Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/227

Cette page n’a pas encore été corrigée
1721
1722
DONATISME


ayant pris à cœur la cause catholique, saint Grégoire lui écrit, Epist., 1. I, epist. lxxiv, P. L., t. lxxvii, col. 528, pour le remercier de sa vigilance et l’exciter à travailler à la réunion des Églises. Le pape, en effet, avait appris que les donatistes, toujours remuants et envahisseurs, devenaient un danger pour la paix religieuse. Aussi, à titre de mesure disciplinaire, décide-til qu’aucun donatiste devenu évêque catholique ne saurait revendiquer le titre de primat, quand même il serait le plus ancien de la province. Ad universos episcopos Numidix, Epist., 1. I, epist. lxxvii, ibid., col. 531. Informé, d’autre part, que Maximien, évéque de Pudentiana, en Numidie, aurait toléré à prix d’argent l’établissement d’un évéque donatisle dans le lieu même de sa résidence, il écrit à Columbus, évêque de lamême province, de réunir un concile pour examiner ce cas et de déposer Maximien, s’il était reconnu coupable. EpisL, 1. II, epist. xi.vni, col. 589. Les donatistes, encouragés par la connivence de certains magistrats, ne se gênaient plus : ils rebaptisaient et allèrent même jusqu’à chasser quelques évêques catholiques de leurs sièges. Nouvelle lettre du pape aux représentants de l’autorité civile, notamment Ad Pantaleonem ut tlonatistarum audaciam comprimât, Epist., 1. IV, epist. xxxiv, col. 708, et à l’évêque Columbus pour qu’il fasse mettre (in à de tels abus. Epist., I. IV, epist. XXXV, col. 709. Dans la Proconsulaire, Dominique, évéque de Carthage, pour obvier efficacement au mal, avait fait décider au concile que tout évéque négligent dans la répression du donatisme serait privé de ses biens et de sa dignité. L’intention était excellente, niais la mesure parut excessive. Le pape, en écrivant au primat de Carthage, le félicite de son zèle, mais n’approuve pas sa décision. Epist., 1. V, epist. i, col. 726. Gennade est chargé par saint Grégoire d’aider les évêques en tout ce qui concerne la discipline ecclésiastique. Epist., 1. IV, epist. iiv col. 673. Columbus doit veiller à ce que les enfants et les domestiques des catholiques ne soient pas rebaptisés par les donatistes. Epist., 1. VI, epist. xxxvii, col.828. Malgré toutes ces mesures pontilicales et les ordres de l’empereur Maurice (-f 602), les donatistes poursuivaient leur propagande grâce à l’abstention des magistrats, dont ils avaient acheté la complicité. Saint Grégoire s’adresse alors directement à l’empereur ; il lui envoie deux évêques pour plaider la cause des catholiques d’Afrique et obtenir de façon efficace la répression de pareils abus. Epist., 1. VI, epist. lxv, col. 849. Qu’en résulta-t-il.’On l’ignore ; du reste, le pape mourait peu après, en 604.

Tout cela montre qu’à la fin du vr siècle et au commencement du VII e, les donatistes étaient loin d’avoir abandonné la lutte. Très souvent vaincus, mais toujours résistants, ils ont donné une preuve de ce que peuvent les passions religieuses au service d’une cause absolument injustifiable. Et si les Sarrasins n’étaient venus bientôt, en 637, tout détruire dans l’Afrique du Nord, le pouvoir romain ou byzantin et la foi religieuse, on se demande quel sort réservait à l’Église catholique un parti aussi obstiné que celui des donatistes. Auraientils lassé la résistance qui ne manqua jamais depuis plus da trois siècles, et seraient-ils enfin devenus les maîtres intolérants, qui auraient anéanti le catholicisme au profit de leur puritanisme exagéré’.’C’est le secret de Dieu.

