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DUNS SCOT


glorise n’est nullement nécessaire avec l’hypothèse reçue par quelques auteurs, où l’intelligence, dans la vision, n’aurait qu’un rôle passif, n. 10 ; il semble au contraire nécessaire dans l’hypothèse où l’intelligence est active, n. 12, hypothèse qui, maigri quelques indécisions apparentes, est adoptée par le docteur subtil.

La vision de Dieu et l’amour béatiûque n’absorbent pas l’àme bienheureuse au point qu’elle ne puisse avoir d’autre connaissance que celle de Dieu et qu’elle doive se désintéresser de toute chose créée. Avant le jugement dernier, les âmes séparées, d’après Duns Scot, peuvent accomplir des actes d’intellection sur les essences, dont elles ont jadis reçu les espèces intelligibles, In IV Sent., 1. IV, dist. XLV, q. i ; elles se souviennent de leurs actions passées, loc. cit., q. m ; enlin, elles reçoivent des espèces nouvelles, non seulement de l’in(luence directe de Dieu qui se donne à elles dans la vision, mais encore de leur activité normale, dans le double domaine de la connaissance abstractive et de la connaissance intuitive, n. 12-16. Ces affirmations sont encore des conséquences des doctrines du docteur subtil sur la nécessité et le rôle de l’image dans la connaissance intellectuelle. Il ne reconnaît à l’image d’autre fonction que d’être, près de l’intelligence, durant le temps de l’union de l’âme avec le corps, un mode représentatif de l’objet : per hoc tantummodo agit phantasma in intellectum, quia est representativum objecti. Sortie de la prison du corps, l’intelligence peut donc entrer en rapport direct avec son objet et le saisir. Loc. cit., n. 8. Les bienheureux peuvent ainsi entendre nos prières, connaître nos besoins et même les secrets de nos cœurs, si tamen immoderata dislcuilia non immédiat. In IV Sent., dist. XLV, q. iv. Ils peuvent les connaître aussi par une révélation divine dans le Verbe : une pareille connaissance n’est certes pas un élément nécessaire de leur béatitude, mais elle convient à l’office de coopérateurs dans l’ordre surnaturel que Dieu, en fait, a bien voulu leur commettre. Loc. cif., n.4. Grâce à cette connaissance, ils prient pour nous et nous servent de médiateurs, n. 5, 6.

3. Béatitude particulière du corps glorieux — Après la résurrection, le corps aura sa part de béatitude : elle se manifestera par des qualités spéciales qui sont l’impassibilité, l’agilité, la clarté, la subtilité.

a) Impassibilité ou incorruptibilité. — Suivant Duns Scot, l’impassibilité du corps glorieux où se trouvent les qualités opposées des mixtes, In IV Sent., I. IV, dist. XLIX, q. iixi n. 3, ne provient ni de la proportion harmonieuse de ces propriétés, ni du domaine absolu de l’âme sur le corps, n. 4-6. Elle ne consiste pas davantage dans une qualité particulière et intrinsèque qui s’opposerait à la corruption, n. 7, 8. Elle n’a d’autre origine que l’absence de coopération de la cause première à l’activité naturelle des causes secondes qui pourraient corrompre les corps. Loe. cit. n. 9-11.

b) Agilité. — Elle n’est pas autre chose qu’une habilitas in aliquo toto ad prompte movendum se, secundum locum. Lue. cit., q. xiv, n. 3. Pour bien entendre ce don, il est inutile de recourir à l’hypothèse d’une qualité surnaturelle donnée par Dieu, n. 10 ; il s’explique suffisamment par une intensité plus grande du pouvoir moteur de l’âme et la disparition des empêchements que le corps met actuellement à l’exercice des activités de l’âme, n. 11. L’àme d’ailleurs possédera un double pouvoir moteur : l’un s’exercera par des organes de locomotion ; l’autre par un transport local accompli par l’àme sans le secours de ces organes, n. 4-9.

