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DU PERRON


du Perron et d’Aubigné auraient repris la conférence de Fontainebleau, quinze jours après ; du Perron aurait été battu dans la discussion et n’aurait pu répondre au traité composé à cette occasion par d’Aubigné, De dissidiis Patrum. Mais cette lutte n’est pas prouvée : elle n’est relatée que par d’Aubigné. Œuvres complètes, t. 1. Ce qui est certain, c’est que du Perron ne parvint pas à convaincre Catberine de Bourbon, ducbesse de Bar, sœur du roi, calviniste ardente comme sa mère Jeanne d’Albret ; on n’aboutit même pas à réunir les conférences projetées à ce sujet, à Saint-Germain, 1601.

En 1604, du Perron était nommé cardinal, en raison de ses luttes contre le protestantisme et aussi, dit-on, à cause de ses opinions ultramontaines. Peu après, il était envoyé à Rome comme chargé des affaires de la France et il rendait à son pays le service de faire élire deux papes qui lui fussent favorables plutôt qu’à l’Espagne, Léon XI et Paul V. En 1606, toujours contre l’Espagne, il négocia avec le cardinal de Joyeuse la réconciliation deVenise et du saint-siège. Enfin, comme membre de la congrégation De auxiliis, il détourna sagement le pape de prendre parti dans les querelles au sujet de la grâce. En 1607, il rentrait en France ; depuis 1606, il était archevêque de Sens, commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, et grand aumônier : cette dernière qualité lui donnant la direction du Collège royal, en 1610, il en obtiendra la reconstruction sous le nom de Collège royal Je France. La mort de Henri IV n’affaiblit pas son crédit. Membre du conseil de régence, très influent sur l’esprit de Marie de Médicis ; il continua à s’occuper de controverse avec la haute autorité de la situation et de la science. En 1611 et 1612, par l’intermédiaire de Casaubon, il soutint par lettres avec Jacques I e’d’Angleterre une discussion sur la véritable Église. De cette discussion sortit un in-folio de 1120 pages intitulé : Réplique à la Réponse du Sérénissime Roy de la Grande— Bretagne, publié seulement en 1620 par Jean du Perron, frère du cardinal, et réédité en 1622 et 1633. La Réponse dont il s’agit est dans les lsaaci Casauboni epistolæ, in-fol., Rotterdam, 1709, p. 491. Un peu plus tard, 1617, il autorisa Coëffeteau à publier, sous sa responsabilité et quoique inachevée, la réfutation qu’il préparait depuis 1600 du livre de du Plessis sur la messe. L’ouvrage, 2 in-12, parut à Évreux sous ce titre : Examen du livre du sieur du Plessis contre la M esse, composé il y a environ dix-huit ans par Messire Jacques Davy, lors Evesque d’Evreux… et publié par Rév. l’ire en Dieu Messire Nicolas Coëffeteau, Evesque de Dardauvé et sufjragunt de l’Evesché de Metz. Le livre complet, comprenant, non seulement l’exposé des erreurs de du Plessis, mais les preuves de la croyance de L’Église en l’eucharistie, a pour titre : Traité du saint-sacrement de l’eucharistie, divisé en trois livres, contenant la réfutation du livre du sieur du Plessis-Mornay contre la Messe et d’autres adversaires de l’Eglise tant par la comparaison des sacrements de la nouvelle Loy avec ceux de l’ancienne, que par l’histoire de la créance universelle de ce sacrement en toutes ses parties et par tous les siècles, selon les saincts Pères de l’Eglise et autres aulheurs et par l’examen de toutes les liturgies, usage et pratique de V Eglise louchant la consécration, transsubstantiation, adoration et autres cérémonies du saint-sacrement de l’autel, in-fol. de 963 pages. Ce livre, où la partie historique est surtout développée, a comme complément une Réfutation de toutes les objections tirées des passages de saint Augustin, allégués par les hérétiques contre le saintsacrement de l’eucharistie, in-fol. de 231 pages rendu nécessaire par ce fait que les sacramentaires se plaçaient sous le patronage de saint Augustin. Ces deux livres ne furent publiés qu’après la mort du cardinal par son frère Jean et par son neveu Jacques, le Traité de l’eucharistie, en 1622, et la Réfutation, en 1624.

