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DONATISME

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’t° Théorie et pratique. — Tels étaient lours prin- cipes théoriques ; mais de la théorie à la pratique, quelle différence ! Leur conduite, comme nous l’avons vu, était loin d’être conforme à leurs principes. Rien dès lors ne fut facile comme de faire ressortir leur illogisme, leur inconséquence, le démenti qu’ils s’in- fligeaient à eux-mêmes, et de montrer l’abus qu’ils faisaient de l’Écriture, les faux raisonnements aux- quels ils se livraient pour justifier leur manière de voir et d’agir. L’ouvrage de Parménien avait permis de saisir sur un document public leurs thèses et les raisons dont ils les étayaient. Saint Optât tout d’abord, puis saint Augustin en profitèrent pour percer à jour leurs sophismes et ruiner de fond en comble leur sys- tème au nom de l’Écriture mieux comprise, au nom des principes indiscutables de la foi, de la raison et du simple bon sens. Certes l’évêque de Milève, en réfutant Parménien, avait déjà fait une œuvre fort utile. Mais depuis la date où il avait pris en mains la cause catho- lique jusqu’au moment où l’évêque d’IIippone entra en scène, quelques faits s’étaient produits, non des moindres ni des moins caractéristiques, qui permirent à saint Augustin de pousser à leur extrême limite les arguments ad liominem, de fermer la bouche et de réduire au silence les donatistes. Reprenant en outre et précisant davantage la thèse catholique sur l’Église elles sacrements, saint Augustin mit au point et for- mula de la manière la plus heureuse l’enseignement définitif sur ces matières controversées. Il suffira d’en rappeler, sans entrer dans des détails qui nous entraî- neraient trop loin, les traits principaux et caractéris- tiques.

5" Erreurs sur l’Eglise. — D’abord en elle-même, puis dans ceux qui la composent. — La véritable Église, avait dit Parménien, l’Église du Christ est une, sainte, catholique, et cette Eglise est la notre, non celle des traditeurs. — Que l’Église doive être une, sainte, ca- tholique, répondit saint Optât, nous en tombons d’ac- cord ; mais que ce soit là votre Kglise, nous le nions, parce qu’elle n’est ni une, ni sainte, ni catholique, et parce qu’elle n’a aucune des six notes que vous indi- quez, la chaire, l’ange, l’Esprit-Saint, la source, le sceau et l’ombilic.

T’oint d’unité chez les donatistes. Sur ce premier point, saint Optât ne peut faire une réponse aussi pé- remptoire que la fera plus tard saint Augustin, quand il opposera aux donatistes les schismes nombreux qui les divisèrent.

Point de sainteté’. Ici, Optât n’a pas de peine à mon- trer par des faits connus de tous et indéniables que les donatistes n’ont point la sainteté dont ils se vantent. « Vous prétendez être des saints, dit-il, mais vous êtes en contradiction avec ce texte formel de saint Jean : . En fait, vous avez troublé la paix et rompu les liens de l’unité ; vous avez compté parmi vous un scélérat, Donat de Ragaï (saint Augustin ajoutera Optât le Gildonien) ; vous êtes cou- pables d’attentats, de crimes, de cruautés, d’horribles sacrilèges. Jbid., Il, 15-19, col. 966-974. C’est à Dieu qu’il appartient de désigner les pécheurs, et il l’a fait dans le prophète, Ps. XLIX, 16-18 : tout cela vous regarde, défendez- vous- en, si vous le pouvez. Tbid., iv, 11, col. 1031. Vous méprisez la discipline, vous êtes des détracteurs, des calomniateurs, îles auteurs de scandales, tbid., iv, 4-5, col. 1032 sq. ; des voleurs de ce qui appartient à Dieu. » El s’adressant à Par- mi ■nien il conclut : Jani peccatores vos esse, si pudor est ullus, cum dolore recognosce. Ibid., iv, G,col. 1037.

