Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée
1879
1
DUNS SCOT — 1W0

. I, dist. XXXVI, <|. i, n. Ô-7. La connaissance des possibles met en Dieu îles idées ; Duns Scot expose ce problème des idées divines avec sa subtilité eoutumière. Au lieu de les regarder, avec saint Thomas, Sum. theol., I a, q. xv, a. i, comme des aspects objectifs de l’essence divine, diversement imitable et conçue comme telle, le docteur subtil, à la suite de saint Augustin, en cela disciple de I’iaton, enseigne que les idées sont, non des aspects objectifs de l’essence divine, mais des concepts formés par l’intelligence infinie. Dans la conception thomiste, les possibles préexistent en quelque sorte à la connaissance que Dieu a de son essence : dans la doctrine scoliste, l’entendement divin les produit ; il est dans toute la rigueur de l’expression célèbre de Leibnitz : <i la source des essences. » L’intelligibilité suréminente de l’essence divine fait concevoir à l’intellect infini l’intelligibilité de tout être possible. In IV Sent., 1. I, et.Report., 1. 1, dist. XXXV.

Kst-ce à dire que cet esse intelligibile, que les possibles ont en Dieu, soit une entité d’un genre spécial, dordre réel ou essentiel’.’Quelques expressions, In IV Sent., 1. I, dist. XXXVI, n. 10, où Duns Scot parle d’un esse diminutum, secundum quid, des intelligibles finis, en Dieu, sembleraient le laisser entendre. Cajetan a raillé cet esse diminutum, sorte d’intermédiaire, d’après lui, entre l’être réel et l’être de raison. Tn /"" Sum. theol., Comm., q. xiv. Mais la raillerie n’a pas d’objet. Replacées dans le contexte, les expressions incriminées ne signifient pas autre ebose qu’un être intelligible, un pur concept. Quant à l’objet des idées, Duns Scot admet, suivant les principes de sa métaphysique, que Itieu connaît distinctement toute chose, per se et per propriamrationem, même la matière première, les accidents, fussent-ils inséparables de la substance, et les genres. Report, ., 1. 1, dist. XXXVI, q. iv.

Les idées de Dieu sur les possibles sont infinies. Il n’en réalise cependant qu’un nombre limité : ce sont les futurs de toute espèce, absolus, libres, conditionnés. Voici les positions de Duns Scot sur ces difficiles questions. La science des futurs suppose un acte de futurition. En soi la science de Dieu est spéculative : elle ne devient pratique, dictans praxim, que par un acte de sa libre volonté, In IV Sent., 1. I, dist., XXXVIII, car seul, un acte de la volonté libre peut être cause de la contingence, lbid., dist. XXXIX, n.23 ; Report., 1. I, dist. XXXVIII, q. II. Dans la connaissance des futurs, il faut donc faire une part à la volonté : ainsi Duns Scot se sépare de saint Bonaventure, In IV Sent., 1.1, dist. XXXV) XXXIX, et de quelquesautres théologiens qui résolvent trop facilement le problème en disant que Dieu voit les futurs comme tout le reste dans leur réelle coexistence avec l’éternité. Cf. loc. cit., n. 7-10. Il n’affirme pas, par cela mémo, que Dieu connaît les futurs dans le décret posé par sa volonté. Sur ce point il hésite cependant, il semble admettre que le décret n’est qu’une condition prérequise, pour que l’intelligence divine puisse voir un possible, de soi sans relation nécessaire avec l’existence, apparaître dans cette relation. In IV Sent., 1. I, dist. XXXIX. A supposer que Duns Scot accepte l’autre hypothèse, que Dieu connaît les futurs per determinalionem voluntatis, rien ne permettrait de le compter parmi les partisans îles décrets prédéterminants. Il n’a pas envisagé spécialement ce sujet, mais la meilleure preuve que l’on puisse donner de sa pensée, c’est l’opposition qu’il montre en toute sa philosophie pour la prémolion physique, sans laquelle les décrets prédéterminants ne seraient qu’un vain mot. Kst-ce à dire enfin que Duns Scot explique l’infaillibilité de la science divine et ses rapports avec le libre arbitre, à la manière de Molina, en regardant 1rs actes libres des créatures comme des futurs conditionnels, n’ayant avant les décrets divins que cette

