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1865 DUNS SCOT 1866

DUNS SCOT, de l’ordre des frères mineurs, surnommé le docteur subtil. — I. Vie. II. Écrits. III. Doctrine.

I. Vie. — Jean Duns Scot naquit en 1274, suivant Cavellus, plus probablement en 1266, suivant A. Theret. Cf. Wadding, Vita P. Joannis Duns Scoti, c. III. L’Ecosse, l’Irlande et l’Angleterre se disputent l’honneur de lui avoir donné le jour, mais les titres de l’Angleterre semblent de tous les mieux établis et les plus sérieux. Cf. P. Prosper de Martigné, 0. M. C, La colastique et les traditions franciscaines, Paris, 1888, p. 266-268. Duns Scot serait donc de nationalité anglaise, et, si l’on en croit un manuscrit 1res ancien du collège de Merton, originaire du petit village de Dunstan ou Duns, dans le Northumberland. Cf. Dictionnaire encyclopédique de la théologie catholique, t. xxi, p. 402. De là le nom sous lequel il est devenu célèbre : fr. Jean de Duns, et, par abréviation, Jean Duns. A ce premier nom, l’usage ajouta, pour éviter toute confusion, celui de Scot, soit parce que ses parents étaient venus d’Fcosse dans le Northumberland, soit parce que, dans les régions plus méridionales, on donnait facilement ce nom à ceux qui venaient des pays du Nord. Cf. Certanten seraphicuni provinciæ anglicæ, opere R. P. Angeli a Sancto-Francisco editum, Quaracchi, 1885, p. 255.

De sa famille et de sa jeunesse, l’histoire ne garde aucun souvenir, si ce n’est celui d’un séjour indéterminé au collège de Merton. Il entra dans l’ordre des mineurs, et, selon des conjectures assez bien fondées, prit l’habit du Pauvre d’Assise, au couvent d’Oxford. Cf. Historia et antiquitates universitatis Oxoniensis, l. II, p. 87. C’est à Oxford, après son noviciat, qu’il étudia la théologie. Il eut pour maître en cette science le fransciscain Guillaume Ware, doctor fundatus. Le milieu intellectuel où il entrait laissa dans son esprit deux impressions profondes. Ce fut d’abord un sentiment de réserve à l'égard des doctrines de saint Thomas, admirées par de nombreux disciples, mais dont plusieurs avaient été condamnées en 1276 par Robert Kilwardby, archevêque de Cantorbéry, et Etienne Tempier, évéque de Paris, et trouvaient des adversaires chez les dominicains eux-mêmes. Ce fut encore une dévotion très tendre envers la conception immaculée de Marie, doctrine chère au cœur de saint François, défendue chez les mineurs d’Oxford par le docteur Robert Grossetête, à qui frère Ange de Pise, premier provincial d’Angleterre, confia la direction intellectuelle de sis clercs, et par le propre maître de Duns Scot, Guillaume Ware. Le frère Jean lit, dans les sciences humaines et sacrées, des progrès si merveilleux qu’une légende irlandaise, greffée sur l’histoire, en attribue le succès à un miracle de la Vierge, qui aurait ainsi préparé elle-même son futur docteur et défenseur. H. Cavellus, Vita doctoris subtilis, c. I.

Le brillant élève devint vite un professeur célèbre. 11 débuta dans l’enseignement, à Oxford, en 1289, par ua cours sur la grammaire. De cette période de sa vie datent ses ouvrages de pure philosophie : commentaires sur la Logique d’Aristote, sur les VIII livres de la Physique, sur l'âme, sur la métaphysique. Vers l’année 1300, il remplaça, dans la chaire de théologie, son maitre, Guillaume Ware, qui se rendait d’Oxford à Paris. Les usages de l’université lui imposaient la matière de son cours : il commenta les Sentences de Pierre Lombard, et on donna dans la suite à son œuvre le titre de d’Opus Oxoniense, pour la distinguer des commentaires qu’il composa à Paris quelques années après. Son activité ne s'épuisa pas dans ce labeur. On peut, sans se tromper, rattacher encore à cette époque la composition du De reruni principio, des Theoremata, et du De primo principio. Autour de la chaire du jeune docteur, les disciples se pressaient nombreux, attirés par la vigueur de sa dialectique et la méthode de son enseignement. Oxford ne tenait cependant que la seconde place parmi les universités, et les supérieurs du frère Jean voulurent le produire sur la première scène intellectuelle du monde ; ils l’envoyèrent à Paris. Une lettre du ministre général, Gonzalve, relative à un Fr. Joannes Scotus et qui ne semble, par les éloges qu’elle contient, ne pouvoir s’appliquer, qu'à Duns Scot, fixe la date de ce voyage en 1304. Cf. Wadding, Joannis Duns Scoti opera omnia, Vita Scoti, c. vii, t. i, p. 9.

