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DUNS SCOT

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vie surnaturelle : de potentia ordinata Deus non dis- ]>osuit alicui peccalori dari primant gratiam, nisi in virtute meriti illius qui eral sine peccato, scilicet Chrisli. lu IV Sent., 1. IV, dist. XV, q. i, n. 7. Dans celle vie surnaturelle, il faut distinguer la grâce, la jus- lilication et le mérite.

1° La grâce. — Les théologiens modernes ont très clairement distingué deux sortes de grâce, la grâce ac- tuelle et la grâce habituelle. Cette distinction, bien que réelle, était moins explicite au moyen âge ; on doit donc lire avec soin les docteurs de cette époque, plus préoc- cupés de la nature de la grâce habituelle que de la nécessité de la grâce actuelle. Ces remarques sont sur- lout nécessaires quand on veut étudier Duns Scot. Le docteur subtil définit la grâce, un don gratuit, unique- ment dû à la libéralité divine : gralia proprie dicitur gratuita voluntas Dei secundum quod est ex niera li- bcralilate ut distinguatur contra operationes commu- nes. Report., 1. III, dist. Il, q. i, n. 10. De la grâce, il accepte les divisions reçues, grâces gratis dalœ et grâces gratunt facienles. En celles-ci, il établit deux espèces : est gralum faciens vel actualiter vel dispo- sitive, In IV Settt., 1. IV, dist. VI, q. v, n. 11 ; la pre- mière est la grâce habituelle, la seconde la grâce ac- tuelle.

1. Grâce actuelle. — a) Nécessité. — Duns Scot ne traite pas ex professo de la nécessité de la grâce ac- tuelle. On peut toutefois de ces écrits extraire assez d’affirmations précises, pour connaître sa pensée et dissiper l’obscurité de quelques textes, trop facilement exploités par les adversaires de son école.

a. Relativement aux œuvres mai aies d’ordre naturel, lluns Scot se tient à une égale distance des doctrines jansénistes et des doctrines pélagiennes. Il s’insurge contre ceux qui enseignent que les actions réputées vertueuses des infidèles et des pécheurs sont mau- vaises. Report., I. II. dist. XXVIII, n. G, 7. Ainsi pour qu’une œuvre soit moralement bonne, ni la grâce sanc- tifiante, ni la foi ne sont nécessaires. A pratiquer ces bonnes œuvres, la nature suffit également sans la grâce actuelle : homo peccator existens, ex naturalibus po- test liabere perfccle aclum bonum moraliter quantum ad ont nés circumstantias, quas dictât recta ratio. Report., 1. II, dist. VII, n. 28. Duns Scot ne prélude donc en aucune manière au baianisme ou au jansé- nisme. On lui a reproché de favoriser le pélagianisme. D’après Suarez, Opéra omnia, Paris, t. vu, p. 507, il aurait enseigné que, sans la grâce, l’homme pouvait, clans l’état présent, résister â toutes les tentations et observer tous les préceptes de la loi naturelle. Cette accusation s’autorise des discussions soulevées, In IV Sent., 1. II ; Report., 1. II, dist. XXVIII. A y regarder de près, il est facile pourtant de voir que Duns Scot parle en cet endroit de la puissance physique et non de la puissance morale. II est impossible de croire que, de parti pris et en pleine connaissance de cause, Duns Scot, si soumis aux enseignements de l’Église, se soit déclaré partisan de Pelage. Or, il sait que ■’('■pondre af- firmativement à celte question : utruni liberum arbi- Irium Itominis sine gratta possit cacere omne pecca- ttttn mortale ? c’est tomber dans l’hérésie. In hoc videtur esse hxresis pelagiana, quod liberum arbi- trai» ! sufficit sine gralia. In IV Sent., 1. Il, dist. XXVIII, n. 1. Quand donc, au cours de la ques- tion, il admet que le libre arbitre, sans la grâce, peut résister à toute tentation et éviter tout péché mortel, non solum disjunctive sed copulative,’ entend parler d’une puissance physique. I>e la possibilité d’éviter un péché mortel, il conclut â la possibilité d’éviter dans le même temps tout autre péché ; or ce qui est vrai pour ce mine l’étant aussi pour tous les autres, la volonté peut donc s’abstenir de toute faute grave. Il est bien (’vident qu’il ne parle ici que de la puissance

physique. Dans les Report. Paris., il pose la question de la puissance morale : que peut le libre arbitre ut e.cposilum tentationibus ? Sa solution est éminem- ment catholique : liberum arbilrium non potest dici slare, quin peccabit novo peccato vel (juin Deus ex liberalitate dabil sibi gratiant, sidisponal se quantum est in se. lbid., dist. XXVIII, n. 9.