qualité de futurs conditionnels ? Non, car Duns Scot ne peut comprendre la connaissance des futurs, sans décretde (ulurilion. In IV Sent., .l, dist. XXXIX, n.23. Et pourtant quelque chose semble rapprocher sa pensée de celle des partisans de la science moyenne. Dans la science de simple intelligence, Dieu a connu, non seulement les possibles individuels, mais encore tous les rapports possibles avec les relations les plus variées et lis plus complexes qui pouvaient s’établir entre eux. Le décret de futurition a fait un choix : Poni potest quod intellectus divinus aut offert simplicia quorum unio est conlingens in re ; aut si offert complexionem, offert eam sicut neutram, et voluntas eligens unam partem scilicel conjunctioneni istorum pro aliquo nuncinre, facit illud déterminaie verum. In IV Sent., 1. 1, dist. XXXIX, n. 23. Il y a de la sorte en Dieu une connaissance des futurs et des actes libres, antérieure au décret, mais cette connaissance ne peut être regardée que comme une phase de la connaissance des possibles. Cette doctrine explique suffisamment par ailleurs le concours concomitant que Dieu prête à l’action de la créature, concours déterminé ab œle, no et qui n’a pu l’être sans cette science. Quantum est ex parle sui, [Deus] dédit recliludinem omni actui voluntatis et voluntati ex consequenti daret, si ipsa voluntas quenicumque action elicitum rente ageret ex parle sui. In IV Sent., 1. II, dist. XXXVII, q. n. n. 14.

De la connaissance des futurs conditionnels, Duns Scot ne dit rien. Avec les anciens scolastiques, il ignore en quelque sorte la position particulière de ce problème qui n’a été agité que plus tard d’une manière précise.

b) Volonté. — La théodicée de Duns Scot est caractérisée, comme sa psychologie par le volontarisme, c’est-à-dire par la doctrine de la primauté et de l’indépendance de la volonté à l’égard de l’intelligence. In IV Sent., l.IV, dist. XLIX.La volonté divine est absolument libre. Elle jouit de la liberté essentielle qui n’est autre que le pouvoir de se déterminerde soi ; ellen’agit jamais par nécessité de nature, alors même qu’elle pose son acte sans qu’il puisse en être autrement à cause de sa perfection même. In IV Sent., 1. I, et Report., I. I, dist. X ; Quodl., q. xvi. Dieu aime donc et librement sa propre nature, les possibles qu’il conçoit et les créatures qu’il a dessein de réaliser ; mais il y a des nuances dans cet amour et cette liberté. Il s’aime sans pouvoir se refuser son amour : seule la liberté essentielle ou de domaine est compatible avec cette sorte de nécessité. Cf. Quodl., q. xvi. Son amour de complaisance inefficace à l’égard des possibles qui ne seront pas réalisés, In IV Sent., 1. III. dist. XXXII, n. 2, 5, et son amour efficace pour les créatures passées, présentes, futures, procèdent au contraire, à la fois, de la liberté essentielle et de la liberté de contingence, autrement dite, de contradiction.

Duns Scot étudie avec soin cette liberté de contingence en Dieu. Il la fait consisterdans l’indifférence, non pour des actes opposés, In IV Sent., 1. I, dist. XXXIX, n. 21, 22, mais pour des objets ou effets opposés. Ibid. lit encore le motif déterminant de ces vouloirs est-il uniquement la bonté essentielle de Dieu et non celle des créatures qui en sont l’objet. Loc. cil.

Relativement aux créatures, la volonté divine est souverainement efficace. Les décrets éternels ne sont pas soumis au changement, /// IV Sent., 1. I, dist. XIV, et s’accomplissent dans le temps —sans qu’il y soit dérogé, dist. XLVI. L’exécution infaillible de la volonté divine laisse aux êtres produits leur caractère de contingence, parce que la cause première en est libre, et aux créatures libres, l’usage de leur liberté naturelle, non seulement de la liberté de domaine, mais encore de la