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DONATISME

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des temps, Dieu donnera l’ordre de séparer l’ivraie pour la livrer au feu et de ramasser le bon grain pour le placer dans le grenier du père de famille. En objectant : Quid paleis ad triticum ? Jer., xxiii, 28, les donatistes faisaient preuve qu’ils ne comprenaient pas le sens de cette parole, qui est une prophétie, tant que la paille et le grain, sortant de la même racine, sont sur la même tige, tant qu’ils sont foulés sur terre, la séparation n’est pas chose faite, mais elle se fait à coups de van. De même des bons et des méchants : ils seront séparés au jour du jugement, et c’est alors qu’on pourra dire en toute vérité : (Juki paleis ad triticum ? Cont. epist. Parm., iii, 18, P. L., t. xi.m, col. 96.

Sans doute, il est prescrit, et avec juste raison, de « ne prendre aucune part aux œuvres des ténèbres, mais plutôt de les condamner, » Eph., v,’11, 12, de « ne pas avoir de part aux péchés d’autrui, » I Tim., v, 22, parce que modicum fertnentum tolam massam corrumpil, I Cor., v, 6 ; mais cela regarde surtout les donalistes qui ont communiqué avec un scélérat tel qu’Optât le Gildonien, puisque, d’après eux, c’est la seule communication avec les méchants qui souille. Ils devraient donc conclure plutôt que l’on doit parfois tolérer les méchants pour éviter un plus grand mal et dans un bien de paix ; mais, dans ce cas, ils auraient dû tolérer Cécilien, même s’il avait été coupable, et ne pas déchirer et diviser l’Eglise comme ils l’ont fait, ce qui est le plus grand de tous les crimes. Mais non, ces passages allégués, et ceux qui leur ressemblent, ne doivent s’entendre que de l’approbation que l’on donnerait aux crimes des pécheurs : une telle approbation demeure toujours interdite. Et du moment qu’on se l’interdit, on n’a pas à se préoccuper d’être ici-bas mêlés les uns avec les autres, les bons avec les méchants : ce mélange, impossible à éviter, aura son terme.

Par ailleurs, enfin, il était interdit aux donatistes de soutenir, comme ils l’avaient fait, que la présence des pécheurs peut nuire à la communion catholique ou que la sainteté de l’Église n’existait pas dès lors que quelques pécheurs se glisseraient dans son sein. Et c’est la question capitale, le point décisif, sur lequel insista saint Augustin à la conférence de 41 1. Et c’est ainsi que, doctrinalement parlant, au nom de l’Écriture bien entendue, de la saine raison et du simple bon sens, les donatistes étaient battus sur la question de l’Église. Voir t. i, col. 2410-2411. Ils ne le furent pas moins sur celle des sacrements.

Erreurs sur les sacrements.

D’une manière générale, les donatistes réprouvaient tout ce qui venait des catholiques. Saint Optât raconte qu’ils foulaient aux pieds l’eucharistie, jetaient le saint chrême aux chiens, brisaient autels et calices, purifiaient les lieux consacrés au culte. Ce qui revint à dire qu’ils n’admettaient aucun des sacrements des catholiques. Ils repoussaient en particulier le baptême et l’ordre. Aussi estimèrent-ils toujours licite la rebaptisation. Au début de leur schisme ils l’avaient jugée même nécessaire ; puis ils la déclarèrent facultative et l’interdirent, par une décision conciliaire, à l’égard des catholiques qui s’y refusaient. Ce dernier détail, révélé par Tichonius, comme nous l’apprend saint Augustin, Epist., xciii, 43, P. L., t. xxxiii, col. 342, était inconnu de saint Optât. Aussi, au sujet de la rebaptisation, se contentet-il de protester contre l’usage des donatistes. Car le baptême ne peut se réitérer ; ce serait s’exposer à perdre la robe nuptiale et à ne point posséder le royaume du ciel. De sacramento (baptismi), dit-il, non levé certamen innalum est, et dubilatur, an post Trinitatem in eadeni Trinitate hoc iterum liceat facere. Vos dicilis : LICET ; nos dicimus : NON LTCET. Inter LICEï vestrum et NON licet nostrum, natant et remigant animée populorum. De schism. donat., v, 3, P. L., t. xi, col. 1048. Il s’étonne à bon droit que les dona tistes osent réitérer un sacrement qui ne diffère pas du leur : Pares credimus, et uno sigillo signali sumus ; nec aliter baptizati quani vos. Ibid., iii, 9, col. 1020. Il voit la raison fondamentale qui soustrait la valeur du baptême à la qualité du ministre et la rend indépendante de la moralité comme de la foi de celui qui le confère : c’est Jésus-Christ qui donne la grâce, ibid., v, 2, col. 1047 ; c’est Dieu qui lave dans le baptême, et non le ministre. Ibid., v, 4, col. 1051.

