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DUNS SCOT


précepte divin, que la haine du prochain détruit Vliabitus de la charité. Cet ordre étahli par Dieu est d’ailleurs admirable. In IV Sent., 1. III, dist. XXVIII, n. 4Puisque le prochain est toute créature cujus amicilia est Deo (/râla, la vertu de charité n’exclut a priori de son domaine aucun être raisonnable. Elle commande d’aimer sans restriction les saints qui sont au ciel et les hommes pris collectivement, et conditionnellement les individus : quia de quocumque viatore signato est dubiitm, delco Iioc sibi relie ex conditione scilicei si place t Ei abeo diligi et quand o placel Ei al eu diligi. In IV Sent., 1. III, dist. XXVIII, n. 6.

Entre Dieu et le prochain, se trouve la personne en qui réside la vertu de la charité. Dans l’ordre des objets matériels de cette vertu, chacun de nous tient la première place, après Dieu. Post Deuin immedialissime mit i/uis ex cltaritate se diligere illud quo tendit in Deum, scilicei se diligere Denni et hoc volendo diligil se. In IV Sent., 1. III, dist. XXIX, n. 2. Cet amour est légitime, car qui ne voit qu’en s’aimant ainsi, on s’aime in ordine ad Deum ? Ilid., n. 4. Le précepte dhin de la charité impose aussi l’amour des ennemis : Duns Scot reconnaît les difficultés de ce devoir, In IV Sent., 1. III, dist. XXX, et l’envisage sous ses points de vue les plus divers. On doit l’avouer, inimicus, in quantum talis, est malus et viliosus et nullo modo est sic amandus, loc. cit., n. 2, mais considéré dans l’ordre de la charité, il est aimable et doit être aimé. On doit désirer pour lui et lui procurer les biens spirituels. Quantum ad prima lona [spirilualia] mm videtur quod » ossumus Ma sibi odire vel nolle, quia non slat cum perfecte diligere Deum nulle alii Ma per quæ inducatur ad colligeudum Deum. Loc. cit., n. 4. Les biens naturels indifférents, les richesses, la santé, la vie même ne sont pas des biens que l’on doive nécessairement désirer pour le prochain, pour ses ennemis, soit parce que notre prochain potest ordinale nolle ea sibi, ou que la perte de ses biens soit utile ad correclionem… ad pacem Ecclesiee… ad bonwni commune. Loc. cit., n. 5, 6.

La charité n’est pas une vertu passagère de ce monde, elle demeure au ciel. In IV Seul., 1. III, dist. XXXI, n. 7. Duns Scot le prouve par cet argument : iste habilus non distincte inclinai ad action perfectum amandi Deum…, sicut amatur quando est in priesens ; necad aclum imperfeclum, sicut amatur quando est imperfecte pressens… sed ad hune et ad Muni indistincte. Au ciel V habilus de charité n’est donc pas inutile, tandis que la foi et l’espérance n’ont plus de raison d’être. In IV Sent., 1. III, dist. XXXI, n.7.

ix. les sacrements eu GÉNÉRAL. — La synthèse sacramentaire était élaborée lorsque Duns Scot commença son enseignement à Oxford. Il dut donc se borner à faire un choix parmi les doctrines encore discutées et défendre ses positions avec une vigoureuse dialectique.

Définition.

Sacramentum est signum sensibile, gratiam Dei vel effectum Dei gratuilum, ex instilutione divina efficaciler significans, ordinatum ad salutem hominis viatoris. In IV Sent., 1. IV, dist. I, q. ii, n. 9. Le docteur subtil accepte d’abord la conception hylémorphique qui fait du sacrement un signe sensible composé de matière et de forme, In I V Sent., 1. IV, dist. III, q. ii m ; il en trouve, mais avec des nuances, des applications dans tous les sacrements ; il insiste sur un dernier trait qu’il généralise : la distinction de la matière en matière prochaine et en matière éloignée. In IV Sent., 1. IV, dist. III, q. iii, n. 2 ; dist. VII, q. I, n. 2 ; dist. XXIII, n. 6.

Causalité.

