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DONS DU SAINT-ESPRIT

des larmes, Beati qui lugent, car creaturæ factæ sunt in muscipulam pedibus insipientium, Sap., xiv, ii, et Itoc damnum homini innolescit per rectum judicium de creaturis quod habetur per donum scientiæ, ibid., a. 4 ; tandis que le don de sagesse qui donne de voir tout en Dieu s’épanouira dans la joie et la paix. Cf. A. Gardeil, Le don de science en saint Dominique, op. cit.

Le don de sagesse.

Sum. theol., IIa IIæ, q.xlv.

Le don de sagesse ressemble à la théologie et à la métaphysique par son point de vue qui est de tout juger d’après les suprêmes raisons d’être. Mais il en diffère par son objet, les choses divines en elles-mêmes, et par son principe, qui n’est pas le labeur humain, mais cet état d’union sympathique avec Dieu, que produit la charité, selon la parole : Qui adhæret Deo unus spiritus est. I Cor., vi, 17. Appuyée à ces divines clartés l’intelligence du juste juge toutes choses, spiritualis judicat, I Cor., ii, 15, et en connaissance de cause, car Spiritus omnia scrutatur etiam profunda Dei, ibid., 10 : elle contemple et consulte, sous forme de raisonnement, les raisons d’être supérieures, divines, de toutes vérités dans les deux domaines de la connaissance et de l’action, a. 3. Cette contemplation, cependant, ne dissipe pas l’obscurité radicale de la foi ; c’est une contemplation cordiale, par mode d’expérimentation et non pas d’analyse conceptuelle, bien qu’elle puisse s’exprimer objectivement et analytiquement dans les concepts et le langage humain. — Bien que tous les justes aient en eux habituellement par la charité le principe de cette contemplation, le don qui leur permet de l’émettre sous l’inspiration du Saint-Esprit, il y a des degrés dans sa possession. Les uns possèdent ce qu’il en faut pour le salut ; d’autres le reçoivent à un degré supérieur, de telle sorte que, non seulement ils peuvent percevoir les vérités divines à sa lumière et diriger d’après elles leur propre conduite, mais encore manifester aux autres ce qu’ils en savent et diriger les actions d’autrui en conséquence. Ce complément orienté vers le dehors relève déjà de la grâce gratis data de sagesse, I Cor., xii, 8 : Alii quidem per spiritum datur sermo sapientiæ, laquelle n’est pas nécessairement attachée à la charité, étant de ces faveurs que le Saint-Esprit distribue absolument prout vult : elle n’est cependant jamais mieux assise dans une âme que lorsqu’elle s’appuie sur le don de sagesse d’un juste.


Au don de sagesse correspond la béatitude évangélique, Beati pacifici quoniam filii Dei vocabuntur. La paix, en effet, résulte de l’ordre assuré, est tranquillitas ordinis, dit saint Augustin ; or, il appartient au sage, qui est en possession des raisons suprêmes de toutes choses, de tout ordonner par rapport à elles, et donc avec perfection, sapientis est ordinare, de promouvoir ainsi la paix, d’être en conséquence l’image du Fils de Dieu, Sagesse incarnée, a. 6. Au don de sagesse s’oppose le vice de la sottise spirituelle, stultitia, ibid., q. xlvi, que l’apôtre caractérise ainsi : Animalis autem homo non percipit ea quai sunt Spiritus Dei, a. 2. C’est une conséquence de la luxure, a. 3.

Les dons d’intelligence et de science desservent la vertu théologale de foi, le don de sagesse la vertu théologale de charité, le don de crainte l’espérance. Ils n’exercent pas un empire sur ces vertus, mais constituent un service, cf. Sum. theol., IIa IIæ, q. ix, a. 1, ad 3um qui s’origine à une inspiration venant d’elles. Virtutes theologicae sunt principia donorum. Ibid., q. xix, a. 9, ad 4um. La dignité des vertus théologales l’exige. Au contraire, les dons de conseil, de piété, de force, de crainte de Dieu exercent sur les vertus morales de prudence, de justice, de force, de tempérance, une influence directrice, une sorte de domination, ibid., que nous devons maintenant caractériser.

Le don de conseil.

Sum. theol., IIa IIæ, q. lii.

