Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/337

Cette page n’a pas encore été corrigée
1941
1942
DUNS SCOT


philosophique, transporté dans la théologie se comporterait à l’égard des vérités révélées, jusque dans sa dernière conclusion légitime. » P. Déodat de Basly, Pourquoi Jésus-Christ ? Rome, 1903, p. 54. Et ce souci lui fait présenter avec des nuances d’expression, tout au moins, des maximes et des principes qui ne s’imposent pas à la raison avec une absolue rigueur.

L’empreinte de ces deux influences est sensible dans la critique que Duns Scot fait des théologiens, ses prédécesseurs. Par là s’expliquent, on ne saurait trop le redire, bien plus que par un esprit turbulent et audacieux, et la méthode critique qu’il a choisie et les divergences de sa pensée qui paraît si souvent en opposition avec celle de saint Thomas.

3° Le docteur subtil est moins un démolisseur de systèmes, qu’un constructeur : il ne démolit que pour bâtir avec des matériaux plus éprouvés. « Son génie est spécialement ordonnateur…, il faut qu’il voie les attaches des choses et qu’il trouve à chacune sa place. P. Déodat de Basly, op. cit., p. 79. De là, ce principe régulateur dont il se sert sans cesse : non sunt multiplicanda enlia, plura mm sunt ponenda sine neeessitate. Le primo prinàpio, c. ni, n. 7. Il semble avoir obéi à ce besoin, à cette recherche de l’ordre et de l’harmonie en deux thèses qui lui sont chères ; l’une appartient à la philosophie, l’autre à la théologie. Il admet avec saint Bonaventure la matière primo-primam, qui constitue le fonds potentiel des esprits ((’lestes, des âmes humaines et des êtres corporels et met en évidence la communauté d’essence de tous les êtres créés, doctrine qui paraît comme la « traduction philosophique de cette union mystérieuse des créatures qui inspirait à saint François ses effusions de tendresse. » De Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, p. 399. C’est encore dans le même esprit qu’il place tout d’abord et indépendamment de la chute d’Adam, au sommet de l’humanité, le Christ, Dieu et homme, hypostatiquement un, comme le monde spirituel et matériel est harmoniquement un, comme Dieu est numériquement un. Cf. P. Déodat de Basly, op. cit. 4° L’esprit catholique et traditionnel de Duns Scot garantit la aleur de la doctrine qu’il a laissée à ses disciples : la foi n’a donc rien à redouter de ses enseignements. Duns Scot a toujours été regardé comme un défenseur zélé de la foi catholique. Ce témoignage lui a été rendu par des docteurs scolastiques et par des hérétiques. Catharin, O. P., ne craignait pas dédire au concile de Trente : Seoti laus quanta sit in Ecclesia et merito, sali prara affecti meute non conspiciunt. In disput. de conc. ad concilium Trid., part. I. Ce fut contre la doctrine de Duns Scot que les réformes d’Angleterre se ruèrent avec le plus de rage. Ses livres fuient brûlés par ordre d’Edouard VI aux applaudissements du peuple et aux cris de funtis Scoli et scotiSlarum. Le protestant Buheus l’appelait : papistarum Hercules. Cf. Prosper de Martigné, La scolastique et les traditions franciscaines, Paris, 1888, p. 307-31.1. Cependant, dans le développement de nos dogmes el l’élaboration de la synthèse théologique, les (’oetrines scotistes n’ont pas eu la faveur qui s’est attachée aux interprétations thomistes. Est-ce à dire que rien ne subsiste de l’œuvre théologique de Duns Scot, qu’aucune des doctrines dont il s’est fait le champion — l’on excepte la conception immaculée de Marie — n’est entrée dans le domaine de la théologie moderne’.’Il serait sans doute imprudent et injuste de le dire. Mal gré la situation privilégiée que l’autorité de Léon XIII et de Pie X a faite à la pensée de saint Thomas, il est permis de reconnaître que la conception philosophique de nos dogmes n’est pas encore terminée, qu’elle reste toujours posée devant la raison et que les solutions proposées par Duns Scot ne sont pas sans honneur. Malheureusement, elles sont en général présentées

sans cohésion et dans leurs conclusions plutôt que dans leurs principes. On peut s’intéresser encore à ce qu’il affirme, mais qui s’astreint sérieusement à l’étudier dans le texte même ? Les disciples de saint Thomas, suscités et encouragés par les directions pontificales, sont légion ; les disciples de Duns Scot sont peu nombreux, et peu s’en faut qu’on ne suspecte, en Eranco surtout, leur esprit catholique et leur attachement au siège de saint Pierre. Depuis la renaissance des études scolastiques, la littérature scotiste n’est pas volumineuse et le contraste est frappant, sur ce point, entre la richesse des siècles passés et la pauvreté du nôtre. Des études patientes et des analyses minutieuses seraient nécessaires pour mettre en pleine lumière, avec leurs nuances et leurs raisons fondamentales, les doctrines du docteur subtil. Ne faut-il pas espérer que sa personne et sa pensée arrêteront enfin l’attention de ces esprits éminents qu’un souflle de curiosité Turt Légitime entraîne de nos jours vers l’histoire du moyen ûge ?

