Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/309

Cette page n’a pas encore été corrigée

1885

DUNS SCOT

1 886

nalura, quant informel, alioquin possel separala a crealura conservari ; 3° Forma malcrialis non potest creare, quia sicut dependet a materia in qua sit, ila etab eadem in quam agat. Scoliunt. In IV Sent., 1. IV, dist. I, q. i, n. 28.

De la création résultent deux relations, l’une entre la créature et son auteur, l’autre entre la créature et le néant. Celle-ci est un être de raison, celle-là est réelle. Cependant elle ne se distingue pas réellement de la nature créée, elle ne lui advient pas à la manière d’un accident, réellement distinct. Duns Scot n’y trouve donc qu’une distinction formelle : la dépendance delà créature n’étant qu’un de ses modes essentiels intrin- sèques. In IV Sent., 1. I, dist. I, q. iv, n. 21-25.

Cette dépendance foncière de la créature exige encore le concours conservateur de Dieu. L’acte conservateur n’est néanmoins qu’un aspect de la dépendance et l’on peut dire qu’il n’y a qu’une relation réelle de la créa- ture à Dieu, sous la double formalité du créateur et du conservateur. Quodl., q. xu.

L’acte créattur, éternel en Dieu, a son effet dans le temps. Cette vérité- que la foi enseigne est-elle démon- trable par les seules lumières de la raison ? Le docteur subtil ne prend point position dans cette controverse : il apporte seulement, sans indiquer ses préférences, et en les critiquant, les raisons invoquées par les deux opinions opposées. In IV Sent., 1. II. dist. I, q. m.

Les œuvres de la création forment trois groupes distincts : les anges, le monde sensible et l’homme. Les traits nombreux qui caractérisent la doctrine de Duns Scot sur les anges ayant déjà été exposés plus haut, voir Angélologie, t. i, col. 1228-1218 ; DÉMON, t. îv, col. 397, il serait superllu de les reproduire ici. Une étude du monde sensible ne rentre point dans le cadre de ce travail : il ne reste donc plus à parler que de l’homme, envisagé au seul pointde vue de la théologie.

2° La création de l’homme. — 1. Le premier /tomme et l’état d’innocence. — Le premier homme a reçu directement de Dieu et son corps et son âme. Le Tout- Puissant a formé le corps du limon de la terre, mais il a créé l’âme. L’âme n’est donc ni une émanation de Dieu, ni une forme educta e potentiel materiez. In IV Sent., 1. II, dist. XVII, q. i, n. "2. Dieu l’a créée au moment même où il l’unit au corps d’Adam. Duns Scot réfute à ce sujet la théorie origéniste de la préexistence des âmes. Loc. cit., n. 4. La raison cependant ne lui semble pas fournir des arguments bien rigoureux en cette matière et, surtout si l’on admet l’immortalité’ comme rigoureusement prouvée par les arguments rationnels, la possibilité de la création de l’âme anle conjunclionetn n’est nullement contradictoire. Loc. cit., n.3.

L’âme créée par Dieu ne porte pas seulement les ves- tiges de la Trinité comme toute créature, In IV Sent., 1. I, dist. 111, q. v, mais elle en est réellement l’image, q. ix. Comment ? Non seulement parce qu’elle possède les facultés d’intelligence et de volonté, mais encore parce que l’âme du premier homme, ayant, dès le pre- mier instant de son existence, des connaissances natu- relles et surnaturelles, memoriam fœctmdam, produit à cet instant même d’abord l’intellection actuelle, puis la volition, l’acte d’amour de Dieu. Ces trois réalités sont distinctes, comme en Dieu sont distinctes les trois relations qui constituent le Père, le Fils et l’Esprit- Saint. Accipiendo hsec tria — memoriam, intelligen- tiam et voluntatem — ex parte animas, nt aunt sub tribus actibus istis, in istis inqttam tribus, est consub- stanlialitas, ratione illarum trium rcalilatunt, quee suntex partcanimœ, sed est distinctio et origo ratione istarum actualitatum reerptarum in anima. In IV Sent., 1. I, dist. III, q. ix.

