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DONATISME


évêques, qui avaient été choisis par les autres pour parler au nom de tous, ont fait tous leurs efforts, non pour défendre votre cause, mais pour empêcher qu’on ne traitât l’affaire pour laquelle tant d’évêques de part et d’autre s’étaient rendus à Carthage de tous les coins les plus reculés de l’Afrique. Tout le monde était dans une grande attente de ce que déciderait une assemblée si nombreuse, mais vos évêques ne travaillaient qu’à faire en sorte qu’elle ne décidât rien. Pourquoi cela ? N’estil pas évident que c’est parce qu’ils savaient que leur cause était mauvaise et qu’ils étaient persuadés que, si l’on entrait en matière, il nous serait aisé de les confondre ? Cette crainte même qu’ils avaient qu’on n’éclaircit les choses, suflirait donc seule pour montrer qu’ils étaient vaincus. Eussent-ils réussi en empêchant la conférence et en ne nous permettant pas d’éclaircir la vérité, qu’auraient-ils pu vous dire à leur retour ? Qu’auraient-ils eu à vous montrer pour fruit de leurs peines ? Vous auraient-ils dit, en vous présentant les actes : « Nos adversaires insistaient pour que la question fût vidée, et nous, au contraire, nous avons fait effort pour qu’elle ne le fût pas. Si vous voulez donc savoir ce que nous avons fait, lisez les actes, et vous verre/ l’avantage que nous avons remporté sur eux, en obtenant qu’on ne fit rien ? » Mais s’il y a parmi vous un peu de raison, ne leur auriez-vous pas répliqué : « Pourquoi donc y êtes-vous allés, si vous ne deviez rien faire ? » ou plutôt : « Pourquoi êtes-vous revenus, puisque vous n’avez rien fait ? » Episl., cxli, 2, P. L., t. xsxiii, col. 578.

Au fait, les évêques donatistes à la conférence avaient finalement combattu contre eux-mêmes et en faveur de la cause catholique, non certes par amour, mais par la force de la vérité, veritas eos torsit. Post coll., 57, P. L., t. xliii, col. C88. C’est ce que saint Augustin fait ressortir tant de leurs dénégations trop impudentes pour n’être pas intéressées que des aveux qu’ils furent obligés de faire. « Pourquoi donc dès lors refuser l’unité ? demande saint Augustin. Posl coll., 58. Pourquoi mépriser la charité et préférer la division ? Du moment que l’erreur est vaincue, que le diable le soit de même, et que le Christ qui le requiert soit propice à son troupeau désormais réuni et enfin apaisé ! »

Il profita d’une visite à Constantine pour solliciter le retour de tous les donatistes ; sa parole ne fut pas sans effet. Il n’eut pas sans doute la joie de la voir immédiatement couronnée de succès, mais il apprit bientôt que toute la ville s’était ralliée autour de Févêque catholique. Epist., cxliv, P. L., t. xxxiii, col. 592. Dans un voyage à Césarée, en 418, il tint à voir Émérite, l’un des orateurs de la conférence, et l’invita à assister à un discours qu’il devait prononcer devant le peuple assemblé. Mais invité à formuler des réserves ou à réfuter Févêque catholique, Émérite garda le silence. Sernio ad Cœsareensis ecclesise plebem. Deux jours après, conférence publique nouvelle et même silence de la part d’Émérite. De gestis cum Emerito Cœsareensi donalislarum episcopo. C’est qu’il n’avait rien à dire pour sa propre défense et pour celle de son parti, préférant rester inimicus et mutus. Cont. Gaud., i, 15, P. L, t. xliii, col. 712.

