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DUNS SCOÏ

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dist. XX, n. 12. Et ilans l’ordre des possibles dont la connaissance a précédé le choix de Dieu, même avec les exigences d’une satisfaction rigoureuse, non requiritur necessario quod satisfaciens sit Deus. In IV Sent., 1. III, dist. XX, n. 8. Cette satisfaction, tout homme, si data fuisset cuilibet prima gratta sine meritis, aurait pu l’accomplir pour son compte personnel ; un ange l’aurait pu, un homme même l’aurait pu, pour le compte du genre humain, si cet homme fuisset sine peccato et Deus dedisset sibi summam gratiam. In IV Sent., 1. III, loc. cit., n. 9. Cette doctrine ne saurait être comprise sans une connaissance exacte de la pensée de Duns Scot sur les mérites du Christ.

2. Les mérites du Christ.

a) Nature et existence du mérite. — Par mérite, en général, il faut entendre une œuvre digne de récompense : meritum dicit formaliter ordineni alicujus operis laudabilis in merente ad acceptantem, quod acceptons acceptât et rétribuât ei pro quo acceplatur. Report., 1. III, dist. XVIII, n. 4. La racine du mérite se trouve dans un bono relie voluntatis, autrement in affectione justitiæ voluntatis, non auteni in affectione commodi. Loc. cil.

Voyageur sur cette terre et passible, le Christ a d’abord mérité dans tous les actes de la vie sensitive, accomplis sous la dépendance de la volonté et dans lesquels potuit libère velle aliquid cilra affeclionem commodi. Report., 1. III, loc. cit., n. G. Il a mérité encore par tous les actes de la partie inférieure de sa volonté, dans toutes ses actions humaines rapportées à leur fin. Loc. rit. A-t-il pu mériter dans la parlie supérieure, dans les actes de l’amour béatifique ? Le docteur subtil est moins tranchant sur ce point que les autres théologiens : il n’y voit pas de contradiction absolue, mais la raison qu’il invoque est toute extrinsèque, quoique d’une portée générale.

Dans le mérite, Duns Scot donne en effet une part prépondérante à l’acceptation divine : oninis acliis acceptatus a Deo, lamquam actus bonus et laudabilis, pro quo Deus veht aliquid retribuere illi eu jus actum acceptât est meritorius. In IV Sent., 1. III, loc. cit., n. 9.

Si l’on demande pourquoi les anges et les bienheureux ne méritent pas dans le ciel, alors que le Christ mérite sur la terre, il est permis de répondre que Dieu accepte les œuvres du Christ comme méritoires, parce qu’il reste malgré tout viator, non totahler extra statum merendi secundum totum suum objectum et qu’il suffit que la personne soit secundum quid extra simpliciter lerminum pour que ses actes, même d’ordre béatifique, soient acceptés ad meritum, n. 10. Toutefois, Duns Scot ajoute à deux reprises que cela est difficile à concevoir et conclut sans préciser davantage : eligatur via inagis grala. In IV Sent., I. III, dist. XVIII, n. 10.

La vie méritoire du Christ a commencé au premier instant de sa conception. Dés ce moment rien ne lui manquait : il possédait tout ce qui est requis : potentia perfecta, gralia, objectum prsesens per intelleclum, n. 11. Cette puissance parfaite n’est cependant qu’une volonté humaine, créée et finie ; donc limités et finis, ses actes d’amour et ses vouloirs, donc limités aussi et linis, du moins intrinsèquement, les mérites que le Christ acquiert. Duns Scot ne redoute pas cette conclusion : il la tient expressément. In IV Sent., 1. III ; Report., I. III, dist. XIX. Toute sa pensée est condensa’c dans cette assertion : dico quod meritum Cltristi fuit finitum, quia a principio finito essentialiter ilc/ieiidrns, ctiam accipiendo ipsum cum omnibus respectibus, sive cum respeclu ad suppositum Verbi, nve cum respeclu ad /inem, quia omnes respectus eranl finiti et ideo quomodocumque circumstan tionatum finitum eral. In IV Sent., 1. III, loc. cit., n. 7. Donc aucune infinité intrinsèque. Duns Scot reconnaît toutefois aux mérites du Christ une certaine valeur infinie extrinsèque. Il l’explique, après avoir rappelé’le principe fondamental déjà cité : un acte bon n’est méritoire qu’autant que la Trinité a pu et voulu l’accepter comme tel. Dieu a donc pu accepter, non seulement comme méritoire, mais comme ayant une valeur infinie, les actes méritoires du Christ, ex circumslanlia supposai et de congruo, ratione supposili. Loc. cit. L’union de la nature humaine au Verbe est donc la raison d’être de cette infinité extrinsèque. Supprimez-la ; en toute autre nature humaine, nec ratione operis, nec ratione operantis fuisset congruilas acceptationis illius pro infinilis. Loc. cit.