A l’université de Paris, Duns Scot commenta de nouveau le Maître des Sentences, et ce commentaire, plus abrégé que celui d’Oxford, nous est conservé sous le titre de Reportata Parisiensia. Deux autres ouvrages furent composés pendant le séjour du docteur franciscain à Paris : les Quodlibetales quæstiones, et les Collationes. Sur un point, son enseignement parut une nouveauté condamnable et lui attira les foudres de l’université. Contrairement à la pensée de P. Lombard et à la tradition, commencée par Alexandre de Halès, continuée par Albert le Grand, saint Bonaventure, saint Thomas, il avait enseigné, quoique timidement encore, la conception immaculée de Marie. Cf. Report., l. III, dist. III, q. I. Il dut se justifier publiquement. Pour n'être pas relaté dans les annales contemporaines, cet actus sorbonicus est loin d'être une fable, comme on semble le dire parfois. Une tradition sérieuse en affirme d’abord la réalité, cf. P. Déodat de Basly, Pourquoi Jésus-Christ ? Paris, 1903, p. 8-10, et en fixe la date, selon toute vraisemblance, en l’année 1307. Il se fit d’ailleurs à cette époque, dans les sentiments de l’université, un revirement profond qui ne paraît avoir d’autre cause que le succès remporté par Duns Scot, dans sa défense personnelle. Ce revirement se manifesta par l’institution d’une fête en l’honneur de la Conception que l’université faisait célébrer en 1338, par le respect qu’elle exigea, dans les années qui suivirent, pour la doctrine enseignée par Duns Scot, et par le serment de la défendre, dont elle fit une loi à ses futurs docteurs, 1387. Cf. P. Prosper de Martigné, op. cit., p. 294-297 ; P. Déodat-Marie, Un tournoi théologique, Le Havre, 1907 ; P. Michel-Ange, articles divers dans la Bonne parole, 1908, 1909.

Duns Scot quitta Paris en 1308 et se rendit à Cologne. On ignore les motifs de ce départ précipité : quelques auteurs soupçonnent des influences secrètes inspirées par la jalousie, d’autres n’y voient qu’une mesure réclamée par les besoins de la lutte engagée dans cette ville contre les bégards. Cf. Wadding, op. cit., Vita Scoti, c. VIII. Il reprit ses leçons, mais la mort le vint surprendre sans tarder, le 8 novembre 1308.

Autour de son tombeau, des légendes, suscitées par des sentiments peu nobles, ont fleuri : on croyait déprécier un docteur rival en le disant enterré vivant. Cf. A. Bzovius, Nitela franciscanæ religionis, 1627. La voix du peuple et l’autorité ecclésiastique ont, au contraire, entouré de respect les cendres du docteur subtil. Si sa science a jeté un vif éclat, sa vie sainte n’a pas moins édifié les âmes. Il laisse après lui un parfum d’humilité, de détachement parfait de toute chose, même de ses manuscrits, et de piété profonde. Son nom est honoré d’un culte public et immémorial à Nole, en Hongrie, à Cologne, en Espagne, cf. Monumenta cultus immeniorabilis... quibus fulcitur causa servi Dei, Joannis Duns Scoti, Rome, 1907, et les temps semblent proches où la cour romaine va daigner le sanctionner de sa haute autorité.

IL Écrits. — Toutes les œuvres de Duns Scot n’ont pas encore été éditées. Appuyé sur le témoignage de John Pits, De scriptoribus anglis, de H. Villot et de Possevin, Apparatus sacer, Wadding recense comme il suit les œuvres manuscrites du docteur subtil : Lectura