Le donatisme se trouvait bien atteint et fortement entamé, mais il n’avait pas complètement disparu. Un des derniers actes de l’incessante campagne que saint Augustin avait menée contre lui fut son Contra Gaudentium donalislarum episcopum, vers 420. Gaudentius, de Thamugade, avait été, lui aussi, l’un des sept orateurs du parti à la conférence de 411 ; il refusa de se soumettre et prit la fuite pour échapper aux poursuites de la police ; puis il était revenu dans sa ville épiscopale disant à qui voulait l’entendre que plutôt que de rentrer dans l’unité il se brûlerait avec ses partisans dans son église. Dulcitius, chargé alors d’assurer

l’exécution des lois impériales contre les donatistes, le pria par lettre de renoncer à ce funeste dessein. Gaudentius répondit par un refus catégorique et insolent. Dulcitius expédia sa réponse à saint Augustin, le priant de la réfuter et de lui dire ce qu’il avait à faire. Retract., II, lix, P. L., t. xxxii, col. 654. L’évéque d’Hippone d’écrire d’abord au commissaire impérial de n’avoir pas à prendre garde à de telles menaces, car cela ne devait pas l’empêcher de travailler au salut des autres, Epist., cciv, P. L., t. xxxiii, col. 939-942, puis, dans un premier livre, il réfuta les objections de Gaudentius ; celui-ci ayant répliqué fort mal en alléguant l’autorité et le témoignage de saint Cyprien sur l’Eglise et sur la réitération du baptême, Augustin écrivit un second livre contre Gaudentius, à la fin duquel il montre que l’autorité de saint Cyprien, à laquelle il en avait appelé, le confondait de tous points.

Pendant plus d’un quart de siècle, le donatisme n’avait pas eu d’adversaire plus infatigable et plus redoutable que l’évéque dllippone ; il avait été confondu sur le terrain de l’histoire par la collection et la production des documents authentiques ; il avait été réfuté sur le terrain des principes au nom du bon sens, de la saine raison et de l’Écriture ; finalement, dans une conférence célèbre, il avait été convaincu d’erreur de façon indiscutable et publique ; il ne lui restait plus qu’à disparaître. Mais non, pendant plus de deux cents ans encore il devait se traîner dans un déclin sans grandeur et sans gloire jusqu’au jour où tout disparut sur la terre d’Afrique avec l’invasion des Arabes.

IV. Déclin et disparition.

l’Étal du donatisme lors de l’invasion des Vandales. — Quoi qu’il en eût et quelque résistance qu’il offrit çà et là, à Césarée et à Thamugade, par exemple, le donatisme était atteint et se voyait de plus en plus réduit à une minorité impuissante. Rien ne permettait de prévoir qu’il retrouverait ses jours de succès et de lutte vigoureuse comme du temps de Donat, de Parménien et de Primien. Les lois impériales lui étaient appliquées ; Valentinien III et Tbéodose II, en’t28, venaient de lui interdire toute réunion sous peine de mort. Code théodosien, XVI, lit. v, 1. 65. Mais il y avait trop longtemps qu’il s’était implanté en Afrique, y soulevant les passions les plus vives et allant jusqu’à paraître s’identifier avec les ennemis du pouvoir romain sous prétexte d’indépendance et d’autonomie, pour disparaître tout d’un coup. Qu’une occasion favorable vint à se présenter, surtout celle d’un changement de régime, et l’on pouvait être assuré que le feu qui couvait sous la cendre pourrait encore provoquer un nouvel incendie. Or, cette occasion s’offrit d’elle-même : les Vandales s’avançaient peu à peu tout le long des côtes depuis la Mauritanie Tangitane ; ils étaient déjà en Nuinidie et s’emparaient d’Hippone en 430 ; la Proconsulaire ne devait pas larder à être envahie. C’était en tout cas la délivrance du joug romain ; ne serait-ce pas du même coup la liberté religieuse et le moment propice pour tenter une restauration de l’Église donatiste ? Peut-être bien. Il est vrai que les Vandales étaient ariens et par suite fort peu disposés à tolérer sous leur domination des chrétiens qui ne partageraient pas leur foi. La solution la plus favorable, pour les donatistes, eût été d’embrasser l’arianisme et de constituer, sous les maîtres nouveaux, une L-glise nationale. La tentation était bien forte. Mais, par tempérament, ils répugnaient à subir le joug quel qu’il fût, d’ordre temporel comme d’ordre religieux, car ils s’estimaient supérieurs à tous. Ils se refusèrent à devenir ariens ; mais alors ils durent composer avec les pouvoirs nouveaux, sans renoncer pour autant à leur indépendance religieuse, se contentant de maintenir le peu de forces qui leur restaient et de vivre tant bien que mal sans attirer sur leur groupe des mesures répres