i>. Cette nécessité de la grâce, Duns Scot l’admet encore pour les œuvres surnaturelles qui précèdent la justification. C’est â la grâce prévenante qu’il attribue le salut du pécheur : iste adltuc non est finaliter pecca- tor sed potest esse non peccator... quia potest Deus gralia sua eum prsevenire. In 1 V Sent., 1. 1, dist. XLIV, n. i. Il fait remonter à Dieu et non à l’homme l’effica- cité de la pénilence. Cum opus sit non Itominis sed Dei frucluosa pnenitcntia,inspirare potest eam quatr documque vttll sua misericordia. In IV Sent., 1. IV, dist. XX, n. 3. Il pense que tout en ayant peut-être égard aux mérites antérieurs du pécheur, c’est de lui- même néanmoins que Dieu donne la grâce, excellens misericordia Dei, propler prsecedentia mérita, licet morlificata, citius dat gratiam ad resurgendum . lu IV Sent., 1. IV, dist. XXII, n. 13. Enfin il enseigne explicitement que, dans la justification des adultes, l’infusion de la grâce sanctifianle est précédée des bons mouvements du libre arbitre et que ces bons mouve- ments sont vel a Deo immédiate effective,... vel effe- ctive a libero arbilrio, ila quod Deus solum coagat libero arbitrai in causando liunc molum lantunx secundum gêneraient in/luenliam. Report., 1. II, dist. VII, q. ni, n. 13. Dans les deux cas, même dans le second, Duns Scot fait sa place à la grâce actuelle. Cette generalis in/luentia, dans son langage, comprend en effet avec le concours physique naturel, le concours providentiel général, dont la grâce est un élément in- tégrant. Cf. IliquH’us, Comment, in Sent. Scoti, I. IV, dist. XIV, n. 14. Duns Scot échappe donc â toute im- putation de pélagianisme ou de semi-pélagianisme.

/ ;) Distribution de la grâce actuelle. — Ces grâces nécessaires au salut, Dieu les offre à tous les hommes. Le docteur subtil se garde d’interpréter le texte : Deus vull omnes /tontines salvos fieri, I Tim., il, 4, dans un sens restreint aux seuls prédestinés. In IV Sent.,]. I, dist. XLVI, n. 3. D’une volonté antécédente, Dieu a pourvu au salut de tous per doua naluralia et leges rectas et adjuloria communia, et ces secours sont de soi suffisants pour tous, même pour ceux qui manquent le but final, quibus iste posset sufficienter bene vivere et salvari. Loc. cil.

c) Grâce actuelle suffisante et efficace. — Pour Duns Scot, il y a des grâces suffisantes et des grâces efficaces. Ce qui a été dit du mode de la connaissance divine indique sa position dans la question si débattue de la grâce efficace. On sait que les deux partis, tho- miste et moliniste, se sont réclamés de son autorité Sa véritable pensée peut se résumer ainsi. Il n’y a aucune répugnance à ce que Dieu directement par lui-même, ou par une habitude créée infuse, nécessite la volonté humaine à un acte déterminé. Cette déter- mination, provenant de la cause première libre, sau- vegarde la liberté essentielle de la volonté et la con- tingence de l’acte. In 1 V Seul., 1 IV, dist. XLIX, q. vi, n. 13. Mais cette détermination, vraie prémotion et prédétermination physique, ne respecte pas la liberté d’indifférence nécessaire pour le mérite. Duns Scot exige pour cette liberté, qu’au moment où la volonté se détermine pour un acte, il y ait en elle une vraie (I n’elle puissance à un acte opposé : libertatem riiluntatis nostrse, in quantum est ad oppositos actus, conconiitatur potentia lum ad oppusila successive quant ad opposila pro eodem instant !, hue est quod allerutrum possit ponereinesse sineallero. lu IV Sent., 1. 1, dist. XXXIX, n. 16. Comment cette vraie puis-