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DUNS SCOT

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Scot s’arrêle avec complaisance. La méthode en souffre : elle manque d’uniformité.

8° Reporlata Parisiensia, t. XI. Ces nouveaux commentaires du Maître des Sentences, appelés encore Lectura Parisietisis, Opus Parisiense, se présentent à la fois comme le résumé et le complément de VOpus Oxoniense : le résumé, car les questions y sont moins développées — l’ouvrage malgré cela forme encore un respectable volume in-folio de 921 pages — le complément, car plusieurs solutions anciennes sont exposées avec une précision nouvelle, et des aperçus nouveaux se manifestent au cours de questions traitées déjà, mais sous un angle différent, dans VOpus Oxoniense. Duns Scot subit par ailleurs les influences du milieu où il donne son enseignement. Les digressions de pure philosophie sont relativement moins étendues, la méthode plus uniforme et plus claire, les questions groupées dans un ordre plus logique, le style plus élégant malgré les influences encore persistantes de la formation première, anglo-saxonne.

Des qualités si précieuses n’ont pas été suffisantes pour rendre cet ouvrage familier aux théologiens. Dans l’école scotiste, on s’en est peu servi : les préférences sont allées aux commentaires d’Oxford. On doit attriImer cette défaveur : 1. aux défectuosités des premières éditions ; 2. au caractère particulier de résumé qui empêchait les Reportata de suffire aux besoins de la lutte engagée autour des doctrines scotistes ; 3. à une intervention de l’autorité qui, par une ordonnance du ministre général, François Lychet, 15 juin 1520, rendit obligatoires dans les études de l’ordre, à l’exclusion des autres ouvrages de Duns Scot, les commentaires d’Oxford.

Le docteur subtil n’a pas achevé lui-même les Iteportata. Des circonstances encore ignorées l’ayant forcé de commenter le I. IV après le 1. I, c’est donc le 1. III qui est resté incomplet. Ses disciples en ont comblé les lacunes, par une transcription abrégée des commentaires d’Oxford. La pensée scotiste se présente ainsi dans un ensemble succinct. On pourrait en quelque manière appeler les Reporlata la somme de Duns Scot. L’authenticité de cette somme n’a jamais été sérieusement contestée. On y trouve, sauf quelques légères variantes, particulièrement au 1. IV, la même doctrine que dans VOpus Oxoniense.

9° Quæstiones quodlibetales, t. XII. En dehors de ses cours réguliers, à l’université de Paris, Duns Scot prit part à ces joutes théologiques solennelles qui se tenaient deux fois par an aux environs de Pâques et de Noël. Les questions posées aux candidats étant très variées, on les appelait Quæstiones quodlibelicse ou quodlibetales. Le dernier volume de l’édition de VVadding contient cs Quodlibetales quæstiones résolues par le docteur subtil. On ne saurait les ramener à l’unité, mais il est possible de les grouper autour de quelques idées générales. Les huit premières se rapportent au dogme de la trinité, les trois suivantes, ix-xi, à la puissance de Dieu, au sujet de l’information de la matière, des espèces eucharistiques et de la pénétration des corps. La XIIe s’occupe des rapports de la créature avec Dieu créateur et conservateur. Les facultés de l’âme, l’intelligence et la volonté sont étudiées aux q. xiii-xvii, la moralité de l’acte externe, q. XVIII ; la nature humaine du Christ, q. xix ; le mérite satisfætoire de la messe, q. xx ; la fortune dans l’hypoIhèse de l’éternité de la matière, q. XXI.

En toutes ces questions, Duns Scot fait preuve d’une très grande subtilité, continue son rôle de critique, use, en philosophe habile, des armes de la dialectique la plus serrée. La subtilité ne nuit point à la valeur de l’exposition. Au témoignage de Wadding, le docteur subtil est ici plus clair, plus méthodique et plus puissant dans son argumentation que dans les Commen taires sur les Sentences. Cf. Wadding, l’nrfalio ad leclorem. Ces questions quodlibétiques sont, avec les Reporlata, les dernières œuvres de Duns Scot ; elles marquent donc le point culminant où s’est élevé son génie.