Depuis 1610, du Perron se trouvait mêlé d’autre part aux conflits entre ultramontains et gallicans. Les excès de la Ligue avaient provoqué de la part du sentiment national une réaction contre les doctrines ultramontaines et le fameux livre de Pierre Pithou sur Les libertés de l’Eglise gallicane, 159’t, étaitla manifestation de cet (Hat d’esprit. La mort de Henri IV avait encore accentué cette réaction ; le parlement et la Sorbonne (’(aient à la tête du mouvement. Le 26 novembre 1610, le parlement défendait d’imprimer, vendre etlire, « sur peine du crime de lèse-majesté, » le Traité de la puissance temporelle du souverain pontife, que venait de publier Bellarmin, comme tendant « à réversion des puissances souveraines ordonnées et establiesde Dieu ». En 1611, le syndic de la faculté de théologie, Edmond Richer, publiait le Libellas de ecclesiaslica potestate, in-4°, d’après lequel « toute l’autorité essentielle se trouve dans l’épiscopat. Le pape est le monarque de l’Eglise… néanmoins il ne domine pas sur l’épiscopat… L’épiscopat est tout-puissant, le pontificat est subordonné » (Puyol). Or, du Perron était disciple de Bellarmin et dès sa nomination à l’évêché d’Évreux il l’avait prouvé en ordonnant d’insérer dans le Rituel de son diocèse la bulle In cena Domini, rejetée par les parlements. Il prit donc parti pour Bellarmin contre le parlement ; puis il s’occupa de Richer qui se refusait à toute rétractation. De concert avec le nonce, du Perron réunit à Paris, à l’hôtel de Sens, en février 1612, tous les évoques présents dans la capitale : l’assemblée condamna Richer. Il en fut de même d’un concile provincial que du Perron tint à Sens, en mars 1613. Déjà la régente avait déposé Richer, 1612. Survinrent les États de 161 i. Du Perron y figura ; il avait figure déjà à l’Assemblée des notables à Rouen en 1596 et il devait encore assister le duc d’Anjou en 1617 dans une autre Assemblée des notables tenue également à Rouen. Mais aux Etats de 161 i son rôle fut plus important. Les questions religieuses y furent au premier plan et le clergé y eut le rôle prépondérant ; or, avec le cardinal de Sourdis, ce fut du Perron qui dirigea le clergé. Peut-être ses ambitions « qui l’avaient conduit si loin, par des chemins si compliqués, n’avaient pas dit leur dernier mot ; … il aimait à rappeler Suger, Ximénès » (llanotaux). En tous cas, il y avait autour de lui une coterie déjeunes prélats dont était l’évéque de Luçon, le futur Richelieu. Du Perron avait protégé ses débuts et l’avait fait connaître à la cour comme orateur. Richelieu d’ailleurs l’admirait et voulait l’imiter. Du Perron s’engagea à fond dans le débat de principes où se heurtèrent alors les ultramontains et les gallicans, à propos de l’article 1 er du cahier du tiers état, question de principes, mais aussi de tactique, car le tiers et Condé voulaient briser par là l’alliance du clergé et de la cour. Le 15 décembre donc, le tiers, malgré Richer qui, consulté, avait, parait-il, conseillé de s’abstenir, votait un article déjà inséré dans le cahier de la ville de Paris et rédigé par un conseiller au parlement, Claude Le Prêtre. L’article demandait qu’il fût arrêté par le roi comme loi fondamentale du royaume « que comme il est reconnu souverain en son Etat, ne tenant sa couronne que de Dieu seul, il n’y a puissance en terre, qu’elle soit spirituelle ou temporelle qui ait aucun droit sur son royaume, pour en priver les personnes sacrées de nos Rois, ni dispenser ou délier les sujets de la fidélité et obéissance qu’ils lui doivent pour quelque cause ou prétexte que ce soit. Que l’opinion contraire, mesmes qu’il soit loisible de tuer ou déposer nos rois, s’élever et rebeller contre eux, secouer le joug de leur obéissance, est impie, détestable, contre vérité et contre l’establissement de l’Estat de la France qui ne dépend immédiatement que de Dieu. » Le tiers s’était bien gardé de communiquer sa délibération au clergé. Le 20cependant, celui-ci était averti par le bruit public. Quoiqu’il