Adam fut créé dans l’état d’innocence ou de justice originelle. Duns Scot explique ainsi cet état. La justice

originelle ne peut être identifiée avec la rectitude na- turelle, grâce à laquelle la volonté ordonnerait, comme il convient, l’usage des actions extérieures et son action propre. In IV Sent., I. II, dist. XXIX, n. 2. Il faut la regarder comme un don surnaturel, n. i. L’effet essen- tiel de ce don consistait en une perfecta tranquillitate in anima quantum ad omnes potentias, ila quod na- tura inferior non inclinaretur contra judicittm supe- rioris, aut si inclinaretur in quantum est ce se, pos- set tamen a superiori regulari et ordinari, sine diffi- cultate superioris et sine tristitia inferioris. Loc. cit. Envisagée sous cet angle, la justice originelle n’est point constituée par un seul habitus, une sorte de cha- rité sui generis qui rectifie la volonté, mais par un ensemble de dons particuliers qui résident dans la volonté et les autres facultés : dans la volonté, ut pos- sit se retrahere deleclabiliter ab omni deleetatione iuordiuata, dans l’appétit inférieur, ut deleclabiliter moveretur a voluntate,n. 5. Ces habitus ne semblent pas devoir être confondus avec les vertus infuses et ne peuvent être identifiés avec la grâce habituelle. Le don de la justice originelle n’est pas en effet un principe de mérite : se liabet ad grattant (/use est principiutn merili, sicut excédais adexcessum. Il ajoute â la grâce des puissances nouvelles pour demeurer stable dans la voie du bien ; mais il s’unit a la grâce habituelle pour constituer l’état complet de la justice première d’Adam. On a souvent compté Duns Scot parmi les partisans de la thèse, sans faveur aujourd’hui, de saint Donaventure. d’après laquelle Adam aurait été créé sans la grâce et l’aurait reçue dans la suite. Aucun texte ne semble autoriser ce jugement. Il admet suis doute la possibilité’ de la disjonction de la grâce et de la justice originelle : eranl dona ordiuala ita quod jttstitia originulis potuit esse sine gratta, In IV Sent., I. I, dist. XXXII, n. 19, mais il n’établit pas qu’il en a été ainsi réellement.

Dans l’état d’innocence, le corps avait aussi ses pri- vilèges. L’immortalité en est le plus marquant. Duns Scot en affirme la réalité, mais ne l’explique pas, comme saint Thomas, par l’effet intrinsèque de la justice ori- ginelle qui aurait préservé la chair de toute corrup- tion. Ad.iin gardait en lui potentiam ail mort, mais, par une intervention spéciale de la providence, cette puissance n’aurait jamais passé à l’acte. Avant que les causes intrinsèques de corruption eussent fait leur œuvre naturelle, les hommes auraient été transportés au ciel, non par miracle, mais par une disposition ré- gulière de la volonté divine. Par ailleurs, l’homme n’aurait eu rien â craindre des causes extrinsèques : les animaux lui eussent été bienveillants, les autres hommes sans malice et les mauvais anges sans pou- voir nuisible. lu IV Sent., 1. II, dist. XIX.

Ces privilèges de l’état d’innocence seraient devenus le partage de l’humanité, si Adam avait été confirmé dans la justice originelle, après une première victoire sur le démon. En naissant, ses lils auraient reçu ces dons précieux, nonper patrem aut per mérita palris, mais de la seule libéralité divine. In IV Sent., 1. II, dist. XX, q. i. L’épreuve se serait renouvelée pour cha- cun des descendants d’Adam : personne n’eût été con- firmé dans la justice originelle sans être victorieux d’une première tentation. Mais Adam pécha.

2. Le péché personnel d’Adam. — Ce fut, selon Duns Scot, non un péché d’orgueil, comme celui des anges, mais un péché de complaisance à l’égard de son épouse ’ : primum peccatttm fuit immoderattts amor anticitise uxoris. lu IV Setit., I. II, dist. XXI, q. n, n. 2. A noter le caractère particulier de cet amour : amor amicilix, et non point l’amour de concupiscence qui n’existait pas encore. De ce péché, un autre péché plus grave découlait : la désobéissance à l’ordre de Dieu : volunlas explendi illud quod non licuit. Loc. cit.