Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

1811

D0UKH0I50RS

DOUTE

1812

l.oe bogatxtro, 1909, n. 2, p. 76-98 ; n. 5, p. 31-53 ; Palmieri, / campioni dello spirito u la eetta dei Duchobortzy russi, dans Rivista internationale di ecienze sociali, 1909, t. t.i, p. 3-27 ; I<1, ! . dottrine religiose dei Duchobortzy, ibid., 1910, t. in. p. 161-170. Le livre vivant ou jivotnaia kniga des Doukhobors a été publié intégralement par Bontch-Bronévitch, Saint-Péterslmurg, 1909.

A. Palmieri.

DOUTE. — I. Notion. II. Étude historique et religieuse. III. Applications.

I. Notion.

1° Le doute est un’Mat de l’intelligence en face d’une vérité ou d’un fait qui manquent de clarté. 11 nous sera connu d’une façon précise, par sa comparaison avec les autres états intellectuels. Quand une vérité ou un fait apparaissent avec une pleine évidence, l’intelligence les voit et le jugement les affirme : c’est la certitude. Il y a, alors, un double phénomène mental ; la représentation par simple appréhension et l’adhésion par jugement ; l’esprit se représente la chose et il l’affirme. L’affirmation dépend de l’évidence objective, mais elle puise aussi quelque force dans le commandement de la volonté et il arrive que cellp-ci, en l’absence d’une évidence totale, prescrive cependant à l’esprit d’adhérer quand même. Si elle ordonne une adhésion pleine et entière, dépourvue d’hésitation : c’est la certitude imprudente, qui prend le nom d’erreur, quand il n’y a pas correspondance entre le jugement ainsi proféré par l’esprit sous les ordres de la volonté, et la réalité. Si la volonté commande à l’esprit d’affirmer une chose inévidente, quoique probable, et en même temps garde quelque crainte de s’égarer, c’est l’opinion. Quand la crainte d’erreur est grande, et que l’adhésion est à peine esquissée, l’opinion devient un simple soupçon. Il y a des cas, au contraire, où la volonté, constatant que l’esprit n’a aucune lumière suffisante ou même ne jouit absolument d’aucune clarté, le laisse dans son indétermination ou même lui commande de suspendre tout jugement : c’est, dans le premier cas, le doute naturel, et, dans le second, le doute volontaire. Ici, l’existence du problème est connue, mais on n’en voit pas la solution vraie, on hésite entre toutes les solutions possibles, on n’en choisit naturellement ou délibérément aucune, on doute. Lorsque l’existence du problème n’est même pas soupçonnée ou entrevue, que l’esprit n’a été éveillé sur aucune de ses données. on est dans l’état d’ignorance. On voit en quoi le doute dillère de l’ignorance : celle ci ne sait rien, celui-là sait quelque chose, il se représente quelque chose, au moins les données du problème et les solutions possibles, mais il ne se prononce d’aucun coté. Des deux phénomènes intellectuels rappelés plus haut, l’esprit, en état d’ignorance, n’est le théâtre d’aucun : il n’a ni représentation ni jugement ; l’esprit, à l’état de doute, se représente, mais ne juge pas, et ceci nous aide à distinguer aussi le doute, de l’opinion. Dans l’opinion, le second phénomène se produit : l’esprit juge. Disons enfin que le doute se distingue encore de Y incertitude : celle-ci, en effet, si elle hésite quelquefois et alors se confond avec le doute, d’autres fois se prononce et alors se sépare du doute. L’incertitude, c’est tout état autre que l’ignorance, où l’esprit ou reste flottant, ou bien adhère, mais avec crainte de se tromper ; elle est commune au doute, au soupçon et à l’opinion.

2° Le doute a diverses variétés ; c’est une suspension du jugement. 1. Mais, d’abord, l’esprit peut suspendre son jugement entre plusieurs alternatives, parce qu’aucune aiternative ne se présente avec quelque raison que ce soit. Quand aucun argument ne milite d’aucun côté, on reste dans le doute négatif. L’esprit peut suspendre son jugement parce qu’il trouve, de part et d’autre, ils raisons, desarguments, dont aucun n’est décisif, et dont les poids s’équilibrent, c’est le doute positif. On peut supposer des cas où l’esprit reste en suspens entre deux alternatives dont l’une, non encore explorée, n’apparait

défendue par aucune autre raison que l’ignorance, où l’on se trouve en face d’elle, et l’autre est soutenue par des arguments insuffisants : c’est le doute mixte, à la fois négatif et positif.

