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DUEL


charité n’ont rien à voir avec l’acte du duelliste. Pour la charité, c’est trop évident ; pour le bien public, c’est plutôt le contraire qu’il faut affirmer.

Quare obscurum nemini aul dubium esse potest, in eos, qui privatim prælium conserunt singulare, utrumque cadere et scelus aliénée cladis et vitae proprise discrimen vultmtarium. Démuni vix ulla pestis est, quæ a civilis vitae disciplina magis abhorreat el justum civitatis ordinem pervertat, quam pemiissa civibus licenlia ut sui quisque adsertor juris privata vi manuque, et honoris, quem violalum pulel, ultor existai. Voilà le grand mot lâché : Il faut sauver l’honneur. Les duellistes de nos jours se défendent, en effet, d’agir par vengeance, bien qu’il apparaisse, très souvent, que c’est surtout ce motif inavouable qui les fait agir. Ils souriraient si on leur demandait comment ils peuvent espérer que Dieu mettra sa justice à leur service pour rétablir par un duel les droits de chacun. Mais ils se retranchent derrière le point d’honneur. Nous examinerons la valeur de cette excuse des duellistes au paragraphe suivant.

IV. Excuses du duel.

Les anciens canonistes énuméraient les cas où le combat singulier ex eondiclo (Hait permis, on peut encore trouver rémunération de ces cas dans De Angelis. Mais les hypothèses envisagées ne répondent plus à l’état de nos mœurs. Qu’on en juge par deux exemples : Si fiât ex causa temiinandi bellunt nisi per hoc Victoria ijuse salis certa essel, dubia reddatur : sic David cum Goliath, S. Wencestans cum duce Curimensi singulare certamen inierunt ; si fiai auctoritate publica a duobus condemnatis ad modem.

Comme le fait remarquer Léon XIII à la fin de sa lettre souvent citée : Recens selas, quæ se jactat humaniore cul tu morumque elegantia longe superioribus sseculis anlecellcre, parvipendere velustiora institala consuevit ac nimium ssepe respuere quidquid cum calure discrepel recentioris urbanitatis. Un duel à mort entre deux condamnés à la peine capitale paraitrait un acte sauvage digne d’un autre temps et une nation ne voudrait pas éviter une guerre, même par ce moyen, en se faisant représenter par un criminel entre les mains de qui elle remettrait l’honneur et les intérêts du pays. Quid est igitur quod lias lantummodo cuflioris sévi ac peregrinse barbarise ignobiles reliquias duelli morem intelligimus, in tanin humanitatis studio non répudiât.

Les excuses qu’on invoque maintenant en faveur du duel ne sont pas, enelfet, celles que la raison pourrait admettre. On ne recourt plus à l’heure actuelle aux duels raisonnables/

1° On m’a provoqué, dit-on, je suis dans le cas de légitime défense. Autrefois, il y a eu des combats singuliers de ce genre parfaitement légitimes. Un homme appartenant à la catégorie sociale qui avait le droit de porter l’épée était assailli brusquement par un autre et tous deux mettaient l’épée à la main pour se défendre. Mais nous sommes en présence non d’un duel qui est essentiellement, tel que l’église le condamne, ex condicto, mais en face d’une rixe où peut parfaitement se réaliser le cas de légitime défense, où j’ai le droit de blesser ou même de tuer mon injuste agresseur, servato moderamine ineulpalaa lutelse. Dans le duel moderne, môme provoqué, je ne suis pas surpris, librement .t’accepte le combat. Quand je me soumets aux conditions de mon adversaire, je me soumets en même temps aux miennes. Au moment où je vais sur le terrain, je ne suis plus en danger que parce que j’ai bien voulu accepter de m’y mettre. Si on m’attaque, j’attaque aussi et je ne puis parler de légitime défense contre une attaque, soudaine et injustifiée, où personne que moi-même ne peut me protéger.

