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l’Institut du Saint-Sacrement, comme ami d’abord, puis comme directeur pendant un de ses séjours dans son diocèse. Ou Saint-Cyran pénétrait il lui fallait une autorité incontestée et absolue. Réservé, taciturne, sans gaité, sans aucune des qualités qui attirent, il transformait vile 1rs rapports qu’il avait en une véritable prise de possession. Il amena ainsi toutes les religieuses à se confesser à lui ; la mère Angélique n’y vint toutefois que la dernière ; après quoi il leur lit accepter l’un de ses fidèles, M. Singlin, comme confesseur. Zamet, de retour, ne reconnut plus sa maison. Fn février 1636, la mère Angélique rentrait à Port-Royal comme maitresse des novices. Saint-Cyran y entra derrière elle. Port-Royal, comme l’Institut du Saint-Sacrement, passa sous sa direction ; Zamet, exclu « de toute influence et même de l’entrée, » se plaignit amèrement et jeta la suspicion sur la direction que donnait Saint-Cyran. Kn tous cas, celui-ci eut tôt fait de pénétrer Port Royal de son esprit. Sa réputation de science est grande, mais plus attirante encore est sa réputation d’austérité. Il attire aussi à lui la nombreuse clientèle religieuse de Port-Royal et tout, particulièrement de la mère Angélique, tous les Arnauld d’abord ou à peu près. Évèques, ministres d’Flat, magistrats, grandes dames demandent ses conseils. Il est une puissance par l’ascendant qu’il exerce sur un groupe nombreux d’hommes et de femmes, qui sont tous fort loin d’être les premiers venus. Son œuvre spirituelle qui fit le plus de bruit fut la conversion, comme l’on disait à Port-Royal, d’Antoine Le Maître, 1637. Le Maître avait vingt-neuf ans ; il était l’avocat le plus réputé de Paris ; le chancelier Séguier le protégeait et depuis un an, il était conseiller d’État. Mais il était un Arnauld par sa mère, Catherine Arnauld, laquelle demeurait à Port Royal avec sa vieille mère et treize sœurs ou nièces religieuses. Auprès du lit de mort de sa tante d’Andilly, il entendit les exhortations de Saint-Cyran. Pris de la peur des jugements de Dieu, il se remit entre les mains de ce directeur, refusa la place d’avocat général que lui offrait Séguier, renonça complètement au barreau et même à la vie dans le monde. Sa mère lui fit bâtir à côté de Port-Royal une petite maison où avec son frère, de Séricourt, converti comme lui, il mena une vie de pénitent. Ce fut là l’origine des Solitaires, l’une des institutions de Saint-Cyran. La direction de Saint-Cyran, en effet, qui prétendait continuer saint François de Sales et s’inspirer des Pères, était singulièrement austère et intransigeante. Elle partait évidemment de ces principes que l’on est convenu d’appeler jansénistes : l’homme est ou esclave de la justice et libre du péché, ou libre de la justice et esclave du péché ; il n’y a pas de milieu ; c’est la grâce efficace, irrésistible, gratuite que l’homme ne saurait mériter, mais qui peut l’abandonner, qui fait de lui, esclave du péché depuis la faute originelle, l’esclave de la justice. Ces principes conduisaient nécessairement à une vie d’isolement, de pénitence et d’exception. Lorsqu’un homme est visité par cette miraculeuse pensée de la grâce efficace, s’il ne veut pas être abandonne par (die et se condamner, avec le grand nombre, aux peines éternelles, il doit travailler à transformer son âme dans la pénitence et par l’amour. II n’y a pas d’autre voie que la vie parfaite, incompatible avec la vie dans le monde. Du travail intérieur dépend même l’efficacité des sacrements ; ils veulent une préparation et des affections parfaites, un vrai renouvellement intérieur. Il est criminel de les recevoir sans cela.

