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DOUKHOBORS

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intérieurement. Le nombre des Doukhobors est donc considérable. Il y en a beaucoup qui professent leur doctrine, mais craignent de la manifester. L’Eglise est ainsi rassemblée de ceux qui marchent dans la lumière et dans la vie. Elle n’a pas de symbole. Sa liturgie n’est pas la même partout ; ses adhérents ne forment pas une seule société : elle se cache sous des noms divers, mais elle est répandue dans l’univers entier. Livanov, p. 82-83. La hiérarchie est encoremoins nécessaire que l’Église. Jésus-Christ est le seul prêtre qui sauve les âmes. Tous ceux qui subissent intérieurement l’inlluence du Verbe de Dieu, ont le droit de s’appeler les continuateurs de son sacerdoce. Le vrai prêtre du Christ est celui qui est doux de manières, et pur dans ses mœurs. Pour exercer son ministère, il n’a point besoin d’une vocation de Dieu ou de son admission dans une caste spéciale. Le Christ lui-même le choisit dans les rangs du peuple, de la noblesse ou du clergé extérieur. Il inonde son âme de sa lumière divine, et le rend apte à remplir sa mission. La préparation au sacerdoce doit être donc plus intérieure qu’extérieure. Le clergé extérieur et visible n’est point sanctilié par la cérémonie de la consécration. Il ne mérite aucune vénération. Il prêche, mais sa prédication est stérile, parce que Dieu ne l’illumine pas intérieurement. Il ne songe qu’au formalisme extérieur du rite. Sa parole ne conduit pas dans les voies du salut. Ce sont seulement les prêtres intérieurs, les prêtres choisis par Dieu au gré de sa volonté, qui donnent à leurs auditeurs la connaissance des vérités divines, le repentir de leurs fautes. Bref, le sacerdoce visible est un troupeau de maîtres sans doctrine, et de médecins spirituels impuissants à guérir les âmes : il n’y a qu’un seul sacerdoce invisible, qui se révèle dans quelques élus par de grandes clartés intérieures. Livanov, p. 8i-85 ; Novitzky, p. 248-249.

Les Doukhobors admettent l’existence d’une Trinité nominale. Le Père est la mémoire, le Fils la raison, et le Saint-Esprit la volonté. La Trinité est Dieu lui-même qui est dans l’âme comme mémoire, raison et volonté. Pobirokhine poussait cette théorie jusqu’à ses dernières conclusions, et enseignait que la Trinité n’est pas indépendante dans son être. Elle s’incarne dans le genre humain, et en particulier dans les élus, dans les /ils de Dieu. Les trois hypostases divines sont comme la lumière, la vie, le repos, comme les trois dimensions des corps. Elles ne sont pas réellement distinctes, mais représentent trois forces de Dieu, ou trois manifestations. Sur ce point, la doctrine trinitaire des Doukhobors, comme le remarque Novitzky, se rapproche de la Trimûrti des Hindous, Chantepie de la Saussaye, Manuel d’histoire des religions, Paris, 1904, p. 418, et du sabellianisme. Hergenrother, Handbuch der allgemeinen Kirchengeschichte, Fribourg, 1902, 1. 1, p. 247. Dieu a créé les âmes humaines avant le monde. Elles partageaient avec les esprits célestes le bonheur de vivre en Dieu. A la suite des instigations de Satan, elles tombèrent dans le péché et furent condamnées à revêtir notre chair. Les élus ne reçoivent leur âme qu’entre l’âge de C> à 15 ans, lorsqu’ils sont à même de s’assimiler la doctrine du Verbe.

