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DUNS SCOT

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être saisies distinctement et actuellement par une intelligence créée. In IV Sent., 1. III, dist. XIV, q. III, n. 5.

b. Dans la volonté. — La volonté du Christ est aussi richement dotée que son intelligence : en elle se trouve la plénitude de la grâce. C’est le seul point que DunsScot étudie ex prof esso. In IV Sent., I. III ; Report., 1. III, dist. XIII. Sa doctrine tient en quelques propositions qui s’enchaînent. La grâce ou la sainteté du Christ ne saurait être infinie, mais, quoique limitée, elle est suprême. Rien ne répugne à ce que Dieu produise dans une âme un état de sainteté suprême, In IV Sent., 1. III, dist. XIII, n. 2-4 ; rien ne s’oppose â ce que l’âme du Christ en soit gratifiée, n. 5-7 ; qu’il en ait été ainsi de fait, il y a toute convenance de l’affirmer, n. 9. Semblable sainteté pourrait se rencontrer avec la même intensité dans une autre âme, sive assumptæ, sive non assumptee. De puissance absolue, Dieu pourrait faire semblable prodige, mais de puissance ordonnée, il ne le fera point et ne l’a point fait : quia secundum leges jam posilas a sapientia divina, non eril nisi unum caput in Ecclesia, a quo fît influentia gratiarum in menibris, n. 8.

Cette sainteté, formée de la grâce suprême, de toutes les vertus et de tous les dons surnaturels, était accompagnée de la fruitionou de l’amour béatifique. La grâce est la mesure de la gloire suivant les lois ordinaires de Dieu. Bien que Dieu puisse accorder, sans la grâce suprême, la gloire la plus grande, qniagratia respecta fruitionis liabet tantum rationem causas effteientis secundæ et qu’il puisse agir sans cet auxiliaire, In IV Sent., 1. III, dist. XIII, q. iv, n. 19, en réalité ce fut la grâce suprême qui attira dans l’âme du Christ le bonheur suprême, licet non sit volunlas ejus ita perfecte activa, sicut voluntas angeli, tamen ipsa, cuni summa gratia ut alia causa parliali activa, potest in perfectiorem fruitionem, quant voluntas angeli cuni minori gratia, quia excedentia gratise excedit in ea efficicnliam voluntatis angeli, n.18.

La conséquence immédiate de la fruition béatifique est l’impeccabilité du Christ. Cette vérité de foi, Duns Scot l’admet avec les théologiens catholiques, sans l’expliquer cependant comme ils le font. L’union hypostatique, entraînant la communication des idiomes, exige l’impeccabilité. In IV Sent., 1. III ; Report., 1. III, dist. XII, n. 2. Cette exigence est la raison finale de l’impeccabilité, mais non la cause intrinsèque d’où elle dépend. Cette cause le docteur subtil ne peut la voir dans le seul fait de l’union hypostatique : dico quod ex vi lutiunis non redditur ista natura impeccabilis, Report., 1. III, loc. cit., n. 3, si ce n’est d’une certaine manière, nisi de congruo. Dans la recherche de la raison formelle de l’impeccabilité, Duns Scot procède par élimination, dico quod causa impeccabilitatis in Christo neque est unio ad Verbum, neque gloria, neque gratia, qniagratia non opponitur peccato formaliter sed virtualiter. Report., 1. III, loc. cit., n. 8. A ces théories qu’il repousse, il préfère celle-ci. La vraie cause de l’impeccabilité fut la plenissima fruitio quani liabuit Christus et qu’il eut dès le premier instant de l’union hypostatique. In IV Sent. ; Report., loc. cit. Il n’y a cependant pas de répugnance absolument parlant, en soi, à ce que l’union hypostatique ne soit pas accompagnée de fruition. In I V Sent., 1. III, dist. II, q. i. Dans cette hypothèse, Dieu rendrait la volonté impeccable, si cette impeccabilité était exigée, par d’autres moyens que la fruition.

c) Imperfections conservées. — Avec ces perfections merveilleuses, existent dans le Christ quelques-unes des faiblesses naturelles à l’homme. Les plus remarquables sont la douleur et la tristesse. Comme la réalité de ces deux passions en Jésus-Christ est hors de doute, il ne reste qu’à en préciser le siège et l’objet.

