Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée
1323
1324
DIMANCHE


dente les théologiens avaient communément enseigné ce principe que la détermination de la loi dominicale provient immédiatement de l’autorité de l'Église approuvant la coutume des fidèles. Saint Antonin, au XVe siècle, en avait conclu que là où la coutume existe, l’on pouvait tolérer l’usage de travailler le samedi soir et aux veilles des fêtes de précepte, pourvu que l’on prolongeât le repos dominical le dimanche soir. Au xvie siècle, la coutume d’observer ainsi le repos dominical de minuit à minuit se généralisa et s'établit définitivement partout. C’est ce que témoignent les principaux théologiens de cette époque, notamment Cajetan, lu II m Il*, q. cxxii, a. 4 ; Azpicuelta († 1586), Manuale confessorum et pœnitentium, c. xiii, n. 5, 7, Rome, 1590, t. i, p. 126 sq. ; Suarez, De religione, tr. II, l. II, c. xxxi, n. 4. Avec l’approbation de l'Église, cette coutume universelle devint partout obligatoire.

2° Adoucissements approuvés par l'Église. — En même temps que l'Église diminuait le nombre des fêtes de précepte, elle se montrait également plus condescendante dans la détermination du repos dominical, principalement à cause de coutumes nouvelles ou de nouvelles exigences sociales. Ainsi elle autorisait la coutume déjà existante de vendre ou d’acheter les choses nécessaires pour l’alimentation quotidienne ou pour le soin des malades. C’est ce que permirent le IIe concile de Cologne en 1549, can. 98, Lahbe-Cossart, op. cit., t. xix, col. 1436 ; le concile de Reims en 1583, can. 5, t. xxi, col. 688 ; le concile d’Aix en 1585, can. 16, col. 965 ; le concile de Toulouse en 1590, can. 14, col. 1293 ; le concile d’Avignon en 1594, can. 43, col. 1536 ; le concile de Narbonne en 1609, can. 9, col. 1486. Mais il était ordonné de tenir les boutiques fermées et surj tout de ne point vendre près des églises ou dans les cimetières ; ainsi statuèrent le concile de Narbonne en 1551, can. 49, Labbe-Cossart, op. cit., t. xx, col. 1271 ; le IIPconcile de Milan en 1573, can. 1, t. xxi, col. 138, et le concile d’Aix en 1585, can. 16, t. xxi, col. 965.

3° Coutumes ou interprétations nouvelles autorisées par l’enseignement théologique. — Sur ces divers points, sans rapporter ici, avec de minutieux détails, toute la bibliographie casuistique, nous nous bornerons à faire ressortir, à l’aide d’indications nécessairement sommaires, le mouvement des idées.

1. Quant au travail en lui-même permis et que l’on accomplit en vue d’un salaire. — Du xiiie au xvi c siècle, les casuistes avaient communément considéré comme travail servile prohibé, celui qui est accompli en vue d’un salaire. Sylvestre de Prierio († 1523) soutient encore cetteopinion. Summasylvestrina, nrl. Dominica, Lyon, 1594, t. i, p. 269 sq. Opinion que Cajetan combat résolument au nom de la coutume universelle et au nom de la raison. L’on a coutume de se livrer le dimanche sans aucun scrupule de conscience à des services habituellement rétribués tels que le chant ou la musique dans les églises, l’enseignement public de sciences profanes ou même de sciences sacrées comme la théologie, l'étude ou l’instruction préparatoire d’une cause qui doit être bientôt jugée, ou des services médicaux et autres. Une coutume aussi générale et nullement blâmée par l’autorité ecclésiastique ou par les théologiens, ne peut être tenue pour répréhensible. D’ailleurs, le fait de se livrer en vue d’un salaire à un travail par lui-même permis, n’en change point la nature intime. Un travail rétribué n’est point nécessairement servile, sinon tout acte de commerce ou de négoce serait œuvre servile, ce que personne n’admet. Dans l’hypothèse, la fin particulière du travailleur, finis operantis, n’allant nullement contre la fin du précepte, ne peut rendre l’acte illicite. In 7/ am // » ', q. cxxii, a. 4 ; Summula, art. Fcslorum violalio, Venise, 1581, p. 233 sq. Cette solution de Cajetan fut dès lors communément admise par les théologiens et généralement appliquée à