Saint Augustin a mis en pleine lumière cette doctrine, contre les donatistes. « Le sacrement de baptême, dit-il, est saint par lui-même où qu’il soit, Debapt. cont. donat., i, 19 ; v, 29 ; vi, 4, P. L., t. xi.m, col. 119, 191, 199, à cause de Celui qui en est l’auteur, ibid., iii, 6 ; iv, 18, 28 ; v, 29, col. 143, 166, 173, 191, car c’est Dieu qui est présent dans la formule évangélique et sanctifie le sacrement. Ibid., vi, 47, col. 214. Le baptême peut donc se trouver chez les hérétiques et les pécheurs : son efficacité est indépendante de celui qui le donne, quels que soient son mérite, sa moralité, sa malice, son erreur. Ibid., iii, 15 ; iv, 22, 28 ; v, 3, 29 ; vi, 2, 7, col. 144, 168, 173, 178, 191, 198, 200. Le ministre du baptême peut être mort moralement par son impiété ou sa culpabilité, mais Celui-là vit toujours dont il est écrit ; c’est Lui qui baptise. Cont. epist. Parm., ri, 22, col. 66. Le ministre peut être mauvais, mais il ne laisse pas de communiquer la grâce, parce que le Saint-Esprit n abandonne pas pour autant le ministère qui est confié à quelqu’un pour opérer le salut des autres ; car c’est Dieu qui donne la grâce par les hommes, comme il la donne quelquefois sans aucun intermédiaire. C’est l’Église qui engendre des lils per hoc quod suum ineis (dans les pécheurs) ltal>rt. De bapt. cont. donat., i, 14, 23. P. L., t. mil, col. 117. 122. /// isla quæ&tione non est cegitandum guis det sed quid del, aut quis accijiint xed ijiiid accipiat, aut quis habeat sed quid Itabeat. Ibid., iv, 10, col. Kit. Dico sacramentum Christi et bonus et n)alos passe habere, posse dure. Ibid., VI, i, col. 199. Voir t. i, col. 2416-2417.

Après avoir ainsi formulé sa pensée, saint Augustin entend ne pas laisser aux donatistes l’appui de saint Cyprien, dont ils se réclamaient ; car le grand évêque de Carthage était fort excusable dans une question non encore officiellement tranchée ; du reste, il ne cherchait pas à imposer sa manière de voir, il laissait toute liberté à ses collègues et il voulait par-dessus tout maintenir l’unité, l’union, la paix. Il écrivait en effet : Serretur a nobis patienter et leniter charilat animi, collegii honor, dilectionis vinculum, concordia sacerdotii, Epist., i.xxiii, 26, P. L., t. iii, col. 1127, sentiment admirable qu’étaient loin de partager les donatistes. Et saint Augustin d’ajouter : Nec nos ipsi tide aliquid auderemus asserere nisi univers æ Ecclesise concordissima auctoritate jirmali ; eut et ipse (Cyprien) sine dubio cederet, si jani illo tempore quæstionis Jiujus veritas eliguata et declarala per plenarium concilium solidaretur. lie bapt. cont. donat. , ii, 5, P. L., t. xi.in, col. 129. Cf. P. von Hoensbroech, et.1. Ernst, dans Zeitschrift fin— katholische Théologie, 1891, p. 727-737 ; 1893, p. 79-103.

Relativement au sacrement de l’ordre, les donatistes estimaient qu’un évêque traditeur ne pouvait pas le conférer validement ; et telle fut la cause du sacre de Majorinus, à l’origine du schisme. Cécilien, il est vrai, avait proposé aux évéques, qui contestaient la validité de son ordination, de se faire ordonner par eux. Admettait-il donc leur principe ? Ce n’est guère à croire. De sa part, comme le note saint Augustin, Brev. coll., m sq., P. L., t. xliii, col. 614sq., c’était une proposition ironique. On sait la réponse qu’y fit Purpurius : « Qu’il vienne et que, au lieu de l’imposition des mains in episcopatum, quassetur illi caput de psenilentia. » De schism. donat., i, 19, P. L., t. xi, col. 921.