Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/292

Cette page n’a pas encore été corrigée

185 !

DUEL

1852

sans utilité pour soi et pour le public ? On enseigne aux enfants téméraires qu’il est mal d’exposer sa vie sans motif, on les punit quand ils le font. Les chefs militaires punissent le soldat qui s’expose sans utilité au feu de l’ennemi pour faire montre de courage. On est moins sévère, il est vrai, pour les acrobates et les dompteurs, mais ne serait-ce pas parce qu’ils se donnent en spectacle ?

En allant au fond des choses, est-il soutenahle que celui qui va sur le terrain, uniquement parce qu’il y est poussé par la crainte de l’opinion publique, donne une vraie preuve de son courage ? Comme le note Léon

XIII : lpsi sapienles ethnici et norunl, et tradidcruni fallacia vulgi judieia spernenda esse a forti et constcuiti viro… Immo qui inania vulgi aspertiatur judieia, qui contumeliarum verbera subire mavull, quant ulla in re of/icium deserere, hune longe majore alque excelsiore atiimo esse perspicitur, quam qui ad arma procurril, laccsnilus injuria. Quin eliam, si recte dijudicari vclil, Me est unus, in quo solida fortitudo eluceat, Ma inquam fortitudo, quoe virlus vere nominatur, et cui gloria cornes est non fucala, non fallax. Le vrai courage consiste, en effet, à faire son devoir, quoi qu’il puisse en coûter, et quelques avanies qu’on puisse avoir à subir pour l’avoir accompli.

Sans doute, ces raisonnements n’ont que peu de prise sur un certain nombre de partisans du duel qui affectent en pareille matière de ne se laisser guider que par l’usage et l’opinion de leur milieu. II n’est pas rare d’en trouver qui se refusent à toute discussion, avouant par là même que la pratique à laquelle ils tiennent tant est déraisonnable.

Puisqu’ils procèdent par voie d’autorité, nous y répondons en insérant les cinq propositions que Benoit

XIV avait relevées dans les ouvrages de certains canonistes de son temps et qu’il a condamnées par la bulle Delestabilem du 10 novembre 1752 :

1* Vir militaris, qui, nisi offerat vel acceptet duellum, tanquam formidolosus, timidus, abjectus, et ad officia militaria ineptus haberetur, indeque officie-, quo se suosque sustentât, prlvaretur, vel promotionis, alias sibi debitac ac promeritæ spe perpetuo carere deberet, culpa et pœna vacaret, sive offerat sive acceptet duellum.

2° Excusari possunt etiam honoris tuendi vel vilipensionis liumaniu vitandae gratis, duellum acceptantes, vel ad illud provocantes, quando cei’te sciunt pugnam non esse secuturam, utpote ab aliis impediendam.

3° Non incurrit ecclesiasticas picnas ab Ecclesia contra duellantes latas, du., vel officialis militia ; , acceptans duellum ex gravi motu amissionis famse et officii.

4° Licitum est, in statu hominis naturali, acceptare et offerre duellum ad servandas cum honore fortunas, quando alio remedio eoruin jactura propulsari nequit.

5° Asserta ticentia pro statu naturali applicari etiam potest statui civitatis mate ordinata ; , in quo nimirum, vel negligentia vel malitia magistratus, justifia apeite denegatur.

Ces cinq propositions sont notées fausses, scandaleuses, pernicieuses. Cf. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1491-1495.

V. Les PEINES.

Nous avons rattaché les peines du duel moderne à celle qui frappait autrefois les combattants des tournois et que formule le et De torneamentis aux Décrétales de Grégoire IX. Ce texte est du concile de Latran de 1 1 "70. Mais il ne fait que reproduire en propres termes le canon 10 du concile de Reims de 1131, le canon 14 du concile de Latran en 1139, et le canon 12 du concile de Reims de 1148. Labbe et Cossart, Concilia, t. x, col. 986, 1006, 1112.

Le décret xlviii de Clément III († 1191), P. L., t. cciv, col. 1501, porte une défense générale contre toute espèce de duel. Respondendum quoi ! nec in eodem casu, nec etiam in aliis debes aliquatenus lnlerare. Mais aucune peine n’est portée.