III. DOCTRINE.

La doctrine théologique de Duns Scot, qui eut jadis l’honneur d’une chaire spéciale aux universités de Paris, Alcala, Pavie, Padoue, Coïmbre, Salamanque, Rome, qui fut enseignée dans l’ordre des mineurs, avec la haute approbation des papes saint Pie V, Clément VIII, Paul V, Urbain VIII, Innocent X et lîenoit XIV, qui inspira pendant plusieurs siècles une école célèbre par une dialectique remarquable, demande à être présentée avec quelque étendue. L’exposition qui suit est dirigée par un double objectif : montrer dans leur ensemble les conceptions de Duns Scot sur les différents points du dogme catholique et souligner les particularités qui caractérisent sa doctrine.

L PRÉLIMINAIRES. — 1° Notion de la théologie. — Duns Scot n’a pas donné’de la théologie une définition rigoureuse et scientifique. Il se contente de la formule de saint Augustin : Theologia est sermo vel ratio de Deo. In IV Sent., prol., q. iii, n. 2. De l’exposition qu’il en fait, il est facile néanmoins de tirer les éléments d’une définition plus explicite.

D’après le docteur subtil, la connaissance surnaturelle et raisonnée que nous avons de Dieu ne mérite pas absolument le nom de science. Au sens strict, la science requiert quatre conditions, savoir : quod sil certa, hoc est absque deceptione et dubitatione, de cognito necessario, causala a causa évidente intelleclui, applicala ad cognilum per discursuni syllogisticum. Ibid., prol., q. ni lateralis, n. 26. Or, la troisième condition ne se rencontre pas dans les spéculations théologiques où l’un au moins des éléments de la démonstration est emprunté à la révélation et la vérité de la conclusion ne peut être fondée sur une évidence intrinsèque. Cf. In 1 V Sent., 1. III, dist. XXFV, n. 16. Notre théologie est donc une connaissance sut generis, nullement subalterne de la théologie des bienheureux qui voient Dieu. In IV Sent., prol., q. iv lateralis, n. 30.

Le domaine de la théologie comprend les vérités révélées qui manifestent aux hommes la vie de Dieu ad inlra et ses vouloirs ad extra ; les premières sont des vérités nécessaires, les secondes des vérités contingentes et ces deux groupes divisent la théologie en deux parties. In IV Sent., prol., q. n lateralis, n. 6. Dieu en est toutefois l’objet premier et adéquat. Il faut entendre cela dans un sens un peu large. A le prendre en toute rigueur, l’objet premier adéquat doit contenir virtuellement toute vérité secondaire : ratio primi stibjecti est continere in se primo virtualité)’onines veritales illius liabitus cujus est. In IV Sent., prol.. q. il lateralis, n. 4. Cette condition se rencontre dans la connaissance que les bienheureux ont de Dieu, connaissance qui s’alimente à la vision de l’essence divine elle-même : theologiu [beatorum] est de Deo sub rationc qua est lixc essentia. Loc. cit., n. 11. On peut en dire autant de la connaissance théologique basée sur la révélation, ayant pour objet les vérités nécessaires, loc. cit., n. 12, et les vérités contingentes, n. 13, mais avec une nuance. Le concept d’infini, le plus parfait que nous puissions avoir de Dieu ici-bas, ne saurait en effet Contenir, virtualiter pour notre esprit, l’ensemble des doctrines qui appartiennent à la théologie. C’est néanmoins sub ralione entis infinili que Dieu est le premier objet de ces connaissances, le centre autour duquel il convient de les ramener. En conséquence, il ne faut chercher cet objet ni dans un acte de la volonté divine, la glorification des prédestinés par exemple, loc. cit.. n. 9-11, ni en attribuer la