2. On distingue encore le doute réel et le doute méthodique. Le premier est un état vrai de l’esprit, qui n’ayant pas de raisons convaincantes pour se prononcer, ne peut pas ou ne veut pas s’arrêter à un jugement. Le second est la fiction d’un esprit qui, étant déjà fixé dans son adhésion, cependant organise une démonstration, comme s’il doutait, et cela pour se confirmer dans son jugement.

3. On distingue le doute spéculatif et le doute pratique. Cette distinction est morale. Le doute spéculatif considère une action en général et hésite à prononcer si elle est permise ou défendue. Le doute pratique prend la même action, mais dans ses circonstances concrètes de temps, de lieu, ou de personnes, etc., et n’arrive pas à déterminer si cette action ainsi définie est hic et nunc permise ou non.

4. On distingue enfin le doute de fait ou le doute de droit, suivant que la chose sur laquelle on hésite à se prononcer est une théorie juridique, l’existence d’une prescription, ou bien un événement et l’existence d’un acte ou d’un fait.

II. Éti de historique et religieuse.

Laissant de côté la question philosophique du doute, nous n’examinerons que le problème religieux. La théologie dogmatique est intéressée doublement aux différentes théories du doute, soit qu’on fasse du doute un étal de la raison qui, suivant les uns, nécessite la foi et, suivant les autres, la compromet ; soit qu’on le prenne comme mél/tode d’investigation théologique. Ils sont nombreux ceux qui ont prétendu que le doute était l’état originel de la raison et qui en ont tiré des conclusions pour ou contre la foi. Nous indiquerons les principaux.

1° l’ic de la Mirandole, qui fut condamné par Innocent VIII pour ses attaques contre la liberté de la foi, DenLinger-Bannwart, n. 736-737, et Cornélius Agrippa de Nettesheim font du doute « l’antichambre de la foi ». Fortunat Strowski, Montaigne, c. IV, Paris, 1906, p. 131. Le premier, dans son ouvrage : Examen vanitatis doclrinse gentium et verilalis christianse disciplinée, Bàle, 1573, divise les philosophes en trois catégories, les dogmalistes qui affirment, les académiciens qui nient, les pyrrhoniens qui doutent. Sur le terrain des connaissances naturelles, Pic de la Mirandole, soit en parcourant les différents problèmes posés à l’esprit humain elles solutions toutes insuffisantes que celui-ci leur donne, soit en constatant l’incertitude des sens d’où procède l’incertitude de l’intelligence, aboutit à la légitimité du doute, à la nécessité de suspendre le jugement. Après avoir exécuté ce travail, il oppose aux défaillances des doctrines philosophiques, la clarté’, la certitude, la constance de la science sacrée. Cf. Strowski, ibid., p. 125-130. Les impuissances de la raison servent de repoussoir aux affirmations de la foi et les mettent en relief.

2° Nous trouvons le même dessein dans la Declamatio invectiva de Cornélius Agrippa de Nettesheim, De incerlitudine et vanilate scienliarum, 1564 ; trad. Gueudeville, Paris, 1582. Lui aussi demie de toutes les connaissances humaines, mais c’est parce qu’elles font tort à la foi, et il ne proclame leur incertitude que pour leur opposer les certitudes surnaturelles ; « Car, dit-il, j’ai aperçu plusieurs êtresdevenus si insolents etorgueilleux à cause de quelques sciences et disciplines humaines, qu’ils ont dédaigné el méprisé, voire blâmé el persécuté les saints Livres des écritures canoniques, dictés par le Saint-Esprit, comme choses rustiques et sans aucune doctrine… Et si en avons vu d’autres, lesquels avec quelque peu plus d’apparence de piété ont voulu établir et renforcer les ordonnances de Notre-