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1883

DUNS SCOT

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le Père et le Verbe ne peuvent pas ne pas aimer. Report., 1. I, dist. X. q. m ; Quodl., q. xvi.

Cette doctrine distingue donc avec beaucoup de soin les différents stades du développement de la vie divine, d’après les exigences de la logique. Elle met en relief le caractère formel des productions éternelles sans les expliquer uniquement par l’opposition des relations. Elle souligne particulièrement la dill’érencc qu’il faut établir d’une part entre les émanations vitales : actes de connaissance et d’amour, et d’autre pari cuire les actes féconds : la diction productrice du Verbe et la spiration productrice de l’Esprit-Saint. Elle rend compte enfin de la thèse soutenue par le docteur subtil que l’Esprit-Saint se distinguerait du Verbe, alors même qu’il n’en procéderait pas. In IV Sent., 1. I, et Report-, 1. I, dist. XI, q. II.

Les personnes divines.

Sans s’éloigner jamais beaucoup de l’opinion commune, Duns Scot marque de traits, qui lui sont propres, la théologie des personnes divines. A la définition de Boèce, agréée par saint Thomas et saint Bonaventure, il préfère celle de Richard de Saint-Victor : persona est intcllertualis naticrse incommunicabilis existe » lia. lui V Sent., . I, dist. XXIII, n. 4. Est-ce à dire que l’incommunicabilité constitue, seule et par elle-même, la note caractéristique de la personne ? Duns Scot semble parfois l’affirmer, loc. cit., mais ailleurs il donne un tour différent à sa pensée. Persona divina non tant uni habet negationem communicationis actualis et aptitudinalis, sed eliam habet repvgnantiam ad comnuinicationeni et ut quod et ut quo, et repugnanlia lalis non potest esse nisi per cnlilatem positivam. In IV Sent., I. III, dist. I, q. i, n. 10. Cf. 1. I, dist. XXIII, n. 4 ; Quodl., q. xix, n. 19.

De là, des nuances encore entre sa doctrine et celle du docteur angélique. De soi, la notion de personne, signifiant principalement l’incommunicabilité, ne représente nec substantium nec rclalionem, et de ce f a i t elle est commune au Père, au Fils et à l’Esprit-Saint, dont elle indique une raison formelle commune, objective et univoque. In IV Sent., 1. I, dist. XXIII, n.2 ; dist. XXV, n. 2. Dans l’ordre concret, les personnes divines sontelles constituées et distinguées par des relations on des propriétés absolues ? Avec saint Thomas, Duns Scot répond : par des relations. In IV Sent., I. I, dist. XXVI ; Report., 1. I, dist. II, q. vu ; dist. V, q. n ; Quodl, q. iv, n. i ; q. xix, n. 5. Moins exclusif cependant que le docteur angélique, il ne regarde l’autre opinion ni comme improbable, ni comme contraire aux enseignements de la foi. In IV Sent., 1. I, dist. XXVI, n. 23-40.

Ce principe constitutif et distinctif des personnes est applicable même au Père. L’innascibililé est une notion de la première personne, mais ne la constitue point. In IV Sent., I. I, dist. XXVIII, q. n. Pour expliquer comment la personne du Père est constituée par la relation de paternité sans être déjà présupposée dans l’acte nolionnel, principe de la relation, saint Thomas, Sum. theol., I a, q. XL, a. i, fait appel à d’habiles distinctions. Duns Scot les juge inutiles et illogique-. In IV Sent., 1. I, dist. XXVIII, q. ni, n. 2-7. Il répond simplement : Prima persona constituitur retatione positiva ad srcundam pertonam. Loc. cit. L’acte de diction constitue donc originative les deux modes incommunicables du l’ère et du Fils.

Bien que la spiration active soit une relation réelle, il n’en résulte pas une quatrième personne : elle ne s’oppose en effet nullement à la paternité et à la filiation. Toutefois pour mieux marquer la réalité de celle relation, Duns Scot la distingue formellement et de la paternité et de la filiation. Quodl., q. v, a. 2.

