Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/290

Cette page n’a pas encore été corrigée
1847
1848
DUEL


les armes émoussées, et les masses d’armes en bois étaient seules admises et où les armes défensives semblaient rendre tout malheur impossible ? Il semble bien que, dans les commencements, on les considérait comme compris dans la défense générale. Le cas de conscience qui se trouve tranché au c. ii, Dr torneamentis, etoù la sépulture ecclésiastique n’est accordée à un homme mort dans un tournoi d’une chute de cheval sans avoir combattu qu’à la condition qu’il ne soit pas venu dans la lice pour prendre partau tournoi, montre bien que l’exégèse du texte de Latran était sévère dans les commencements. Mais comme la sanction frappait uniquement ceux qui trouvaient la mort dans les tournois, il était humain que nos pères vinssent à se livrer sans scrupule à des exercices de force et d’adresse, d’où tout péril probable de mort était écarté.

Mais Clément V constata que l’usage immodéré des tournois, même inoffensifs, détournait les chevaliers d’occupations plus sérieuses et entravait l’organisation des croisades dont il aurait voulu continuer la série. Dans une bulle Passionrs, qu’on attribue au concile de Vienne, comme la plupart des actes de Clément Y, il frappa d’excommunication réservée au Saint-Siège toute espèce de tournois. L’excommunication était doublée pour les seigneurs féodaux d’un interdit frappant toutes leurs terres. Le document n’est pas aux Clémentines. La collection qui porte ce nom fut en effet publiée par Jean XXII, qui, n’étant pas animé des mêmes préoccupations en ce qui concernait les croisades, leva la délense. C’est l’extravagante de Jean XXII, Dr torneamentis, annulant la décision de Clément V, qui nous en fait connaître les dispositions. Clément V avait cherché à atteindre tous ceux qui, à un titre quelconque, prêtaient leur concours aux tournois. On ne peut comparer ce texte, au point de vue du souci de ne laisser impunie aucune complicité, qu’à ceux qui régissent encore à l’heure actuelle la matière du duel. Qu’on en juge ; les peines prévues sont celles favetitium ea, vel ad id eis prssstantium opem, consilium vel consensum, et illorum eliam, in quorum locis vel destriclibus lierait, von prohibentium lioc, quum possent, et illorum procedentes ad illaiii domibus suis recipientium, vel commercium quoniodolibet exercentium cum iisilem.

Peut-on lire ce texte sans être frappé de sa ressemblance avec les dispositions du droit moderne contre le duel ? Excommunication ipso facto réservée au pape, censure étendue à tous ceux qui coopèrent positivement à l’acte condamné ou même à ceux qui ne s’y opposent pas par tous les moyens en leur pouvoir, si on ajoute la privation de la sépulture ecclésiastique pour ceux qui meurent dans le tournoi, même après avoir été admis à la pénitence, il faut convenir que la parenté entre les deux abus est bien étroite, pour que l’Église les ait poursuivis des mêmes peines ressuscitant, aux XVe et xvi’siècles, pour amener les duellistes à abandonner leurs pratiques, les censures dont Clément V frappait au xive les amateurs de tournois.

Dans les tournois, des centaines de personnes combattaient parfois les unes contre les autres ; dans la joute, deux cavaliers seulement étaient aux prises. L’usage persista dans notre pays où la mort tragique du roi Henri II, en 1559, en fit passer la mode. On ne peut pas dire que le duel succéda aux joutes, puisque, dès l’an 1500, Martin V interdisait un combat singulier entre Philippe de Bourgogne et Humphry de Glocester. Charles-Quint provoqua François I er en duel et la rencontre de Jarnac et La Châtaigneraie en présence de Henri II est demeurée célèbre.

Si les deux institutions ne procèdent pas l’une de l’autre, au moins faut-il convenir qu’elles sont produits en partie par les mêmes sentiments. Le désir

de faire preuve d’adresse et de bravoure, en présence d’une nombreuse assemblée, met en mouvement à la même époque les jouteurs de tournois et les duellistes. Obliger un adversaire méprisant à avouer qu’il vous considère comme digne de croiser le fer avec lui, explique le duel comme la joute.

Mais le duel se présente dès cette époque comme plus barbare que la joute et il est bien difficile d’admettre que le désir de la vengeance n’était pour rien dans les sentiments de ceux qui recouraient à ce moyen pour se pousser dans l’estime publique.

A la mortde Henri II, les joutes et tournois prennent fin dans notre pays pour faire place aux carrousels, mais en même temps les duels se multiplient d’une façon tellement inquiétante que les deux puissances s’accordent pour les prohiber sous les peines les plus sévères.

III. Malice.

La lettre de Léon XIII aux évêques d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie en date du 12 septembre 1891, Pastoralis of/icii, dans le Canoniste contemporain, 1891, p. 459 sq., donne avec la clarté et la précision habituelles à son auteur l’ensemble des raisons qui condamnent la pratique du duel. Résumer ce documentetaccompagner l’analyse de quelques rapides réflexions nous mettra en présence de la vérité morale sur le duel.

Le pape en appelle à la loi divine naturelle et positive et montre qu’elle réprouve le duel, et au point de vue de la morale individuelle et de la morale sociale : Scilicel utraque divina lex, tum ea quæ naturalis rationis himine tum quæ litleris divino af/latu perscriplis promulgata es/, distincte vetat ne quis extra causant publicam liominem interimat, aut vulnerel, nisi salutis suai defendendse causa, necessitate coactus. Al qui ad privation certamen provocant, vel oblatum suscipiuiit, hoc aguut, hue animum viresque intendant, nulla necessitate adstricti ut vitani eripiant aut saltem vulnus inférant adversario. En effet, dans le duel privé on se trouve manifestement extra causam publicam, et cette pratique ne peut être assimilée ni à la guerre ni à l’acte par lequel le juge ou l’exécuteur de la sentence exercent la vindicte publique. Reste donc seulement le cas de légitime délense. Sans doute, quand je suis l’objet d’une agression injuste et soudaine, que ma vie est menacée sans que je puisse recourir à la protection sociale qui arriverait trop tard pour m’apporter un secours efticace, je ne fais qu’exercer un droit élémentaire en me défendant moi-même. J’ai le droit de défendre par le même moyen mes membres ou les biens très précieux sans lesquels il faudrait déchoir de ma condition : une femme peut tuer celui qui cherche à la violenter, et un mari celui qui cherche à commettre l’adultère avec sa femme. Cf. S. Liguori, Theologia moralis, I. III, n. 380 sq. Voir t. iv, col. 227-230. Mais le duel étant par définition ex condicto, jamais le c ; is de légitime défense ne s’y trouve réalisé.

Utraque porro divina lex iulerdicit ne quis lemere vitam prnjiciai suam, gravi et manifesto objidens discrimini, quum id nulla of/icii aut caritatis magnanimes ratio suadeat. Usée autem cœca temerilas, vitse contemptrix, plane inest in ualura duelli. Léon XIII nous rappelle ici que s’il n’est jamais permis de se donner directement la mort, il.’si des cas où on peut et même où l’on doit s’exposer à un péril même certain de mort. Mais il faut que l’acte soit justifié par un devoir qui s’impose ou par un acte de charité héroïque. L’opinion publique serait très sévère pour le pasteur ou le magistrat, qui abandonneraient ceux dont ils ont la charge pour fuir un péril même de mort. Elle est en cela d’accord avec la morale naturelle. Elle considère que le soldat qui refuserait d’exposer sa vie pour défendre son pays à la guerre se déshonorerait, elle honore ceux qui exposent ou perdent leur vie pour sauver celle de leurs semblables. Mais le devoir ni la