I. Biographie.

Les contemporains de Duns Scot n’ont laissé aucune biographie sérieuse du docteur subtil. La caricature qu’en a faite le dominicain A. Bzovius, Annales ecclésiastiques, année 1294, au commencement du xvii siècle, lui a suscité des apologistes et des historiens. Parmi les principaux : Hugues Cavelle, Vita Johannis D. Scoti, Anvers, 1620 ; A>ologia pro Joli. D. Scutu, Paris, 1034 ; Mathieu Ferchius, Vita Joannia D. Scoti, Bologne, 1622 ; Wadding, Annales ordinis iHiimrum, an. 1304-1308 ; cette vie est reproduite dans J. D. Scoti operaomnia, Lyon, 1639, 1. 1, et divisée en 19 chapitres ; JeanColganus, Tractatus de Joannis Scoti, doctoris subtilis (lu rumque principis, vita, palria, etc., Anvers, 1055 ; Mathieu Veglensis, Yitu Johannis U. Scoti, Padoue, 1671 ; Léon Caria, Vitn y admirabile doclrina del. v. p. f.’. Duns Escoto,’1er, 1657 ; Alonzo Guzman, De vida de L D. Scoto, princi} > et mæstro de la escuela franciscana, Madrid, 1671 ; PeiezLopez, Instantes del heroe sutil vida del v.p.y iluetur Mariano, .hum Ds. Scoto, Saragosse, 1683. Au xvnr siècle : Stanislas Sczepanowski, Commentarium de vita et scriptis ven.J.Duns cognomento Scoti, doctoris subtilis et mariani, Varsovie, 1752. De ces biographies se sent inspirés les auteurs du xie siècle. Le l’. Prosj ei de Martigné, ( »..M. C, /- « scolastique et les traditions franciscaines, Paris, 1888, c. v, a fait une judicieuse critique de plusieurs questions controversées de la vie du docteur subtil.

il. Écrits. — Sans avoir la prétention de donner une liste complète des éditions des œuvres du docteur subtil, ce qui demanderait plus d’espace que nous ne pouvons en consacrer à cette partie de notre travail, nous voudrions indiquer ici d’une façon sommaire celles dont neus acns ] u avoir une indic : précise ; pour mettre de l’ordre dans cette nomenclature, nous snivens celui qu’adoptèrent les éditeurs de l’édition de Lyon, 1639, L’. P. F..1 : , « m ii$ DunsScoti, doctoris subtilis, ord. min., o]>era omnia, qux hucusque reperiri potuerunt, collecta, recognita, notis, scholiis et commentariis illustrata, a PP. Hibernis, Collegii Romani S. Isidori professoribus, jussu ri auspiciis /(-" P. /’. Joannis Bapt. u Campania, min.gen., 12 tomes in-fol., en 16 vol., Lyon, chez Laurent Durand : De modis signi/icumii seu Grammatica speeulçtiva, in-4° Venise, 1491 : 1° édit., 1499 ; Sbaraglia indique une édition de Venise, 1519, Wadding une autre de Paris, 1605 ; Quxstiones sup. universal. Porphyrii, libr. Prxdicamentot um Aristotelis et perihermenias, Barcelone, 1480 ; s. 1..1485 : in-fol., Venise, 1492 ; ibid., 1496 ; in-4’, ibid., 1500. Même ouvrage avec l’addition des Quxst. sup. libr. Elenchorum, par Maurice Fildeus (O’Fithealaigh) dePortu, in-4", Venise, 1508 ; in-fol., ibid. ; in-4 —, ibul., 1520. On Irouve aussi des éditions séparées des Elenchi seu quæstiones super Hb. Elenchorum Aristotelis, par Petrus Garaottus de Forli, in-4’, s. L, 1493 ; Venise. 1495. Les Elenchi se rencontrent aussi avec les Quxst. in Metaphysicam, in-b°, Venise-, 1499. Quxst. sup. libf.Posieriorum, parMatthæusl lampagna, in-4’, Venise, 1497 ; infol., ibid., 1 197 ; Quxst. sup. libr. Priorum inalyticorum, in-4’, Veni e, 1504 ; Quxst. sup. libr. Priorum et Posteriorum, infol., Venise, 1512 ; ibid., 1520. Constant Boccafoco de Sarnano réunil dans un seul volume les Quxstiones exactissimx in universam Aristotelis logicam, in-8° Venise, 15x3, 1586, 159u, 1610, 1619 ; tes Quxst. in libr. Physicorum Aristotelis, furent publiées sous le nom de Marsilius Inghen, Lyon, 1513 ; in-fol., Venise, 1521 ; sous le nom de Scot, in-’i", Venise, 1617 ; les éditeurs de 1639 les reproduisirent d’après nne édition de Cologne.