On le voit par cet exposé, la distinction formelle joue un rôle important dans la théologie scolisle. Le docteur

subtil lui trouve place entre l’essence divine et les perfections intrinsèques et les attributs ; entre les actes primordiaux d’intelligence et d’amour et les actes féconds de diction et de spiration ; conséquemment entre l’essence et les relations, entre les relations ellesmêmes et les personnes. Cf. In IV Sent., 1. I, dist. II, q. vu ; dist. VIII, q. iv ; dist. XIII, q. i, n.7 ; dist. XXI, q. i, i ! . i : dist. XXVI, q. i, n.8.En toutes ces circonstances, il y a identité réelle, mais non identité formelle. A ceuxqui seraient tentés de ne voir dans la distinction formelle qu’un pur cliquetis de mots, une application explicite du principe de cette distinction au mystère de la sainte Trinité ne sera pas inutile. ; < En dehors du travail de l’esprit connaissant, objectivement a parte rci, il existe des réalités qui s’identilient l’une avec l’autre véritablement, mais non totalement. La personne du Père s’identifie vraiment avec l’Etre divin, parce que le Père est vraiment l’Être divin. Et pourtant l’identification n’est pas totale, parce que le Père engendre le Verbe ; or, l’Être divin n’engendre pas le Verbe. De plus, le Verbe est vraiment Dieu et s’identifie donc avec l’essence divine. Or, le Verbe a une origine en Dieu et l’essence divine n’a pas d’origine. Enlin l’intellect divin est aussi de l’essence de Dieu et la volonté divine est de l’essence de Dieu ; donc l’intellect de Dieu et la volonté s’identifient vraiment ; pas totalement néanmoins, car le Verbe procède de l’intellect, non de la volonté, et le Saint-Esprit au contraire procède de la volonté’et non de l’intellect divin. La distinction entre des réalités qui s’identifient vraiment, mais incomplètement, n’est pas une distinction réelle, les réellement distincts ne s’identifient point. Elle n’est pas une distinction virtuelle, parce que les virtuellement distincts s’identifient complètement a parle rei. A cette distinction très spéciale, Duns Scot donne le nom de formelle. » P. Déodat de Basly, Pourquoi Jésus-Christ ? 1903, p. 190-191, note 23.

TV. la CRÉATION. — 1° Le concept de création. — Dieu, qui est fécond ad intra, l’est aussi ad extra. Cette fécondité’appartient en commun aux trois personnes divines. A quel titre et comment ? Duns Scot, à l’encontre de Henri de Gand, dont saint Thomas semble se rapprocher, Sum. t/ieoL, I a, q. xlv, a. 6, n’admet pas que la personne du Verbe et celle de l’EspritSaint soient les rationes formates proxime creandi vel aliquo modo com/deant causalitalem Patris, nam eadeni causait las et seque perfecla est in Pâtre sicut m tribus. Jn IV Sent., I. II, dist. I, <. i. n. 19. C’est en effet par ses perfections essentielles d’intelligence et de volonté, communes aux trois personnes et formellement distinctes de la diction et de la spiration, que Dieu agit dans la production ad extra. Aussi ce m de production serait-il encore possible dans l’hypothèse où il n’y aurait pas de production ad iutra. Loc. cit.. n. 20-23.

L’activité divine ad extra se manifeste par l’acte créateur. Il n’y a aucune répugnance à ce que Dieu produise un être ex nihilo essenlise et existentim. l’n seul mode d’être précède l’apparition de l’être créé ; c’est l’esse intelligibile ou l’idée que le créateur a de son ouvre, mais cet esse est d’ordre purement conceptuel. In 1 V Sent., 1. II, dist. I, q. n.

Celte puissance créatrice est si grande qu’elle ne saurait physiquement appartenir qu’à Dieu seul. Au double point de vue de la causalité principale et de la causalité instrumentale, l’être fini ne peut intervenir dans l’acte créateur. Duns Scot l’enseigne pour des raisons un peu différentes de celles qu’on apporte ordinairement et que Wadding résume ainsi : 1° Spiritus creatus non potest principaliter creare substanliam, quia non potest produccre nisi per intellectionem et uolitionem i/uæ sunt accidentia ; 2° Forma materialis nonest creabilis a créditera, quia non potest esse prius