Mais au matin du 15 mai 1638, Saint-Cyran était arrêté par ordre de liiehelieu et enfermé à Vincennes. L’on ne connaît pas de façon certaine le motif déterminant de cette arrestation, mais l’on indique une série déraisons politiques, religieuses et personnelles. Saint-Cyran avait trop d’empire sur lésâmes comme le prouvaient

son influence à Port-Royal, l’affaire Le Maître et déjà, des années plus tôt, l’ascendant qu’il avait pris aux Filles du Calvaire pendant une absence du P. Joseph ; puis le rayonnement de cette inlluence ne faisait que grandir. Or, cet homme était peu souple ; en refusant un évêché, il avait montré qu’il n’y avait pas de prise sur lui et sans parler de l’invraisemblable affirmation des jansénistes que Saint-Cyran aurait refusé de servir le projet de Richelieu de devenir patriarche des Gaules, le cardinal ne lui aurait pas pardonné d’avoir maintenu, en face de l’affirmation contraire de l’Assemblée du clergé, la validité du mariage de Gaston d’Orléans et de Marguerite de Lorraine. Puis Saint-Cyran était lié avec les ennemis de la France : Jansénius n’était-il pas l’un des auteurs du pamphlet Mars gallicus, écrit en latin, mais bientôt traduit en français, où se trouvaient raillées les alliances du Roi Très-Chrétien avec les hérétiques et dénoncées les cruautés et les impiétés de ses soldats au sac de Tirlemont, 1635 ? D’un antre côté, l’orthodoxie de Saint-Cyran était douteuse. Dès IfiliCï, Zamet, on l’a iiv l’avait attaquée et avait dénoncé SaintCyran comme ayant détourné les âmes de la communion dans la maison du Saint-Sacrement. Une enquête avait été faite par le chancelier Séguier et par l’archevêque de Paris, Gondi : elle n’avait pas abouti. Mais Zamet avait adressé, dans le même sens, à Richelieu, un Mémoire touchant les filles de Port-llogal et l’abbé de Saint-Cyran, non imprimé, dont le manuscrit existe encore : liibl. de l’Institut, supplément au fonds Godefroy. La mère Angélique, qui était restée cinq mois sans communier, tenta de se justifier et de justifier SaintCyran dans un Mémoire… contre cet ni de M.deLangres ; puis Le Maître rédigea une Réponse générale et particulière au mémoire de M. l’Évesque de Langres, que l’on publia en 1645 avec une Apologie pour Messire Jeandn Verger deHauranne…, in-18 ; Saint-Cyran resta soupçonné. Enfin et ici l’amour-propre de Richelieu serait intervenu : il n’aurait pu pardonner à Saint-Cyran d’affirmer la nécessité de la contrition parfaite dans le sacrement de pénitence, alors que dans son catéchisme de Luçon il avait enseigné, et dans son Traité île la perfection chrétienne, commencé en 1036, il enseignait encore la suffisance de Yatlrition. C’est même cette question qui aurait provoqué l’arrestation : Louis XIII, après avoir lu un livre de l’oratorien Séguenot sur la Virginité, où se trouvait soutenue la nécessité de la contrition parfaite, aurait eu des troubles de conscience, à propos de ses alliances hérétiques, et Richelieu aurait découvert que Séguenot était l’écho de Saint-Cyran. Quoi qu’il en soit, des amis inlluents essayèrent vainement d’obtenir la mise en liberté du prisonnier. On avait saisi ses papiers, on en trouva de quoi fournir trente-deux gros in-folios, extraits des Pères, pensées, traités, etc. Et ce n’était pas tout : M. de Barcos avait cru devoir en brûler aussitôt après l’arrestation de son oncle, pour ne donner aucune arme soit contre son oncle, soit contre tout autre. L’interrogatoire de Saint-Cyran n’eut lieu qu’une année après. Il avait récusé Lauhardemont, comme laïque ; il fut interrogé par Lescot. docteur de Sorbonne, plus tard évêque de Chartres, qui avait mission, semble-t-il, de le convaincre d’hérésie. Cel interrogatoire n’eut aucune suite que le maintien à Vincennes de Saint-Cyran qui demeura cinq années. Il fui mis en liberté le 16 février 1643, dix mois après la mortde Richelieu, après la promesse que l’on n’entendrait plus parler de lui et sur les instances du premier président Mole et de l’avocat général Iîignon auprès de Chavigny, ministre d’État. Sa détention n’avait pas été dure : il avait pu voir quelques personnes, continuer par lettres ses directions, opérer même des conversions, comme celle d’Antoinevrnauld, le grand Arnauld, voir t. i, col. 1978-1983, et suivre les événements dont l’important à ses yeux fut l’apparition