V. Erreurs des donatistes.

1 » Scliisme à base hérétique. — Le donatisme, il est vrai, a été et est resté un mouvement schismatique, de ses origines à la fin. Jamais il ne fut condamné par l’Église au titre d’hérésie ; toujours, au contraire, il fut de sa part l’objet de mesures disciplinaires les plus bienveillantes pour faciliter le retour à l’unité à de pareils entêtés. Lorsque des lois impériales, spécialement portées contre les hérétiques, leur furent appliquées, les donatistes ne

cessèrent pas de prolester qu’ils n’avaient rien de commun avec les hérétiques. Saint Augustin, toutefois, qualifie nettement d’hérésie et d’erreur sacrilège leur schisme, User., lxix, P. L, t. xlii, col. 43, sans doute parce qu’il était invétéré, comme il dit, mais aussi parce qu’il n’allait pas sans quelques principes contraires à la foi et à l’enseignement ecclésiaslique. C’est qu’en effet leur schisme, bien qu’il n’eût été motivé au début que par une cause purement disciplinaire, comme ils le prétendaient, impliquait en fait des erreurs de doctrine sur la valeur des sacrements et ne devait pas tarder à provoquer de leur part une conception complètement fausse de la nature de l’Église.

2° Erreur des rebaptisants. — D’une part, ils renouvelèrent, mais en l’aggravant, la théorie particulière à quelques-uns de leurs ancêtres, qui avait été l’objet un demi-siècle avant, sous saint Cyprien, d’une si épineuse controverse entre l’évêque de Carthage et le pape de Rome touchant le baptême des hérétiques. Voir t. ii, col. 219 sq. La plupart des évêques d’Afrique avaient pensé à tort avec saint Cyprien que les hérétiques, ne pouvant pas donner ce qu’ils n’avaient pas, ne pouvaient conférer le baptême. Us subordonnaient ainsi la validité de ce sacrement à l’orthodoxie du ministre ; mais ils ne voulurent voir là qu’une mesure purement disciplinaire, laissant à ceux de leurs collègues qui en jugeaient autrement la liberté d’agir à leur guise. Dans tous les cas ils se refusèrent à considérer la divergence des usages sur ce point particulier comme un motif suffisant de troubler la paix de l’Eglise et de rompre le lien de l’unité. Tout autre fut la conduite des donatistes. Ils subordonnèrent la validité du baptême, comme aussi celle de l’ordre, non plus seulement à l’orthodoxie, mais à la moralité du ministre. Parlant de ce principe qu’un pécheur ne peut ni baptiser ni ordonner validement, ils regardèrent comme nuls les sacrements de baptême et d’ordre conférés par des apostats ou des traditeurs. Et, comme à leurs yeux les catholiques n’étaient pas autre chose que des traditeurs ou des fils de traditeurs, ils commencèrent par pratiquer la rebaplisation en attendant de pratiquer la réordination des transfuges du catholicisme qui embrassaient leur parti. De là à manifester pour les autres sacrements et les pratiques catholiques une égale répugnance, il n’y avait qu’un pas qui fut vite franchi.

Erreur novatienne.

D’autre part, bien qu’ils s’en défendissent, ils renouvelèrent, mais en partie, l’erreur novatienne. Sans doute, à la différence des novatiens, qui excluaient à tout jamais de leur communion le chrétien qui venait à faillir et l’abandonnaient exclusivement à la justice divine, quelquepénitence d’ailleurs qu’il fit et quelque repentir qu’il manifestât, les donatistes admettaient volontiers à la pénitence les coupables repentants et leur rouvraient ainsi la porte de leur bercail. Mais, tout comme les novatiens, ils se formèrent de la nature de l’Église une notion puritaine et rigoriste. Constatant que le monde chrétien, en dehors de l’Afrique, restait en communion parfaite avec les évêques catholiques des provinces africaines, et qu’ils étaient, eux, isolés dans un coin, quelque étendu qu’il fût, ils n’hésitèrent pas à s’enorgueillir de cet isolement et à y voir une marque certaine de leur bon droit, se proclamant les seuls représentants de la véritable Église, une, sainte et catholique, tout le reste ne pouvant plus prétendre appartenir à la virginale fiancée du Christ, parce qu’il n’y avait là que des pécheurs qui pratiquaient une tolérance indue à l’égard des faillis, des apostats et des traditeurs. De nombreux passages de l’Écriture, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, habilement choisis et plus habilement interprétés, leur donnaient, croyaient-ils, raison envers et contre tous.