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1881

DUNS SCOT

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liberté de contradiction. L’accord mystérieux de l’efficacité de la volonté divine et du libre arbitre de la créature s’explique, d’après le docteur subtil, par le concours physique concomitant dans le temps, et le décret efficace de futurition concomitant à la science infinie des possibles et de leurs relations dans l’éternité, dist. XXXVII, q. ii, n.14.

Tout en exaltant la volonté de Dieu, Duns Scot semble néanmoins en limiter la puissance. Ce n’est pas qu’il enseigne qu’elle soit finie : il dit fort clairement qu’elle n’a point de bornes. In IV Sent., . I, dist. II, q. il ; dist. XLII ; Quodl., q. vu ; De primo principio, c. iv. Elle n’est limitée par aucun agent positif, par aucune matière. L’incompossibilité de certains éléments contradictoires, fort bien expliquée, In IV Sent., 1. I, et Report., loc. cit., étant un être de raison ne saurait créer d’objection sérieuse. Dieu aurait pu faire autrement qu’il n’a fait, In IV Sent., 1. I, dist. VII, XXXVIII, XXXIX, XLIV, et mieux qu’il n’a fait, dist. XLIV. Duns Scot reconnaît toutcela, mais il croit en même temps que la raison est incapable de démontrer que Dieu ne soit pas obligé d’employer en certaines circonstances le concours des causes secondes, dist. XLII. Restreinte à la production des accidents modaux et aux relations, la réserve de Duns Scot parait exacte. Et il ne semble pas qu’elle ait, dans sa pensée, une portée beaucoup plus grande.

La puissance de Dieu est en harmonie avec sa sainteté, l’eut-il vouloir le mal moral et y coopérer ? Non, cela est impossible ; en aucune manière il ne prédétermine l’acte peccamineux. In IV Sent., I. II, dist. XXXVII, q. ii, n. 17. Il le permet. Cette permission, le docteur subtil semble la faire consister — il hésite pourtant entre deux solutions — dans une nolition pure, ou la négation d’une volition qui ferait obstacle au désordre moral, liuic [pcrmissioni] non corresponde ! aliquid in ipsa voluntate divina, nisi non-velle prohibere illud, sive non-nolle, quod est negalio actus divini positivi. In IV Sent., 1. I, dist. XLV1I, n. 2, 3. Ensuite par un acte positif, Dieu approuverait ce non-velle et ainsi se formerait sa science certaine des réprouvés et des sauvés, des pécheurs et des justes : potest tune secundo se re/lectere super istam negalionem actus et velleeam. lbid. Quant à l’acte physique du pécheur qui viole la loi morah, il n’est pas douteux que Dieu y coopère : sa toute-puissance y est intéressée, autant que sa prescience. Report., . I, dist. XXXVII, q. I.

Dans la question obsédante de la prédestination, Duns Scot pense généralement comme saint Thomas, avec des nuances toutefois. Ainsi la prédestination, qui est, d’après le docteur angélique, un acte impératif de L’intelligence, consiste, suivant le docteur subtil, dans un acte de volonté. In IV Sent., 1. I, dist. XL, n. 2. S’il admet que la prédestination à la grâce et à la gloire n’a point d’autre motif déterminant que le bon vouloir de Dieu, In IV Sent., 1. I, et Report., 1. I, dist. XLI, il enseigne que, dans la réprobation, il y a une prévision du péché final, qui, sans être une cause, un motiw.ni, au sens strict du mot, occasionne cependant l’arrêt de juste damnation. In IV Sent., loc. cit., n. 11. Cette diversité s’explique. Réprouver ne se peut concevoir que comme un acte de justice et cela suppose la prévision du crime. La prédestination au contraire, encore qu’elle puisse s’expliquer aussi par la juslice, trouve sa raison suffisante et première dans la bonté de Dieu, Deum prsedeslinare sine ratione congruit bonitati suse, sed ipsum velle damnare non videtur sibi immédiate posse atlribui respectu objecti ut cogniti in suis puris naturalibus, sed lantum respectu objecti ut cogniti in peccato mortali [malt. lbid.

