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DU PERRON


déjà il s’est essayé, et par laquelle il a provoqué certaines conversions commes celles de Jean de Sponde, qui lit paraître, à Paris, en 1595, la Déclaration des principaux motifs de sa conversion, et de son frère Henri de Sponde qui, plus tard évêque de Pamiers, continua les Annales de Haronius. Par ses discours dans des entretiens privés ou dans des conférences, c’està-dire dans des discussions contradictoires publiques, et par ses écrits, il combat le protestantisme ; il en est même l’adversaire le plus redouté ; parfois, c’est dans son diocèse où le calvinisme a fait des progrès à la faveur des troubles ci ils ; plus souvent, c’est à Paris où sa parole a plus de retentissement. Los principales questions qu’il discute sont naturellement l’Église et l’eucharistie ; sa méthode qui est celle de son temps et d’ailleurs celle qui convient le mieux à sa merveilleuse érudition, est d’apporter en faveur de ses thèses le plus grand nombre possible de textes de l’Écriture et des Pères. Les épisodes de la lutte sont nombreux. En 1597, à Paris, après une discussion de trois jours, il triomphe d’un membre estimé de l’Eglise réformée, Daniel Tilenus, et il convertit immédiatement une vingtaine de personnes. Cette victoire eut comme contre-coup la conversion de Nicolas de llarlay, plus connu sous le nomde Sancy, surintendant des finances, déjà converti, puis revenu à son erreur, ce qui explique la satire de d’Aubigné intitulée : La confession de Sancy. Les entretiens que du Perron eut avec lui, recueillis par un témoin, se retrou vent dans les Diverses œuvres, Avec ce titre : Discours recueilli par le sieur de Beaulieu des propos que M. l’évêque d’Evreux tint à M. de Sancy sur l’autorité et nécessité des traditions apostoliques, ainsi qu’un traité écrit par du Perron dans la même circonstance et intitulé : Bref traité de l’eucharistie… fait en 1597 pour la conversionde M. de Sancy. En 1597 également, il donna à Paris, dans l’église Saint-Merry, des conférences apologétiques, avec un véritable appareil professoral. Quelques-unes durèrent trois heures. Le succès fut immense. Mais on n’a que le Commencement du premier sermon, dans les Diverses œuvres. La même année encore, du Perron publiait le premier de ses ouvrages importants sur les sujets de controverse : c’est la Réplique à la Réponse de quelques ministres sur un certain écrit touchant leur vocation, in-8° et in-12, Paris. L’écrit dont il s’agit leur avait été adressé par un des leurs revenant à l’Eglise catholique : il s’agit d’un sieur de Saint-Vast que du Perron avait converti, en lui démontrant que les pasteurs des Églises réformées n’avaient aucune mission légitime. A partir de là, du Perron lutte sans cesse. En 1598, il a d’abord à s’occuper d’une affaire désagréable. ïilenus qui a eu entre les mains le manuscrit du Discours recueilli jiar le sieur de Baulieu, l’a publié avec une courte réponse et sous le titre mensonger : De l’insuffisance de V Ecriture. (Il le fera réimprimer en 1601.)Du Perron prépara immédiatement, 1598, une protestation et une réfutation sous le pseudonyme de II. Connestable, gentilhomme anglais ; distrait par d’autres soins, il les fit seulement paraître en 1601, mais sous son nom et avec ce titre : Réfutation de l’escrit de maislre Daniel Tilenus contre un Discours touchant les Traditions apostoliques, in-12, Evreux, 1601 ; 2e édit., 1602. Dans l’intervalle il a été aux prises avec le pape des huguenots, du Plessis-Mornay, représentant officiel de la science protestante en France, à la célèbre Conférence de Fontainebleau,’t mai 1600, qui fut presque une affaire de l’État, et en tous cas passionna l’opinion. En 157s, du Plessis-Mornay avait fait paraître un Traité de VEglise, auquel sont disputées les principales questions mettes sur ce point eu notre temps ; l)u Perron avait constaté qu’un certain nombre des citations qui constituaient les démonstrations étaient inexactes. Or, en I598, du Plessis publiait à La Rochelle

