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théologique et sur l’autorité de Pierre Lombard, rejetaient Ja croyance que la tradition conservait pieusement. Si certaines expressions, jetées incidemment en quelques pages de leurs écrits, ont permis, aux fidèles disciples de ces docteurs, de les présenter — à mesure que la croyance s’affermissait et en prévision d’une décision doctrinale de l’Eglise — comme favorables à la conception sans tache, il reste néanmoins certain que leurs écrits s’opposent ex professa à ce dogme. Cf. P. Prosper de Martigné, La scolastique et les traditions franciscaines, p. 362-387.

Duns Scot enseigne la conception immaculée de Marie, dans ses deux ouvrages. In IV Sent., 1. III ; Report., I. III, dist. III, q. i. Il innove d’abord dans la manière de poser la question. Avant lui, elle était présentée ainsi : Utrum beata Virgo fuerit sanctificata ante animalionem ? S. Thomas, Suni. theol., III a, q. xxvii, a. 2 ; Utrum anima beatse Virginia sanctificata fuerit ante originalis peccali contraction ent ? S. Bonaventure, In IV Sent., 1. III, dist. III, p. i, a. I. Pour lui, il écrit : Utrum beata Virgo fuerit concepta in peccato originali ".’La question posée. Duns Scot la résout. Il critique les arguments apportés par ses contemporains en faveur de la conception in originali. In IV Sent., 1. III, loc. cit., n. 3-8. Ne trouvant aucune raison théologique qui s’impose, il en conclut que Dieu pouvait s’arrêter à l’une des trois suppositions suivantes : l’exemption complète du péché, une souillure réelle mais instantanément effacée, une souillure passagère et après quelque temps supprimée. Dico igttur quod Deus potuit facere quod insa nunquam fnisset in peccato originali ; potuit fccisse ut tantum in uno instanti essel in peccato ; potuit eliam facere ut per tempus aliquod essel in peccato et in ultinio instanti illius temporis purgaretur. Loc. cit. Mais que Dieu a-t-il fait’.’Avec une grande modestie, le docteur subtil indique son sentiment qu’il soumet au jugement de l’Église : si auctorilati Ecclesise aul auctoritati Scriplurae non repugnet, videtur probab’tle quod excellentius est attribuera M arise, n. 10. Cette modestie ne doit point faire oublier que la pensée de Duns Scot est entièrement fixée sur ce sujet. Il l’affirme très explicitement, In IV Sent., 1. III, dist. XVIII, n. 13, quand il fait à Marie une place A part dans la hiérarchie des merveilles surnaturelles : est ibi beata Virgo Mater Dei, quæ nunquam fuit inimica actualiler ratione peccati aclualis, nec ratione. originalis — fuisset tamen nisi fuisset præservata. Loc. cit. Le soin qu’il prend d’ailleurs d’expliquer la possibilité du privilège de Marie, indique assez son sentiment. En quelques traits, il fixe la doctrine.

Sans une intervention divine, tous les enfants d’Adam naissent dans l’état de péché : la Vierge Marie aurait dû partager le sort commun, et sic beata Virgo habet causani suf/icientem peccati originalis. Report., 1. III, loc. cit., q. i, n. 7. Mais Dieu pouvait prévenir cet effet, à l’instant même où l’Ame de l’enfant était créée et unie au corps. Il n’y a pas plus de difficulté à sanctifier une àme en cet instant qu’en tout autre. Loc. cit. Duns Scot résout, prévient même toutes les difficultés par une application très judicieuse des notions de priorité de temps et de nature. Dans le même instant de temps l’Ame de Marie fut créée, unie au corps et sanctifiée. Cependant de même que la création de l’Aine précéda son union avec le corps prioritate natures, ainsi prius naturaliter fuit [Maria] ftlia Adse quam juslificata. Mais, dans le même temps, Dieu la créa et l’inonda de ses grvces si bien qu’elle ne fut jamais en fait debitrix justitise originalis. In IV Sent., 1. III, loc. cit.