m. la TRisiTÉ. — Dans l’étude de la trinité, Duns Scot s’est surtout donné la miisson de rechercher les

arguments les plus rigoureux que le sujet puisse permettre. Il scrute avec tant de soin la question de la possibilité des divines productions qu’on s’imaginerait sans peine qu’il en démontre le fait par des arguments de raison. In IV Sent., 1. I, dist. II, q. iiv n. 3-12. Il n’a cependant pas cette témérité, car il enseigne expressément, Quodl., q. xiv, que la connaissance du mystère d’un Dieu en trois personnes ne saurait être le fruit ni d’une démonstration quia, ni d’une démonstration propter quid. Ce souci de la preuve rigoureuse, on le trouve dans le double problème des productions divines et des personnes produites.

Les divines productions.

Il y a en Dieu trois personnes et il n’y en a que trois. Pour mettre en évidence cette vérité, le docteur subtil en appelle, non à la nature différente des actes d’intelligence et de volonté, mais à l’opposition que présentent entre eux les modes de production, via naturse et via voluntatis, entre lesquels il n’y a point de milieu, car ou bien l’agent est déterminé à agir, ou bien il se détermine de luimême : dans le premier cas, son action est produite per modum naturse, dans le second, per modum voluntatis. L’intellection est déterminée par l’objet connu, mais la volition dépend de cette liberté essentielle, ou de domaine, qui selon Duns Scot peut s’allier avec la simple nécessité : tantion sunt ibi duse prodnetiones distinctes secundum rationes formules productionum qma sunt lantum duo principia productives, habentur formates rationes producendi distinctas….Principia producliva quæ sunt natura et voluntas fiabent oppositos modos principiandi, quia alterum inclina tur ex se ad agendum naturaliter, alterum libère et in potestate sua kaliet producere. In IV Sent., I. I, dist. II, q. iiv n. 18-33. Puis afin d’écarter la supposition d’une production multiple dans l’un et l’autre mode, il apporte une longue argumentation qui se termine et se résume ainsi : In eo quodnon potest abalia determinari, est imitas vel infinitas ; cum ergo non sunt infinité productiones ejusdem rationis, est lantum una. Report., 1. I, dist. ii, q. vu. Cf. Quodl., q. n.

Duns Scot n’attribue pas la génération du Verbe à l’acte de simple connaissance, ou intellection, par lequel Dieu connaît son essence, In IV Sent., 1. I, dist. II, q. iiv n. 15. ni à cette même intellection, liront connotal relationem paternitatis, ibid., dist. VII. n. 2-16, mais à un acte spécial logiquement postérieur et formellement distinct du premier. Il l’appelle : diclio ; cet acte est produit par la memoria fœcunda, c’est-àdire par l’intelligence en possession de son objet essentiel et il est lui-même le fondement de la relation de paternité. Loc. cit., n. 16 sq. Huant à la connaissance d’où procède la diction, Duns Scot la restreint à la connaissance de l’essence et des attributs divins et aussi très probablement des personnes divines. In IV Sent., 1. I, dist. X ; Report., I. I, dist. VI, q. H. Le Verbe ne procède donc point de la connaissance des possibles. Quodh, q. xiv, n. 14-16 ; In IV Sent., 1. II, dist. I, q. I.

La procession de l’Esprit-Saint est exposée de la même manière. Le docteur subtil distingue en Dieu deux actes d’amour. Le premier suit la connaissance essentielle que Dieu a de lui-même, de ses attributs et des autres personnes : cet amour précède la procession de l’EspritSaint et la génération du Verbe. Report., I. I, dist. VI, q. n. Le Verbe toutefois n’est pas engendré par cet acte d’amour, puisqu’il est produit via naturse et non via voluntatis. Le second acte d’amour prend le nom de spiralio ; il est commun au Père et au Verbe, qui produisent par ce moyen l’Esprit-Saint. La spiralio est donc un acte tout spécial de volonté, à la fois libre, de la liberté essentielle qui constitue l’essence de la volonté, et nécessaire, car il a pour objet l’essence infinie, que