un autre livre traitant De l’institution, usage et doctrine du Saint-Sacrement de l’eucharistie en l’Église ancienne. Ensemble, comment, quand et par quels degrez la messe s’est introduite en sa place. Il apportait cinq mille textes. Sans attaquer la bonne foi de l’auteur, les catholiques, entre autres le frère de l’évêque d’Evreux, dénoncèrent bientôt dans « le livre contre la messe », comme ils disaient, des textes inexacts, ou mal interprétés. Du Perron, lui, préparait une réfutation écrite, lorsque, le 20 mars 1600, du Plessis, mis au pied du mur, lui proposa en quelque sorte une discussion publique, en présence de commissaires désignés par le rui. Le 25, du Perron acceptait et se faisait fort de démontrer, dans le livre en question, « cinq cents énormes faussetés », ne pouvant les relever toutes. Henri IV désigna comme juge du débat, sous la présidence du chancelier de Bellièvre, deux catholiques, l’historien de Thon et François Pithou, avocat au parlement de Paris, et deux protestants, Fresne-Carràye, président de la Chambre mi-partie, créée par l’édit de Nantes au parlement de Toulouse, et le savant Casaubon. Il leur adjoignit Martin, son lecteur et médecin et docte hébraïsant. Le lieu choisi fut Fontainebleau. Au dernier moment tout faillit se rompre, du Plessis exigeant sous menace de se retirer que les cinq cents passages incriminés lui fussent communiqués à l’avance et dans certaines conditions et du Perron se refusant à des concessions qu’il jugeait défavorables à sa cause. Enfin du Perron consentit à indiquer chaque jour à son adversaire, trois heures au moins avant la conférence, soixante textes à discuter, avec les sources patristiques ou scolastiques. La première conférence eut lieu le i mai, en présence du roi, des princes, des grands seigneurs, des officiers de la couronne, de plusieurs autres personnages et de quelques centaines de spectateurs. Du Plessis n’avait eu le temps d’étudier que dix-sept des soixante textes de ce jour ; la conférence dura six heures ; on s’arrêta au neuvième passage. Les commissaires conclurent à la fausseté des citations. Du Plessis battu déserta la lutte ; le 5, il se dit malade ; le 8, il quitta Fontainebleau. Sa retraite parut un aveu ; tout le protestantisme sembla battu avec lui, et dès le 5, Henri IV soulignait encore cette défaite en écrivant au ducd’Epernon dans une lettre qui fut rendue publique : « Le diocèse d’Evreux a gagné celui de Saumur. » Du Plessis, cependant, ne se résigna pas à sa défaite, ni ceux de son parti. Poussé par eux, il écrivit aussitôt et fit paraître en même temps à Paris, à Sedan, à La Rochelle, à Montauban, sans nom d’auteur, un Discours véritable de la Conférence tenue à Fontainebleau, d’après lequel sa défaite était injuste et la conférence une machination destinée à plaire au pape. Au même moment, il est vrai, paraissait à Anvers un autre récit des faits, attribué à du Perron, mais non signé, intitulé : Discours véritable de l’ordre et forme qui a été ganlé en l’assemblée de Fontainebleau… P. N. N. R. S. D. P. P. Cela ne suffit pasà du Perron qui venait de rentrer à Evreux. De cette ville, il publia, sous son nom, cette fois, les Actes de la conférence, suivis de la Réfutation du faux discours, in-8°, 1601 et 1602. Sans ménagement il raconta les faits : les neuf passages convaincus d’erreur et la fuite de du Plessis ; puis il énuméra quelques-unes dis autres « ridicules et puériles ignorances » de dir Plessis et enfin l’invita à reprendre la lutte. Le vaincu s’en garda bien, mais après un Advertissemeni à M. M. de l’Église romaine, Saumur, 1601, d’attendre pour’triompher, il publia à Saumur, en 1602, un in-’i » do 767 pages, comme Réponse au livre publié par le sieur r.vi-sque d’Evreux. La lutte s’arrêta pour le moment ; du Perron se contenta de préparer une réponse complète, décisive, où toutes les erreurs de son adversaire seraient signalées il réfutées, mais celle réponse ne paraîtra qu’en 1616 et en 1622. Si l’on croit d’Aubigné,