il était en grande majorité composé d’hellénochrétiens et eut pour premier évêque non circoncis, Marc. Eusèbe, /L E., iv, 6, col. 316. Qu’étaient donc devenus, à cette époque, les judéo-chrétiens émigrés.’Les uns, les plus sincèrement convertis à la foi évangélique, se maintinrent, mais sans vigueur, comme une branche presque détachée du tronc, jusqu’au IVe si< époque où saint Epiphane et saint Jérôme rencontreront leurs descendants dans la personne des nazaréens, voir NAZARÉENS ; les autres, plus intransigeants que limais, formèrent une double secte, celle des ébionites pharisaïques ou ébionites proprement dits, et celle des ébionites esséniens.

11. ÉBIONITES l’ROi’nEMF.NT nus. — 1° Le nom. — Ebionites vient d’un mol hébreu qui signifie les pauvres. Et, primitivement, ce mot servait à désigner les premiers juifs convertis qui, s’appliquanl à eux-mêmes le conseil donné par Xotre-Seigneur aux apôtres de n’avoir ni or, ni argent, ni monnaie, Matth., x, 9, se mirent à vendre leurs biens et à en remettre le prix aux apôtres, pratiquant ainsi volontairement un détachement et une pauvreté qui n’étaient pas sans mérite. Dans la suite, il désigna plus particulièrement les judéo-chrétiens qui, après avoir fait naufrage dans la loi, tombèrent dans le schisme. Eurent-ils pour chef un personnage du nom d’Ebion ou llébion, comme le