toutes les actions qui peuvent être considérées comme permises en elles-mêmes. Dominique Soto († 1560), De justitia et jure, l. ii, q. iv, a. 4, Venise, 1589, p. 147 ; Azpicuelta († 1586), Manuale confessariorum, c. xiii, n. 5, Opéra, Rome, 1590, t. i, p. 125 ; Tolet († 1596), lnslructio sacerdotum, I. IV, c. xxiv, n. 3, Lyon, 1591, p. 580 ; Azor († 1603), Instilutionum moralium, part. II, c. xxxvii, Lyon, 1610, t. H, p. 113 ; Suarez († 1617), De religione, tr. II, l. II, c. xix, n. 6 sq. ; Bonacina († 1631), In III"™ decalogi prsec, t. I, n. 26, Opéra, Lyon, 1697, t. i, p. 277 ; Laymann († 1635), Theologia moralis, l. IV, tr. VII, c. ii, n. 4, Lyon, 1654, p. 694 ; Sylvius († 1649), In II™ 1I X, q. cxxii, a. 4, Anvers, 1697, t. iii, p. 737 ; Mastriusde Meldula (fl673), Theologia moralis, disp. XI, q. IV, a. 1, n. 74, Venise, 1723, p. 236 ; Sporer († 1683), Theologia moralis, tr. III, c. iv, n. 43, Venise, 1731, t. i, p. 275 ; Salmanticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. XXII, c. i, n. 264 sq. ; Billuart († 1757), Summa sancti Thonm, De religione, diss. VI, a. 2 ; S. Alphonse de Liguori († 1787), Theologia moralis, l. III, n. 278, 283, édit. Gaudé, Rome, 1905, t. i, p. 553 sq., 556 ; cardinal d’Annibale, Summula theologiæ moralis, t. iii, n. 121 ; Lehrnkuhl, Theologia moralis, t. i, n. 548 ; Génicot, Theologiæ moralis institutiones, t. i, n. 333 ; Noldin, Summa theologiæ moralis, 4e édit., InsprucU, 1904, t. ii, p. 264. Cependant Berardi admet encore que la circonstance de travailler en vue d’un salaire, sallem si longo tempore et cum defoligatione fierct, rend illicites certaines occupations en elles-mêmes permises, comme la pêche et la chasse. Praxis confessariorum, 3e édit., Fænza, t. i, p. 278. Cette opinion de Berardi parait être approuvée par M. Villien, Histoire des commandements de l'Église, Paris, 1909, p. 97 sq.

2. Quant à certaines occupations dont la licéité est désormais reconnue. — a) L’action de transcrire un écrit d 'autrui ou un manuscrit. — Sylvestre dePrierio († 1523), dans sa Summa sylvestrina publiée en 1516, se borne à reproduire les conclusions de Guillaume de Rennes et des autres casuistes précédents, autorisant simplement les étudiants à prendre note de leurs leçons et interdisant strictement scribere in aliquo grandi ut de quaterno in quaternum, même en dehors de toute recherche pécuniaire, parce que c’est une œuvre servile. Sylvestre ajoute cependant : spiritualia autem scribere ad spiritualem finem et in quantitate magna licitum est ; ce qui signifiait équivalemment que l’acte de la transcription considéré en lui-même n'était point nécessairement défendu. Summa sylvestrina, art. Dominica, Lyon, 1594, p. 270. Cajetan († 1534) affirme de même que l’acte d'écrire, et par conséquent de transcrire, est en soi une œuvre servile et défendue, à moins qu’il ne soit immédiatement et principalement rapporté à une fin spirituelle, comme l’instruction personnelle ou l’enseignement d’autrui ou la manifestation faite à autrui de ses conseils ou de ses pensées. Summula peccatorum, art. Feolorum violalio, Venise, 1581, p. 223 ; In //<" » //*, q. cxxii.'a. 4.

Dominique Soto, De justitia et jure, l. II, q. IV, a. i, Rome, I5h9, p. 146, et Azpicuelta, op. cit., c. xiii, n. 14. Rome, 1590, t. i, p. 128, s’expriment d’une manière presque identique. Azor († 1603) observe simplement que transcrire ex munere et of/icio est plus probablement une œuvre servile, à moins que l’on ne soit excusé par la nécessité ou par quelque cause, comme il arrive le plus souvent. Instilutionum moralium, part. ii, c. xxxvii, Lyon, 1610, p. Il 4.

Suarez insiste plus qu’on ne l’avait fait jusque-là sur le caractère non servile de l’acte de transcrire considéré en lui-même. On admettait qu’il est permis de prendre par écrit l’enseignement oral des maîtres. Comment pouvait-il y avoir interdiction do transcrire ce qui a été écrit par d’autres, l'écriture étant, non moins