Au premier aspect, la prudence et l’inspiration paraissent inconciliables. Mais il est dans l’ordre de la providence, dit saint Thomas, que Dieu meuve tous les êtres en tenant compte de leur manière d’être et de faire. L’homme, dans les choses pratiques, délibère, se consulte et consulte. Mais ses prévisions sont limitées, incertaines, timides, Sap., ix, surtout quand il s’agit de la conduite surnaturelle. Et ideo indiget homo in inquisitione consilii dirigi a Deo qui onmia comprehendit, a. 1, ad 1um. C’est la place faite au don de conseil.

Malgré son caractère obvie d’utilité pour la vie présente, le don de conseil demeure dans l’état des bienheureux, mais son mode d’être est changé : là plus de doutes, d’hésitations sur la conduite à tenir ; ce n’est plus qu’une simple orientation du regard vers Dieu, une consultation, dit saint Augustin, qui les confirment dans ce qu’ils savent, touchant les règles de la conduite surnaturelle et leur inspire ce qu’ils en peuvent ignorer, a. 3. Elle leur sert à louer Dieu comme ils le doivent, à le prier pour ceux qui sont encore sur la terre, et à exercer, vis-à-vis d’eux, à l’occasion, divers ministères. Ibid., ad 1um.

La béatitude des miséricordieux correspond au conseil, parce que, dit saint Augustin, unicum remedium est de tantis malis erui, dimittere aliis et dare. C’est dire que ceux qui, par le Saint-Esprit, voient plus loin que les autres dans les misères de la vie humaine, aboutissent comme naturellement à la politique divine de la miséricorde. Cf. A. Gardeil, Le don de conseil en saint Antonin, archevêque de Florence, op. cit.

Le don de piété.

Sum. theol., IIa IIæ, q. cxxi.

La plus haute forme de la vertu de justice est la vertu de religion, IIa IIæ, q. lxxxi, et le sommet de la religion est la vertu de piété, qui nous fait rendre nos devoirs à Dieu, comme à un père. Or, c’est là un effet attribué immédiatement au Saint-Esprit par saint Paul : Accepistis spiritum adoptionis filiorum in quo clamamus Abba, pater. Rom., viii, 15. C’est donc bien justement que la piété est recensée parmi les dons du Saint-Esprit, a. 1. Par extension, le don de piété s’attache à révérer en Dieu notre père, tout ce qui le touche, les saints d’abord et aussi les Livres saints, car, comme dit saint Augustin, c’est avoir de la piété que de ne pas contredire la sainte Ecriture, sive intellectæ sive non intellectæ, De doctrina christiana, l. II, c. vii ; à secourir les misérables, qui eux aussi représentent Dieu.

Dans la béatitude le don de piété demeure dans son acte principal, la filiale affection pour Dieu, dans l’honneur que les saints se rendront les uns aux autres, dans la miséricorde qu’ils continueront d’éprouver pour les misérables de ce monde. Ibid., ad 3um.

Au don de piété, correspond le Beati mites… d’après saint Augustin. Saint Thomas, a. 2, essaie de justifier cette correspondance par ce fait que la douceur supprime les obstacles à la piété, mais il ne cache pas ses préférences : celles qu’il faudrait, ce sont les béatitudes 4e et 5e : Beati qui esuriunt et siliunt justitiam, Beati misericordes. Ibid. C’est dire qu’il ne faut pas chercher dans ces correspondances une rigidité absolue.

6° Le don de force.

Sum. theol., IIa IIæ, q. cxxxix.

La vertu de force donne à l’homme la puissance de ne pas renoncer au bien, à cause des difficultés qui proviennent soit de la hauteur du but, soit des obstacles et des périls. Sed ulterius a Spiritu Sancto movetur animus hominis ad hoc quod perveniat ad finem cujus libet operis inchoati et evadat quæcumque pericula imminentia… (scilicet) ad vitam aeternam quae est finis omnium bonorum et evasio omnium periculorum. Et hujus rei infundit quamdam fiduciam menti Spiritus Sanctus, contrarium limorem expellens. Et secundum hoc fortitudo donum Spiritus Sancti ponitur, a. 1. C’est à ce don que saint Augustin, qui, dans sa systématisation, suit matériellement l’ordre ascendant