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DUNS SCOT

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liens ou les moments logiques des vouloirs divins, primo Deus diligil se ; secundo cliligit se aliis, et isle est amor caslus. Ici dans les agencements possibles, une élection particulière, tertio vult se diligi ab alio, gui potest eum summe diligere, loquendo de amure alicujus e.rtrpiseci. Et ce choisi, parce qu’il doit aimer souverainement, sera une nature créée, l’homme, hypostasée dans la personne du Verbe, et quarto prævidit unionem illius natures, (/use débet eum summe diligere, elsi nullus cecidisset. Report., 1. III, dist. VII, n. 5. Ainsi la prévision de la chute n’est pour rien dans la volonté de Dieu qui veut le Christ, Dieu-homme, et prédestine une nature humaine singulière à l’union hypostatique. Cette prédestination est indépendante de la prédestination des autres créatures et cet ordre dans la prédestination est ce qui importe ici. Le Christ n’est donc point entré dans le système du monde naturel et surnaturel, auquel s’arrêta le choix du créateur, par occasion, c’est-à-dire à raison d’autre chose, quasi fortuitement et après coup. Le docteur subtil ne peut se figurer que le summum opus Dei csset occasionatum tantum. Report., 1.111, ibid.

Mais les autorités des Pères semblent assigner la réparation du péché d’Adam comme l’unique but de l’incarnation. Duns Scot répond par la distinction de la volition du Christ incarné simplement et du Christ médiateur et rédempteur. In quinto instanti vidit mediatorem venientem passurum et redempturum populum suum. Report., 1. III, ibid. C’est là une fin secondaire, occasionnelle et surajoutée aux premières déterminations divines, par la prévision de la défaillance du genre humain : non venisset ut medialor, ut passurus, ut redempturus, nisi aliquis prias peccasset. Loc. cit. Duns Scot n’enseigne point, comme on le lui fait dire trop facilement, que Dieu a retouché en quelque manière son plan primitif, en y ajoutant un décret nouveau. Il ne cherche pas non plus à résoudre directement la question : An Verbuni incarnatus fuisset, si homo non peccasset 1 ! entendue dans un sens général : Dieu aurait-il voulu l’incarnation du Verbe dans une conception de notre monde, d’où le péché du premier homme aurait été banni ? Il se maintient dans l’ordre des réalités voulues par Dieu et prouve que, là, le motif de l’incarnation du Verbe n’est et ne saurait être le péché d’Adam. Cf. P. Déodat de Basly, Pourquoi Jésus-Christ ? part. IIIe.

2. Le Christ, terme total de l’union hypostatique. — L’union hypostatique nous a donné le Christ, Dieu et homme. De la nature divine, il n’y a rien à dire ici, qui ne soit connu. Il reste à parler de la nature humaine, hypostasée dans le Verbe, de ses perfections naturelles et surnaturelles, et des faiblesses qu’elle a miraculeusement gardées.

a) Perfections naturelles. — Duns Scot reconnaît avec tous les théologiens que la nature humaine du Christ est absolument parfaite : corpus fuit optime complexionatum, sicut anima illius corPoris erat perfectissima. In IV Sent., I. III, dist. XV, n. 18. Ce sont surtout les perfections de l’âme qui importent, et elles se groupent autour des deux facultés maîtresses, la volonté et l’intelligence, car oporlel potière in Christo ulramque potentiam optime dispositam. In IV Sent., 1. III, dist. XVII, n. 2. En soi, ces deux facultés sont cependant moins parfaites que dans l’ange ; il est en effet impossible que l’Ame du Christ soit œque nobilisaut nobilior que la nature angélique qui par son absolue spiritualité se rapproche davantage de Dieu. lu IV Sent., 1. III, dist. XIII, n. 10. Si, par nature, la volonté et l’intelligence du Christ sont inférieures à la volonté et à l’intelligence de l’ange, elles ne sont pas d’espèce différente au point de vue de leurs opérations : intelligere angeli et hominis et vellc, et voluntas et intelleclus sunt ejusdem speciei. Report.,