Duns Scot est un adversaire de la causalité physique instrumentale, sous le double aspect de causalité instrumentale dispositive et de causalité instrumentale efficiente. In IV Sent., 1. IV, dist. I,

q. iv, v. Une raison très claire domine tous ses arguments : la production de la grâce étant une création au sens rigoureux du mot, il est impossible qu’un être créé, comme est le signe sacramentel, puisse y jouer le rôle de cause physique, même instrumentale, même dispositive, loc. cit., n. 4-7, même en vertu d’une puissance surnaturelle communiquée, n. 8-10. Le docteur subtil croit cependant à l’efficacité réelle du sacrement : signum sensibile… efficaciler significans. Sa pensée sur ce point, développée dans In IV Sent., 1. IV, loc. cit., n. 12-18, est ainsi condensée, Report., 1. IV, dist. I, q. IV, n. 8 ; le texte mérite d’être cité en entier : IJabet tamen sacramentum quamdam actionem ualuralem — ut aqua cum verlis in sacramento baptismi alluere liabet corpus — qux potest d’ici aclio instrumentalis respecta gralix. ; ut sic sacramentum proprie dicatur dispositio activa naturalis respecta gratiæ, reducla vero ad genus causa : efficienlis — quod probatur sic : dispositio quæ est necessitans ad formant, quando non est præcise in ralione susceplivi, habet aliquo modo rationem efficienlis, respecta illius formée. Susceptio sacramenti est quxdam dispositio necessilans ad gratiam ex pactione divina, i/ua Devs pepigit assistere sacramentis ut conferrent quod signant et mm habet lantum rationem receplivi respectu gratin 1. Ainsi de ce texte capital, il est manifeste que Duns Scot reconnaît aux sacrements une causalité efficiente qui en fait non de pures dispositions, grâce auxquelles l’action de Dieu est possible, ni de simples signes infaillibles de son opération, ni des causes occasionnelles, ni des causes accidentelles de la grâce et des effets produits. Il les regarde au contraire comme de vraies causes instrumentales, ordonnées per se à la production des effets du sacrement, contenant ces effets, non physiquement, mais moralement en vertu d’un engagement très libre, certifié par l’Eglise, par lequel Dieu est spécialement présent et agissant dans le rite sacramentel. Il enseigne enfin que ces résultats sont bien l’effet du sacrement, puisqu’il les amène nécessairement, non qu’idem per aliquam formam intrinsecam, per quam necessario causaret terniinum, sed propter assistentiam divinam. In IV Sent., loc. cil., n. 13. Le système de Duns Scot a donc un cachet très personnel. On ne peut l’identifier complètement avec le système qui prend aujourd’hui le nom de causalité morale, dont il est cependant le précurseur. On ne dit certainement pas assez, quand on l’appelle un système de cause occasionnelle.

3° Effets du sacrement. — Pour désigner les effets du sacrement, Duns Scot emploie deux termes distincts : gratiam Dei et effectum Dei gratuilum ; le premier terme est clair, il signifié la grâce habituelle ; le second, plus obscur, est susceptible de signifier des effets divers, le caractère, ou la présence permanente du Christ eucharistique sous les espèces. In IV Sent., 1. IV, dist. I, q. il.

1. La grâce habituelle.

Tous les sacrements produisent la grâce habituelle, leur fin directe et normale, In IV Sent., 1. IV, dist. I, q. IV, n. 12, les uns la grâce première, les autres, per se, la grâce seconde et, per accidens, la grâce première. Cf. chaque sacrement en particulier. D’eux-mêmes, ils donnent cette grâce, avec la même efficacité, dans le même degré : aliquam gratiam disposait regulariter conferre, cum isto signa, ita ut quod nulli minorem. In IV Sent., 1. IV, dist. IV, q. iiv n. 3. Seules, les dispositions du sujet en varient l’intensité. Loc. cit., n. 5. Le docteur subtil ne prétend toutefois résoudre cette question, que loquendo de lege communi, parce qu’il est possible que Dieu veuille conférer majorent Mi quem prsedestinavit ad majorent gloriam. Loc. cit.

En aucun des écrits de Duns Scot ne se lit l’expression de grâce sacramentelle. Il en admet cependant la réalité