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DUNS SCOT


quod requiritur ad punitionem eorum justam, n. i.

b) De la peine du dam et du ver rongeur, le docteur subtil ne dit que quelques mots eu traitant de l’inégalité des peines de l’enfer. In 1’Sent., 1. IV, dist. L, q. VI, n. I2-I(i.

2. Perpétuité des peines de l’enfer.

Les peines de l’enfer sont, de toutes les souffrances imaginables, les plus terribles. Les damnés appellent de tous leurs vœux l’anéantissement de leur être, JnlY Sent., 1. I dist. L, q. ii, mais en vain, car leur état est fixé pour l’éternité. 7/ ; IV Sent., 1. IV, dist. XLVI, L. Est-ce à dire que leurs peines ne diminueront en aucune manière ? Non. Les peines temporelles, dues aux pécbés véniels et aux péchés mortels dont la peine éternelle a été commuée en peine temporelle par l’absolution ou la contrition parfaite, cesseront un jour. In IV Sent., 1. IV, dist. XXI, q. I, n. G. Duns Scot ne reconnaît pas d’autre mitigation aux peines de l’enfer.

On ne saurait reprocher à Dieu de punir les pécheurs par des peines trop sévères. Dans le’jugement où il les condamne, le souverain juge obéit à sa miséricorde autant qu’à sa justice, in IV Sent., 1. IV, dist. XLVI, q. iv. Pour expliquer cependant, autant que cela se peut, la proportion que la justice demande entre la peine éternelle et une faute presque instantanée, le docteur subtil en appelle à un acte de volonté tout particulier de Dieu, qui a résolu de rendre la punition des méchants éternelle, comme il a voulu de même éternelle la récompense donnée aux bons. Il était possible, par exemple, à Dieu de faire expier, secundum etiant strictam rigorem justitiæ, les peines dues aux pécheurs, par des châtiments temporels très intenses et de les annihiler ensuite. Loc. cit., q. IV, n. 20. Donc si la peine est éternelle de fait : non est quia seternitas sit per se de ratione pœnse, » i quantum eequaliter punitiva, srd accidit propter seternitatem personse punitm et culpse remauentis, n. 20. L’éternité du damné et de sa peine a pour cause unique la volonté divine qui ne veut ni annihiler les pécheurs, ni choisir un ordre de choses où resterait aux âmes la possibilité’du repentir. Loc. cit.

Les limbes.

L’état de damnation a, pour condition sinr quu non, le démérite personnel, le péché actuel. Quel est donc le sort de ceux qui meurent avec le péché originel ? Duns Scot traite ce sujet, 7w IV Sent., 1. ii, dist. XXXIII, et répond avec les autres docteurs : damnali pro solo peccalo originali nullam habebnnt pœnam sensus crierions, puta ignis ; nullam eliam habebunt interiorem, ui trisiitiam, n. 2. Il admet encore que ces âmes auront une certaine béatitude naturelle, dont les joies les plus douces viendront de l’exercice de l’intelligence : vidrtur probabile concedere quod (minium naturabiliter cognoscibilium possunt naturaliter cognitionem habere excellentius quam aliqui habuerunt pro statu isto et ita aliqualem beatitudinem naturalem de Deo cognito in universali poterunt attingere, n. 3. De celle béatitude, elles seront satisfaites, car, ou elles ignoreront la béatitude surnaturelle réservée à d’autres âmes, ou elles la connaîtront. Dans ce dernier cas, elles ne sentiront aucune tristesse, parce que, étant incapables de pécher dans l’autre vie, elles accepteront avec joie toutes les dispositions de la volonté divine : eruni contenti de statu suo, scientes Deum dr se ita disposuisse, nec suo actu hoc aliquando demeruisse, n. i. V17. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA DOCTRINE m m, s SCOT. — I" Le caractère le plus saillant de la doctrine de Duns Scot est l’esprit catholique et traditionnel dont elle s’inspire. Cette conclusion peut paraître étrange à ceux-là seuls qui n’ont jamais étudié le docteur subiil dans ses propres ouvrages. Et cependant, elle s’impose. Sur toute question d’ordre théologique, avant de formuler sa pensée, Duns Scot