1. III, dist. XIV, q. ii n. 25. Il est donc possible que par des dons infus, la volonté et l’intelligence du Christ atteignent une perfection d’opération qui surpasse celle de l’ange. C’est ce qui s’est réalisé.

b) Perfections surnaturelles. — a. Dans l’intelligence. — La science du Christ surpasse toute autre science créée. Dieu pourrait sans doute produire un chef-d’œuvre de science aussi parfait que celui dont il réalisa l’idéal dans le Christ, mais il semble avoir donné à son Fils incarné tout ce que la nature intelligente est capable de recevoir. Report., 1. III, dist. XIV, q. ii n. 3. Les raisons de ce privilège ne sont pas absolument rigoureuses : Duns Scot appliquesimplement en cette matière le principe de convenance qu’il apporte explicitement ailleurs : quod Deus tantam gratiam ei conluleril quantum poluit, potuit autem conferre summam gratiam creabilem. Et pour s’excuser, s’il en était besoin, il ne craint pas d’ajouter : In commendanilo Cliristum, malo excedere quam deficere a lande sibi débita. In IV Sent., I. III, dist. XIII, q. iv, n. 9.

a. Science de vision. — L’intelligence du Christ est d’abord illuminée des clartés de la vision de Dieu. Cette vue intuitive paraît être immédiate, rien ne nécessitant un habitus intermédiaire comme le lumen glorise. In IV Sent., 1. III, dist. XIV, q. ii, n. 3-5 ; Report., ibid., n. 3-8. Cetacte de vision atteint l’infini, mais non comprchensive quia nunquam est comprehensio objerti a pntenlia, nisi quando tanta est intelleclivilas potentixintelligenlis, quanta est intelligibililas objecti intellect). Report., 1. III, dist. XIV, q. ii n. 14. Le docteur subtil ne craint pas d’enseigner que l’objet de la connaissance béatifique du Christ a la même extension que l’objet de la connaissance du Verbe : en conséquence l’intelligence humaine du Christconnaitle monde infini des possibles. In IV Sent. r 1. III, loc. cit., n. 9-12. N’y a-t-il point là une grave difficulté : la science du Christ, relativement au monde infini des possibles, ne répugne-t-elle point, actualiler, in aclu secundo ? Duns Scot étudie les difficultés réelles de ce problème et s’arrête à une solution qui écarte les écueils. Potest dici quod videt omnia habilualiter, non tanien actualiter. In IV Sent., 1. III, loc. cit., n. 20. Dans l’acte de vision, bien que en réalité relurent omnia quæ lacent in Verbo, l’intellect créé du Christ ne peut toutefois embrasser parfaitement tous les objets particuliers simultanément, attentio circa plurima objecta est minus perfecta et ideoridetur tjuod impossibile sil potentiam finitam perfecta attentione videre infinita simul. In IV Sent., 1. III, dist. XIV, ([. ii, n. 20 ; Report., ibid., n. 21.

[i. Science infuse et acquise. — D’après Duns Scot r le domaine de la science infuse semble se borner aux quiddités essentielles. Habuit isla anima per infusionem notitiam quidditalum per species sibi concreatas. Report., 1. III, dist. XIV, q. iii, n. 5. Il est assez probable qu’aucune connaissance du singulier n’est parvenue par cette voie jusqu’à l’intelligence du Christ, n.7, à moins que ce ne soit exceptionnellement. Ibid. ; In IV Sent., 1. III, n. 5. Donc aucune vérité contingente, aucune existence réelle ne lui est connue par la science infuse. In IV Sent., 1. III, loc. cit., n. (5. Ce champ des existences et des vérités contingentes est réservé à la science acquise ou d’expérience. La science acquise dans le Christ est évidemment limitée : anima Chris ti non habuit notitiam acquisitam omnium in génère proprio. Report., 1. III, dist. XIV, q. iii, n. 2. Dans cette science que Duns Scot appelle intuitive par opposition à la connaissance des essences, dite abstractive, le progrès n’était pas seulement apparent, mais réel. Report., 1. III, loc. cit., n. 11. Il y avait progrès encore, dans la connaissance actuelle des vérités infuses, trop vastes et profondes pour