b) Objet des mérites du Christ. — a. Mérites salisfactoires. — Intrinsèquement et formellement finis, les mérites du Christ ont été suffisants néanmoins pour satisfaire aux exigences de la justice divine. Duns Scot en effet ne reconnaît pas au péché une malice intrinsèquement infinie ; il permet seulement de le dire infini par une dénomination extrinsèque : i/uia avertit a termina a quo infinito. L’injure faite à Dieu est donc compensée par l’infinité extrinsèque du mérite, fondée d’une part sur l’acceptation de Dieu et d’autre part sur la puissance de l’acte méritoire qui, de son coté, conjungit per gratiam et gloriam objecto infinito. In IV Sent., 1. III, dist. XIX, n. 13. Cette compensation a donc été faite suivant les exigences de la justice autant qu’elle est possible.

b. Méritas en général. — Les mérites du Christ ont « le la source de bienfaits sans nombre pour l’humanité. Le Christ lui-même a mérité la gloire et l’impassibilité de son propre corps. Suivant Duns Scot, il les a méritées indirectement, quia meruit desilionem miraculi prohibenlis redundantiam glorisc in portionem inferiorem et in corpus. In IV Sent., I. III, dist. XVIII, q. r, n. 15. Aux hommes il a mérité, ut causa lotalis, la grâce première sanctifiante ; ut causa principalis, la grâce de la pénitence que la volonté humaine mérite aussi de congruo, per aliquam contritioneni quam tamen meruit nobis passio de condigno. Report., 1. III, dist. XIX, n. 10. Enfin à tous les prédestinés, il mérite les biens de la gloire et de la vie éternelle. On ne doit pas dire néanmoins que les mérites du Christ prévus ah xterno soient la cause première de la prédestination des élus, car Deus voluit prius omnes etectos liabere gratiam et gloriam quam prsevideril eos casuros, et prius lapsuros quam præordinaret medicinam contra lapsum. La passion prévue du Sauveur n’a donc pu être que ratio r’emittendi ojfensam et conferendi gratiam reconcilianlem. In l V Sent., 1. III, loc. cil., n. 11.

Si grande que soit l’œuvre de la rédemption, il ne faut pas en faire le but principal de l’incarnation. Duns Scot aime à revenir à cette pensée capitale : Jncarnalio non fuit occasionaliter prserisu. In IV Seul.. 1. III, dist. XIX, n. 6. Le Christ, Dieu-homme, a été voulu, prédestiné indépendamment de la chute et de l.i rédemption. Loc. cit. Tous les dons de la grâce lui ont élé départis dans un degré supérieur, parce qu’il est la tête de tous ceux qui participent à la vie de la grâce, caput habenlium gratiam. In IV Sent., 1. III, dist. XIII, n. 7.

vi. MARIOLOG1E. — 1° La conception immacidêc. — Le nom île Duns Scot est glorieusement et indissolublement lié à l’histoire du dogme de la conception immaculée de -Marie. De tous les grands docteurs du moyen âge, il en a élé le seul défenseur. A l’université d’Oxford, avant lui, Guillaume Ware avait parle en faveur du privilège de la mère de Dieu. A l’université de Paris, il fut très probablement un initiateur. Les princes de la théologie scolastique, au nom de la science