recherche les enseignements de l’Écriture : theologia nostra de fado non est nisi de his quai continentur in Scriplura et de his quæ possunt ehci ex ipsis. Jn IV Sent., prol., q. il latcralis, n. 2’t. Une parole de la Bible, à son avis, vaut plus que toute démonstration. Miscellanese quæst., vi, n. 3. Mais il ne croit qu’aux révélations authentiquées par l’autorité de l’Église : libris ranonis sacri non est credendum nisi quia primo credendum est Ecclesiae approhanti et auctorizanti libros istos et contenta in eis. Quamvis alicui libri auctorilalem habeanl ex auctoribus suis, non lamen adhseremus eis /irmiler nisi quia créditai— Ecclesia ; approbanli et testificanti veraces esse eorum auc tores. Jn IV Seul., 1. III, dist. XXIII, n. 4.

Cet appel à l’autorité de l’Église se répercute comme un écho dans les pages de ses commentaires sur les Sentences et des Reporlala de Paris. L’autorité de l’Église peut seule fixer le sens des Écritures : Ecclesia calholica eo spirilu ex/iosuit [Scripturas] quo tradila est ftdes, Spirilu scilicet veritalis edocla. lu IV Sent., 1. IV, dist. XI, q. ni. n. 15. Aussi est-ce sous la réserve expresse de l’agrément de l’Église que Duns Scot propose humblement les doctrines qui semblent une innovation, la conception immaculée de Marie, par exemple, In IV Sent., 1. III ; Report., 1. III, dist. III, q. i ; à l’autorité de l’Église qu’il en appelle pour juger de la valeur d’une doctrine nouvelle et déterminer l’obligation qu’il y a pour les fidèles et les théologiens de l’accepter. Report., 1. III, dist. XXV, n. 6. On l’a vu demander encore à cette autorité, manifestée dans la croyance traditionnelle, la signification rigoureuse el la force démonstrative, relativement à la transsubstantiation, des mots : llocesl corpus meum. C’est enfin — il est inutile de multiplier outre mesure les exemples — pour ne pas devancer les enseignements de l’Église qu’il se refuse à admettre des vertus morales infuses réellement distinctes.

Duns Scot a écouté la voix de l’Église dans la tradition des premiers siècles. Sa patrologie n’est pas moins riche que celle des autres docteurs du xme siècle. Il cite souvent saint Anselme, saint Jean Damascène. Son auteur préféré, celui dont l’autorité doctrinale est de premier ordre et dont le génie captivait particulièrement son esprit, c’est, sans contredit, saint Augustin : il le cite plus de 1 300 fois dans les commentaires de Pierre Lombard et ses autres ouvrages théologiques. Même avec les Pères, Duns Scot réserve ses droits de critique, mais combien discrets ! Il sait qu’ils ont parfois manqué de mesure. In I VSent., 1.11, dist. X XXIII. facilement il les excuse, loc. cit. ; il les défend contre le reproche d’hérésie formelle en supposant de chacun d’eux, ce qu’il dit de Cyprien : promplus esset sentire anima circa hoc quod Ecclesia delerminavit. In I V Sent., 1. IV, dist. V, q. I, n. 6.

2° Ce caractère traditionnel de la doctrine de Duns Scot ne lui enlève pas son cachet très personnel. Ce cachet provient des théories métaphysiques que le docteur subtil fait entrer dans les explications du dogme et les synthèses générales de la théologie.

Duns Scot est disciple d’Aristote, comme saint Thomas ; il ne craint pas cependant de faire une petite place à d’autres philosophes, à Platon déjà baptisé par saint Augustin, In IV Sent., 1. I, dist. XXXV, à Avicebron. De rri um principio, q. iivi a. 4. Ayant commenté, avant d’enseigner la théologie, presque (uns les livres d’Aristote, il avait vu se fondre, au creuset de sa critique, quelques-uns des principes secondaires de sa métaphysique, et plusieurs autres, étudiés à la lumière d’une exégèse plus scrupuleuse, lui étaient apparus avec un sens légèrement différent de relui qu’un avait coutume de leur attribuer, En quelques circonstances, Duns Scot a été travaillé par un autre souci, « celui de savoir comment un principe