c) Clarté. — La clarté que le docteur subtil définit : gusedam refulgentia, [quæ] addit super lucem et colorent manifestationeni sui, In IV Sent., 1. IV,

dist. XLIX, q. xv, n. 2, ne lui semble pas entraîner nécessairement la transparence cristalline, admise par d’autres docteurs, à la suite de saint Grégoire, n. 3, 4. d) Subtilité. — Duns Scot en donne une explication semblable à celle qu’il a déjà donnée de l’impassibilité. In IV Sent., I. IV, dist. XLIX, q. xvi. La subtilité qui permet à deux corps de coexister réellement et simultanément dans le même lieu, n. 4-8, ne consiste pas formellement dans une qualité surnaturelle absolue créée par Dieu. n. 9, 10, mais dans un décret, en vertu duquel la puissance divine produit cette coexistence, au gré de la volonté de l’âme bienheureuse, n. 17, 21. Cet appel à l’intervention de Dieu, pour expliquer l’impassibilité et la subtilité, ne détruit pas le caractère de dotes, nom sous lequel on les désigne, car chacun de ces états est en quelque sorte dû à l’àme : debetur sibi quasi de jure… et secundum hoc dicitur dos, n. 19.

Tous les bienheureux ne participent pas dans le même degré au bonheur : l’état de béatitude comporte des inégalités. In IV Sent., 1. IV, dist. L, q. vi, n. 2-4. Ni l’objet qui est infini, ni la puissance passive réceptive, qui est toujours identique, ne sont la source de cette inégalité, n. 5. Il faut l’attribuer : o. à Dieu, dont l’action sur nos puissances est variable suivant les mérites personnels des élus ; b. à la volonté active, disposée inégalement à la fruition, par les degrés de charité surnaturelle qu’elle possède, n. 6, 7.

La damnation et l’enfer.

1. Les différentes peines. — L’état de damnation comporte trois sortes de peines : la peine du sens, la peine du dam, la peine du ver rongeur.

a) Le peine du sens. — Le feu, et un feu matériel, physique, est l’instrument principal des vengeances divines. Comment exerce-t-il son activité, actuellement sur les démons et les âmes des damnés, et, après le jugement, sur les corps des réprouvés’.’Duns Scot répond ainsi. Le feu n’agit pas physiquement sur les esprits comme sur les corps, en consumant, au sens rigoureux de ce mot. Les esprits ne sont point, par ailleurs, susceptibles de ressentir l’aiguillon d’une douleur sensible. Il reste donc que le feu est pour eux la cause d’une tristesse spirituelle fort pénible. La tristesse supposant toujours un objet ijund ostenditur disconveniens, secundum rationem, In IV Sent., 1. IV, dist. XL1Y. q. ii n. 7, on peut dire que le feu est, à deux points de vue, disconveniens aux démons et aux âmes damnées, primo ut detinens spiritum diffinitive ; secundo ut imniutans objective. Loc. cit. Voici l’analyse de cette deuxième raison de souffrance : a. intellecius angeli determinatur perpetuo ad intense considerandum ignem in ratione objecti… ; h. apprehendil islam determinationem… ; c. odii… et istud odium oritur ex afjectione commodi…, promovetur ex superbia…, consummatur ex invidia ; d. sequitur apprehensio cerla deeventu isi tus considérations intensæ et perpétuée ; ex hoc sequitur tristitia. Loe. cit., n. 11.

Après le jugement général, les corps des réprouvés subiront à leur tour le supplice du feu. Duns Scot reste hésitant sur le mode d’action du feu corporel sur le corps des damnés : sera-t-il physique et le feu consumera-t-il réellement les corps, qu’une intervention perpétuelle de Dieu préserverait sans cesse de la destruction ? c’est l’hypothèse de l’actio realis. Le feu ne fera-t-il que produire dans la sensibilité, sans consumer aucunement, les souffrances physiques qui accompagnent normalement la consomption réelle ? c’est l’hypothèse de Vactio intentionalis. In IV Sent., 1. IV, dist. XL1V, q. III. Duns Scot manifeste néanmoins une préférence non douteuse pour la seconde opinion, parce que sola immulatio intentionalis facit dolorem, et en outre, non est multiplicare miracula ultra illud