Point de catholicité. Vous vous dites les seuls catholi- ques, soit. C’est donc que l’Espagne, la Gaule, l’Italie, la I’annonie, la Dacie, la Mésie, la Thrace, l’Achaïe, la Grèce, toutes les provinces de l’Asie, les trois Syries, les deux Arménies, la Mésopotamie et l’Egypte ne sont pas catholiques. Mais vous êtes en contradiction for- melle avec tous les textes de l’Écriture qui proclament que l’Église doit se répandre sur toute la terre, tandis que vous la limitez à un seul coin du monde ; vous ne réalisez aucun des deux sens du mot catholique (allu- sion à la double étymologie xa-à )ô- ;ov, ralionabilis, et-zaià SXov, universalis), Jbid., n, 1, col. 942.

Point d’apostolicité. Parmi les notes distinctives de la vraie Eglise, vous signalez en premier lieu la chaire (nous dirions l’origine apostolique) ; mais la chaire principale, le siège de Pierre, esta Rome, dont le suc- cesseur légitime est actuellement Damase,avec lequel nous autres et le reste du monde sommes en relations par des lettres « formées » et en parfaite communion. Jbid., il, 3, col. 9iS. Sans doute, vous avez à Rome un de vos représentants, Macrobius, successeur d’Encol- pius, qui remplaça Bonifacius de Rallista, lequel suc- céda lui-même au premier de tous, à Victor de Garbes. Voilà le premier rameau de votre erreur, protentus de mendacio, non de radiée verilatis. Ibid., n, 4, col. 951. Où avait-il donc sa chaire, ce Victor ? Non certes dans l’une des églises de la cité, mais au dehors, sur une colline, dans une caverne. Eral ibi filius sine pâtre, tyro sine principe, discipulus sine magislro, sequens sine antécédente, inquilinus sine domo, hospes sine hospitio, pastor sine grege, episcopus sine populo. Ibid., ii, i, col. 954. (Il y eut encore dans la suite Lu- cianus, puis Claudianus, et même un certain Félix qui se donna comme évêque donatisle de Rome, à la conférence de 411, au grand scandale de saint Augus- tin et de ses collègues.)

Les donatistes ne se contentaient pas de revendiquer pour eux toutes ces notes de la véritable Église, ils s’en prenaient encore aux membres qui composaient l’Église catholique, en leur appliquant tous les passages de l’Écriture où il est question d’extirper le mal, de ne point communiquer avec les pécheurs, car leur contact est une souillure, et ni leurs sacrifices ni leurs prières ne sont agréés de Dieu. Il faut lire dans les deux derniers livres de saint Augustin contre la lettre de Parménien la discussion détaillée de tous ces textes, dont le sens vrai et la force probante, loin d’atteindre les catholiques, confondent les prétentions orgueilleuses et l’interprétation fantaisiste des donatistes. L’évêque d’IIippone leur prouva que le prêtre, quelque pécheur qu’il soit, est exaucé quand il prie pour le peuple, témoin Balaam ; que sa parole ne laisse pas d’être utile aux autres, quand il leur enseigne la vérité ; que son sacrifice ne nuit qu’à lui-même, car il n’y a qu’un sacrifice toujours saint, celui du Christ, et qui profite, en dépit du ministre, à ceux qui y participent dans la mesure de leurs dispositions. Extirper le mal, rien de mieux ni de plus légitime, mais encore faut-il que la chose soit possible dans tous les cas sans produire un mal plus grand encore. Et certes l’Église catholique u’y manque pas ; mais elle se guide toujours par un sentiment de charité compatissante, dans l’espoir d’un relèvement et d’une guérison des coupables, nullement par un esprit de vengeance, n’ayant nullement l’inten- tion de les traiter en ennemis, mais de les corriger comme des frères.

Quant au mélange des bons et des mauvais, c’est chose inévitable et qui durera autant que le monde. Tel est, en ell’et, l’enseignement qui ressort de la para- bole du bon grain et de l’ivraie : tout pousse ensemble, mais défense est faite d’arracher l’ivraie avant l’heure de la moisson, de peur d’arracher en même temps le bon grain. Mais, au moment voulu, c’est-à-dire à la lin