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DUNS SCOT

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de mérite sans une grâce préalable : ponere aliquem actum meritorium ex puris naturalibus esset error Pelagti. In IV Seul., 1. 1, dist. XVII, q. II.

La nécessité de ces dispositions est indubitable : elle a été établie par un décret divin. Rien ne répugne toutefois à ce que Dieu reinette au pécheur sa faute sans aucun acte de sa part. In 1 I’Sent., 1. IV, dist. XIV, <(. i, n. 17. Il s’agit ici de la faute envisagée dans son existence habituelle, en dehors de l’acte peccamineux lui-même. Suivant Duns Scot, le péché habituel ne consiste point dans une réalité physique inhérente à l’âme. Il comporte seulement, avec la privation de la grâce, le reatus pœnæ, qui est d’ordre moral purement : cessante aclu peccandi, rerr.anet in anima tanhim qnœdam rclalio rationis, ut abjectio ipsius ab aceeptatione divina ad gloriam et obligatio per conseqvens ad talent pœnanisibi in/hgendam pro peccato, quantum Deus pro justifia sua ordinavit illi in/ligi. Report., ]. IV, dist. XIV, n. 7. Dieu peut donc remettre la peine et l’obligation de la peine, sans un acte positif de contrition antérieure, s’il ne demeure dans l’âme du pécheur aucun attachement actuel au désordre du péché, nulla carentia reclitudinis in aclu. Loc. cit.

2. Nature de la justification.

Suivant les lois posées par Dieu, la justification comporte deux éléments : la rémission des péchés et la rénovation intérieure par la grâce habituelle. In IV Sent., 1. I, dist. XVII, q. n. Ces deux opérations sont simultanées, mais la rémission du péché a une antériorité de nature sur l’infusion de la grâce, non ordinari ad fœnam est prior naturaliler secundum generationem, et naturam, et rationem, et prædicationem illa mutalione qua aliquis ordinatur ad gloriam. Report., 1. IV, dist. XVI, q. ii n. 23. Si intime que soit l’union de ces deux actes, elle ne semble cependant pas indissoluble à Duns Scot, en ce sens que le péché, de potentia absohila Dei, pourrait être remis sans l’infusion de la grâce. Un principe domine ce problème : entre la grâce habituelle et le péché, il n’y a pas d’opposition physique ; la destruction du péché n’entraîne donc pas de soi physiquement la présence de la grâce. In IV Sent., 1. II, dist. XXVIII, n. 7 ; 1. IV, dist. I, n. 33 ; dist. XVI, n. 18. La valeur du principe repose sur la conception que se fait Duns Scot du péché habitue). Ce péché ne consiste formellement ni dans la privation de la grâce, ni dans une qualité ou habitude réelle inhérente à l’âme, sorte de souillure ou tache physique, ni dans une relation réelle fondée sur une entité physique qui resterait dans l’âme après l’acte même du péché. In IV Sent., 1. IV, dist. XIV, q. i ; dist. XVI, q. n. Il n’y a donc dans le péché habituel qu’une relation de raison : nihil aliudnisi ista relatio rationis, sriltcel ordinatio ad prenant. Duns Scot ne se refuse cependant pas â regarder cette ordinationem ad pâmant, comme une sorte de souillure, mais moraliter et non physice loquendo. lu IV Sent., ]. IV, loc. cit., n. 7. Dans la justification il y a donc, en conséquence, deux mutations fort distinctes : la première, de raison, n’aboutit à aucun terme positif ; la seconde, réelle, consiste dans l’infusion de la grâce, don habituel, par lequel l’âme est fnrmaliler Deo chara. Dieu pourrait donc remettre le péché sans infuser le don de la grâce. In IV Sent., I. IV ; Report., I. IV, dist. XVI, q. il.

Du principe posé une autre conclusion semble découler : savoir que Dieu, sans effacer le péché, pourrait également donner la grâce habituelle. N’est-ce point contradictoire ? Duns Scot est moins explicite sur ce sujet. Quand il dit expressément : infusio gratta potest esse sine expulsione culpæ., il n’envisage que des faits exceptionnels, la sanctification du premier homme, de la Vierge Marie, uhi nulla eral culjta.