Les bulles de Jules II Régis paci/ici du 21 février

1509, de Léon X Quant Deo, du 23 juillet 1519, portent des peines contre les duellistes. Bullaire de Lyon, t. i, p. 509, 600. Les auteurs citent aussi une constitution Consuevit Romanus pontifex, que nous n’avons pas trouvée au bullaire. La bulle de, Iules II noie les duellistes d’infamie, les prive de la sépulture ecclésiastique, les frappe de l’excommunication luise sententiw. Et comme la bulle a pour but d’atteindre les duellistes de l’État ecclésiastique, les vassaux du Saint-Siège qui autoriseront des duels sur leurs terres seront frappés, la première fois, d’une forte amende et la seconde seront privés de leurs iiefs. La bulle de Léon X reproduit celle de Jules II, en renouvelle les sanctions, confisque les biens des duellistes, ceux des seigneurs qui permettent les duels sur leurs terres, les frappe d’excommunication, condamne à l’excommunication et à une amende les simples spectateurs et jette l’interdit sur les lieux où se produisaient des duels. La bulle de Pie IV Ea quæ a prsedecessoribus nostris du 13 novembre 1560 rappelle les précédentes, et celle de Clément VII, en renouvelle les peines, les aggrave et les étend à tous ceux qui coopèrent au duel. Bullarium, t. ii, p. 30 sq. Sont frappés d’excommunication majeure latse sententise, dont le pape seul pourra absoudre, non seulement les duellistes, ceux qui concèdent un terrain, ceux qui assistent au duel, mais ceux qui provoquent simplement en duel, ceux qui accompagnent les duellistes, qui conseillent le duel, l’approuvent ou le favorisent ; seuls, l’empereur et les rois ne tombent pas sous le coup de l’excommunication majeure.

Le concile de Trente, sess. XXV, De reform., c. xix, renouvelle en substance toutes les peines portées auparavant et fait disparaître la réserve en faveur des empereurs et des rois. L’empereur et les rois, comme tous les autres princes temporels, sont excommuniés par le seul fait qu’ils fournissent sur leurs terres un lieu sûr pour un duel. La localité où a lieu le duel leur est retirée s’ils la tiennent de l’Église, et s’ils la tiennent en fief, elle retourne au suzerain. Les duellistes et leurs parrains sont frappés d’excommunication, de confiscation totale, notés d’infamie, traités comme homicides et privés de la sépulture eccelésiastique, s’ils meurent dans le combat. La peine d’excommunication ac perpétuée maledictionis est portée contre quiconque aura donné des conseils aux duellistes tant in jure quant in facto, les aura encouragés de quelque façon que ce soit et les simples spectateurs sont eux-mêmes compris dans cette catégorie.

Grégoire XIII, bulle Ad tollendum, 5 décembre 1582, Bullarium, t. ii, p. 460, supprime tout prétexte en notant que les peines portées par le concile de Trente sont encourues même quand il n’y a pas duel solennel, mais qu’on se bat sans témoins, sans champs clos, sans cartel. Il suffît que la rencontre ait lieu ex condiclo slaluto tentpore et loc.o convettlo.

Vient ensuite la bulle de Clément VIII, Illius vices du 17 août 1592, Bullarium, t. iii, p. 13. Le pape est obligé de déclarer que les peines portées par le concile de Trente s’étendent à tout l’univers, à toutes les catégories de personnes, au temps de guerre comme au temps de paix, qu’il faut assimiler aux provocations en duel ce qu’on appelait les manifesta, déli jeté non pas à une personne en particulier, mais à quiconque voudra le relever. Les peines s’étendent à tous les fauteurs ou complices du duel, les catégories sont énumérées avec un souci manifeste de ne laisser échapper aucun coupable. Sont frappés même ceux qui n’ont pas empêché le duel alors qu’ils le pouvaient.

Il fallut encore faire intervenir l’autorité suprême en 1665. Trois propositions favorables au duel furent condamnées par Alexandre VII. Denzingcr-Bannwart, n. 1102, 1117, 1118. Voir t. i, col. 732, 738. Enfin la bulle de Iienoit XIV déjà citée, Delestabi-