2° Sans doute, ma vie n’est pas en péril, ni mes

membres, ni mes biens, mais il y va de mon honneur : or, qui donc oserait prétendre que l’honneur ne doit pas être préféré à l’argent et à la vie même ? Les théologiens ne reconnaissent-ils pas eux-mêmes, après saint Liguori, qu’une femme peut défendre son honneur en donnant la mort à celui qui prétend la violenter, et le mari n’a-t-il pas le droit, toujours d’après les théologiens, de ne pas laisser sombrer son honneur en mettant a mort le séducteur de sa femme pour l’empêcher de consommer l’adultère ? Je ne fais pas autre chose, je venge mon honneur outragé ; on m’a insulté gravement par paroles ou par actes, je vais venger mon honneur. Je n’ai à ma disposition que le duel pour le reconquérir.

Si vraiment il s’agit de venger l’honneur outragé, le duelliste ne se trouve pas dans les cas prévus par les théologiens où l’honneur plus précieux que la vie, la fortune ou l’intégrité des membres peut être préservé par la mort de l’adversaire. Un acte de vengeance après coup n’a jamais été considéré par eux comme légitime. Des tribunaux existent pour réparer les dommages causés à l’honneur aussi bien qu’au corps ou aux biens.

Mais supposons qu’en disant venger l’honneur, on entende seulement réclamer le droit de réparer l’honneur outragé. Encore faudrait-il expliquer comment un duel peut vraiment réparer l’honneur, si on l’a perdu véritablement par l’injure que l’on a subie. Or, cela ne soutient pas le raisonnement. Ecoutons Léon XIII : Quamvis enim excertamine victor décédai qui, injuria accepta iilnit indixit, omnium cordatorum hominum hocerit judicium, tali certaminis exitu viribus quidem ad luctandum, aut tractandi artnis meliorem lacessentem probari, non iden lumen honestate potiorem. Quod si idem ipse ceciderit, cui rursus non inconsulta, non plane absona hsec honoris tuendi ratio videatur. Et le document pontifical conclut que de si mauvaises raisons ne peuvent mouvoir des hommes raisonnables, il faut en revenir à ce qu’on ne veut pas avouer, c’est qu’une provocation en duel ne peut s’expliquer que par le désir de vengeance, qui amène à se substituer à l’autorité publique pour se faire le juge de sa propre cause et l’exécuteur de la sentence qu’on a prononcée arbitrairement.

; i" Mais si on me provoque et que je n’accepte pas le

duel, je serai déshonoré aux yeux du monde ; je protège mon honneur en allant sur le terrain.

Cela veut dire qu’il existe dans votre milieu un certain nombre de personnes imbues d’un préjugé et que connaissant votre devoir tel que la loi naturelle, la loi civile et la loi canonique le formulent, vous n’avez pas la force de caractère de le préférer au jugement certainement faux d’une opinion publique égarée.

Personne de ceux qui vous désapprouveraient ne peut nier que, si vous avez vraiment forfait à i’honneur, un coup d’épée reeu ou donné par vous ne peut rien y changer. Que si le mépris que votre adversaire a témoigné publiquement pour vous est injustifié, le coup d’épée ne prouvera ni votre innocence ni l’infamie de celui qui a prétendu vous déshonorer. Le temps n’est plus, en effet, où l’on s’en remettait au jugement de Dieu pour découvrir de quel côté se trouvait le bon droit ; et de fait, après le duel, personne ne s’avise de considérer celui qui a succombé comme ayant eu tort dans le démêlé qui a conduit les adversaires sur le terrain.

4° Mais je passerai pour un lâche. On croira que j’ai eu peur de perdre la vie, et si mon honneur n’a pas été entamé par l’injure qui m’a été faite, du moins mon refus de me battre me le fera perdre.

Là encore nous nous trouvons en présence d’un préjugé. Pourquoi l’opinion publique réprouve-t-elle si sévèrement les paris stupides, dans lesquels s’engagent des tôtes faibles et où l’on expose sa vie par bravade