In IV Sent., 1. IV ; Report., loc. cil. Ses disciples sont plus aflirmalifs. Cf. Mastrius, Scotus academicus, t. ix, tr. III, dist. III, q. ii m. Leur doctrine peut s’appuyer sur les doctrines du maître. Bien que la grâce rende l’âme formellement agréable et chère à Dieu, ce n’est point comme simple entité physique, mais à cause d’une acceptation particulière de Dieu. qu’elle obtient ce résultat : ratio acceplandi naturam videtur esse, quidam décor naturæ complacens voluntati i/irins : , ila qudd… habitua iste, ex hoc solo quod est talis forma, decorans et. ornans animant, potest esse ratio acceplandi animant…sed concurrit acceptant, Dei. In V Sent., 1. I, dist. XVII, q. ii n. 23. De même que le ; péché ne détruit point la grâce physice sed demerilorie, In IV Sent., 1. IV, dist. I, q. i, ainsi la grâce ne chasse point le péché phtjsice, mais seulement ex ordinalione divina. Rien ne s’oppose donc rigoureusement, â ce que malgré la présence physique du don surnaturel de la grâce, le péché demeure.

Le mérite.

Duns Scot ne semble avoir ajouté aucun trait bien caractéristique à la théologie du mérite. Il en note avec rigueur tous les détails : la définition : actus potentiiv liberæ et secundum inclinationem gratis elicilus, acceplus Deo ut prsemiabilis beatitudine, In IV Sent., I. I, dist. XVII, q. ni, n.25 ; la division spécifique, en mérite de congruo et en mérite de condigno ; les conditions requises pour le mérite de condigno : e.r parle operis : liberté de nécessité externe et interne, Quodl., q. xvil ; In IV Sent., 1. III, dist. XIII, q. iv, n. 21 ; conformité aux règles de la morale, In IV Sent., 1. 111, dist. XVIII ; surnaturalité dans le principe, IV Sent., I. I, loc. cit. ; dans le motif, l’acte méritoire doit être rapporté à Dieu et virtuellement inspiré par la vertu de charité, In IV Sent., I. II, dist. XLI ; — ex parte operantis : la situation de vialor, ln IV Sent., 1. III, dist. XVIII, q. ii, et la grâce sanctifiante, ht IV Sent., 1. J, dist. XVII, du moins de potentia ordinala, car il ne paraît pas certain que Dieu ne puisse acceptare naturam beali/icaInlent, acceptait one speciali prædicta, existentem in puris naturalibus et sintiliter actum ejus… ut meritorium, In IV Sent., 1. I, dist. XVII, q. m ; — ex parte jtrœmiantis : une acceptation assurée : considero ipsam rationem merili, quod est sic esse acceplum. a divina voluntate in ordine ait preemium. In IV Sent., I. I. dist. XVII, n. 24. Or, il n’y a d’acceptation assurée que si Dieu en a fait la promesse ; c’est de cette promesse que découle ce droit de justice qu’a l’homme juste d’obtenir l’objet de son mérite. Loc. cit.

Comme tous les théologiens catholiques, Duns Scot admet la reviviscence des mérites après le repentir et avec une infusion nouvelle de la grâce. Cf. In IV Sent., 1. IV, dist. XXII. Sur tous ces points, il est donc l’écho fidèle de la tradition chrétienne dont le concile de Trente a lixé irrévocablement la doctrine.

VIII. LES VERTUS SURNATURELLES INFUSES.

1° Des vertus surnaturelles infuses en général. — Dans la justification l’âme reçoit, avec la grâce, certains dons surnaturels. Comme la grâce, ils sont infus : Hmc omnia simul infusa accepit honto, ftdem, spem et. caritatem. Concile de Trente, sess. VI, c. vu. Les enseignements de Duns Scot sont en parfaite harmonie avec la lettre de cette déclaration conciliaire : fide tenemus très virtutes l Itenlogicas esse necessarias, perficienles immédiate animant respeclu objecti increati, In IV Sent., I. III, dist. XXXIV, n. 6, et ces trois vertus sont infuses. Loc. cit., n. 8. Avec la plupart des théologiens, Duns Scot ne pense pas que les habilus infus aient pour but de rendre les actes plus faciles, plus prompts, plus agréables : habilus infusus non dal facilitaient ad actum, ut patet de noriler conversa, In IV Sent., 1. IV, dist. VI. q. x, n. 16, sim