Duns Scot le fait longuement. In IV Sent., 1. III ; Report., 1. III, dist. XV.

La douleur est d’ordre sensitif, c’est donc dans l’appétit sensitif qu’elle a son siège propre, et dans le Christ, elle fut très vive, quia melius disponebatur suum corpus. Report., 1. III, loc. cit., n. 3 ; In IV Seul., 1. III, ibid., n. 18. Elle avait un contre-coup dans l’appétit rationnel, propter inclinalionem voluntatis naturalem ad salulem personse et propter colligantiani intellectus et voluntatis cuni appetitu sensilivo dolente, n. 19. Si vive qu’elle fùl, la douleur sensible ne put jamais priver le Christ de l’usage de la raison, quia summe fruebalur… aut miraculose eral prseservata. Loc. cit. Cet écho de la douleur sensible dans la partie raisonnable s’appelle la tristesse, sentiment qui toujours suppose la présence d’une chose à l’égard de laquelle la volonté produit un acte de nolition, de déplaisir. Avec saint Augustin, Duns Scot distingue, dans la volonté, la partie supérieure et la partie inférieure. Aucune tristesse dans la première, prout respicil eeterna : à ce point de vue niliil invenimus disconveniens voluntuti aut ralioni ; mais la tristesse devient possible dans une circonstance, referendo temporalia ad seterna. L’objet de cette tristesse, ce furent les péchés des hommes, passés, présents et futurs, connus dans le Verbe, In IV Sent., 1. III, loc. cit., n. 21 ; Report., ibid., n. 5 ; ce furent aussi les souffrances de la passion, car si la tristesse suppose une nolition, il suffit d’une nolition secundum quid dont l’objet est ensuite volontairement sacrifié pour un bien meilleur : Christus voluit simpliciter suam passionem propter vuhnitatem Dei implendam, … sed noluit conditione distrahente si potuit aliter fieri xijue bene. Report., 1. III, loc. cil., n. 7. La partie inférieure qux respicit temporalia est de même le siège de la tristesse. Elle y est produite par la présence de la douleur dans la partie sensible. Intellectus intuitive dolorem illum apprehendit et voluntati os tendit : illa volunlas condoluit, (/nia naturaliler inelinabatur ad opposition, qum inclinatio sufficit ad Iristiliam de opposito lu IV Sent., 1. III, loc. cit., n. 19. Il est possible, probable même que ce sentiment de tristesse ne demande pas un acte positif de nolition, n. 16, 17, 22.

Comme l’âme, le corps du Christ garde aussi quelques faiblesses : il est sujel à la dissolution et à la mort. Pour expliquer ces faiblesses dans le Christ dont l’âme est béatifiée, un miracle est nécessaire : si ad plenitudinem glorix animée non sequebatur plenitudo glorim corporis, hoc fuit per miraculwnx subtrahens gloriam corporis. Report., 1. III, dist. XVI, n. 3. Ce miracle existant, le corps du Christ a pu s’altérer et mourir.

Toutes ces faiblesses, d’origine miraculeuse, étaient ordonnées à la rédemption des hommes.

Rédemption.

La rédemption est la réparation de l’œuvre du péché. Il y a dans l’œuvre du péché deux éléments distincts : l’injustice envers Dieu et la dette de rame : carentia justilise débita ; , In IV Setit., 1. II, dist. XXXII, n. 7, et les conséquences qu’il entraîne, perte de la grâce, de la gloire, et faiblesses morales. Le Christ a réparé l’offense en satisfaisant à notre place et nous a mérité les biens surnaturels.

1. La satisfaction.

Aucune raison ne peut démontrer la nécessité absolue de la rédemption de l’homme. Duns Scot trouve même très faibles les raisons de convenance communément invoquées. In IV Sent., 1. III, dist. XX, n. 1, 2, 7. La rédemption et surtout la rédemption par le Christ n’a d’autre nécessité que celle qui provient d’un décret très libre de Dieu : quae facta sunt a Christo circa. redemptionem nostram non fuerunt necessaria, nisi prwsupposita ordinatione divina qux. sic ordinavit facere. Report., 1. III,