Les âmes sont tombées avant la création du monde, en voulant assouvir leur soif de grandeur et de puissance. Cette chute s’est répétée dans l’âme d’Adam, qui a cédé aux désirs de la chair corrompue, symbolisée dans le serpent de l’Éden ; elle se répète lous les jours dans les âmes pécheresses. La faute d’Adam ne se transmet pas à sa postérité, mais son influence subsiste dans le monde. En naissant, l’homme porte avec lui l’inclination au mal. Son âme est enfermée dans le corps comme dans une prison, plongée comme dans une chaudière où bouillonnent les éléments les pi us malfaisants. En y pénétrant, elle perd le souvenir de ce qu’elle a vu, appris et fait avant la création du monde. Les Dou khobors ne disent rien sur l’origine du mal. A leur avis, la bonté ou la malice des enfants se rattache à la bonté ou à la malice des parents. Ce lien cependant n’est pas de telle nature qu’il empêche les enfants, issus de mauvais parents, de travailler à leur salut. Tout homme, devant Dieu, n’est responsable que de ses fautes, et il serait injuste de lui faire subir la honte et le châtiment de son premier père. Le péché n’a pas de postérité. L’homme tombe de lui-même, et ressuscite grâce à ses efforts personnels. Les âmes subissent les péripéties de la métempsycose. Celles qui n’ont rien à se reprocher émigrent dans les hommes vertueux, et cellesqui méritent les châtiments de Dieu, passent dans les corps des brutes. Birioukov, p. 15-16 ; Novitzky, p. 225-226 ; Prav. Sobes., p. 307-308.

Les Doukhobors nient la résurrection des corps. A la (in du monde, Dieu viendra juger les âmes. Mais cette fin du monde ne consiste que dans l’extinction du péché. Ce qui est matériel et impur, deviendra éternel et lumineux. Les hommes ne cesseront pas de naître, de travailler et de mourir. Il n’y a donc pas, à proprement parler, de vie présente et de vie future, de ciel et d’enfer. Le ciel est le bien, et l’enfer est le mal. Si le bien a germé dans l’âme durant la vie d’ici-bas, il fleurira dans le ciel et sera la source du bonheur, qui consiste dans l’écartement du diable etde son influence. Livanov, p. 81-82 ; Novitzky, p. 226-227.

Jésus-Christ n’est pas Dieu. C’est un homme qui possède au plus haut degré la propriété de la raison divine. En ce sons, il est appelé le fils de Dieu. Il est né do Marie, d’une manière naturelle. Sa mort n’esl pas un sacrifice qui rachète le genre humain. Elle n’est qu’une image, qu’un symbole de ce qui se passe à l’égard des Doukhobors. Ses souffrances n’eurent d’autre but que de donner l’exemple de la patience et de la résignation. Le corps de Jésus-Christ ne fut pas exempt de la corruption de la chair. Mais son âme continue à exercer son influence sur les élus, en éveillant en eux la raison divine. Cette raison, après la mort du Christ, fixa son siège dans les apôtres, dans leurs successeurs et enfin dans les Doukhobors. Elle s’est révélée d’une manière toute spéciale dans les chefs de la secte, Kolesnikov, Pobirokhine et Kapoustine. L’âme du Christ ne diffère poinl de nos âmes, etelle est soumise comme elles à la métempsycose. Le but principal de sa mission j a été de naître, vivre et mourir dans les hommes d’une façon spirituelle. Le Christ est l’évangile vivant éternellement en nous. Sa naissance, sa vie, sa passion, tout doit s’entendre dans un sens mystique. Tout ce qui est raconté du Christ dans l’Evangile doit se répéter à notre égard. Il est la vie, et cette vie est en nous le principe d’une nouvelle naissance. Sans le Christ, pas de salut. La foi en lui est nécessaire, mais la pureté du nour est requise pour la mériter.

Quelques Doukhobors, entre autres Pobirokhine, nienl l’existence du Saint-Esprit. En général, ils ne lui reconnaissent aucune inlluence surnaturelle. Le Christ suffit â la vie de l’âme.

Les Doukhobors rejettent les sacrements comme inutiles. Le baptême n’humecte que le corps. Le vrai baptême est la souffrance. Jésus-Christ n’a pas été baptisé dans l’eau, mais dans le sang. S’il n’y a pas moyen d’avoir le baptême de la passion, on doit recevoir le baptême du Verbe de Dieu. Les enfants morts sans baptême no sont admis ni au ciel ni on enfer. Quelques Diiukhobors croient cependant que leur salut dépend de celui de leurs parents. Il n’y a qu’un seul homme sur mille et une seule femme sur un million qui se sauvent. Novikov, p. 249 ; Livanov, p. 86 ; Birioukov, p. 1 4-15.

La confirmation est inutile aussi bien que le baptême. Dieu lui-même révèle ce don à qui lui plaît, sans qu’il faille pour cela une cérémonie extérieure. Quant