Duns Scot admet néanmoins que Marie a contracté en quelque manière la dette du péché originel et qu’elle n’a été préservée de la perte commune que par

les mérites du Christ rédempteur. Patet quod Maria maxime indiguisset Christo ut redemptore : ipsa enim contraxisset originale peccatum ex ratione propagalionxs commuais, nisi fuisset præservata per gratiam mediatoris. In IV Sent., 1. III, loc. cit., n. 14. Il ajoute que, de ce fait, sa part aux mérites du Christ a été la plus abondante : l’innocence préservée était un bien plus estimable que l’innocence réparée après une première faute. Loc. cit., n. 8. Il n’est donc pas une face du dogme de la conception immaculée qui n’ait attiré les regards du docteur subtil. Son audace pour défendre ce privilège et l’exactitude de sa science lui créent des droits au titre de docteur mariai que lui décernent aujourd’hui les dévots de l’immaculée Mère de Dieu.

2° La maternité divine de Marie a trouvé aussi en Duns Scot un docteur profond et original. Cette originalité ne se montre pas dans la question capitale : Utrum beata Virgo Maria vere fuerit Mater C/iristi aut Mater Dei ? Sur ce point il accepte l’enseignement de la foi et n’en donne d’autre preuve que celle-ci : generatio est hypostasis, gentil illum suppositum non secundun) naturam divinam se<l humanam. In IV Sent., I. III, dist. IV, q. i, n. 2. Ce que le docteur subtil croit devoiréclaircir A la gloire de Marie, c’est son rôle dans la conception de son fils. Plusieurs théologiens scolastiques, avec saint Thomas, Sum. theol., III », q. xxxii, a. 4, n’accordent, dans la conception, à la mère en général et à Marie en particulier, qu’un rôle passif. Duns Scot, A cette solution qu’il critique, In IV Sent., 1. III, loc. cit., n. 3, préfère celle de Galien, d’après laquelle la mère a un rôle actif, subordonné cependant au rôle actif du père. In I V Sent., I. III, dist. IV, q. i, n. 5 ; Report., ibid., n. 5-8. Marie n’a donc pas seulement fourni la matière sur laquelle s’est arrêtée l’opération du Saint-Esprit. Elle a coopéré activement A son œuvre. /// Sent., 1. III, dist. IV, q. i, n. 7-12. Pour marquer davantage la maternité divine, Duns Scot admet encore dans le Christ une double filiation réelle, l’une avec le Père éternel, l’autre avec Marie. Loc. cit. En cela il se sépare des autres docteurs qui n’admettaient qu’une filiation éternelle réelle et une filiation temporelle de raison. Les explications qu’il apporte longuement en faveur de son opinion lui ont conquis les suffrages de nombreux théologiens. Cf. Suarez, /// 111™, dist. XII, q. il.

La virginité perpétuelle.

De rester vierge, Marie avait, selon Duns Scot, fait le vœu absolu. Elle put toutefois, malgré ce vœu, contracter un vrai mariage avec saint Joseph, sans réticence aucune, parce que Dieu lui avait donné, par révélation, la certitude que ce mariage n’exigerait en fait rien de contraire au vœu. In IV Sent., I. IV, dist. XXX, q. ii, n. 4, 5. La maternité le respecta. Virginité et maternité ne sont pas contradictoires en soi : non opponuntur aliqua oppositions formali, nec ut privativa nec ut contraria. In IV Sent., 1. III, dist. IV, q. i, n. 15. La femme est mère, qui coopère à la production de son fils. Elle peut être vierge si la cause dont elle est l’auxiliaire est d’ordre surnaturel, car la virginité n’exclut que l’intervention d’une cause naturelle. Pour sauvegarder la virginité, l’enfantement exigeait un second miracle : Duns Scot accepte les explications communément reçues. Loc. cit.

Le docteur subtil ne touche qu’incidemment aux autres privilèges de Marie. Ses doctrines ne présentent aucune particularité caractéristique. A noter toutefois, suivant les principes, par lui acceptés, In IV Sent., 1. II, dist. XXIX, n. 4 ; dist. XXXII, n. 4 ; 1. III, dist. III, que le fomes peccati en Marie ne fut pas seulement lié, mais complètement supprimé.

vit. là SANCTIFICATION uns âmes. — La passion du Christ est, pour toute la postérité d’Adam, principe de