Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/221

Cette page n’a pas encore été corrigée

1709

DONATISME

1710

traditeurs, aux scliisinatiques, aux pécheurs, de donner le baptême, cela vous est par là même interdit, car nous prouvons que les chefs de votre parti ont été traditeurs, que l’origine du schisme se trouve parmi vous, et que vous êtes des pécheurs. » Au sujet de l'Église, saint Optât reconnaît volontiers qu’elle est une, mais il ajoute que l'Église catholique n’est ni chez les hérétiques, ni chez les scliisinatiques, ni renfermée dans un coin de l’Afrique, comme le prétendaient les donatistes.Sans doute, le crime des traditeurs et des scliisinatiques est grand, mais la question était de savoir de quel côté se trouvaient les traditeurs et les scliisinatiques. Et sur ce point, documents publics en main, saint Optât montre à Parménien que ce n'était pas Cécilien qui s'était séparé de Majorin, mais au contraire que Majorin s'était séparé de Cécilien, que les traditeurs furent les consécrateurs de Majorin et qu'à eux incombe toute la responsabilité du schisme. Les pièces justificatives, qu’il joignait à sa réponse et que saint Augustin a connues, en faisaient foi. Il en était de même du reproche adressé aux catholiques d’avoir fait appel à l’intervention de l'État : il se retournait contre les donatistes. Saint Optât rappelle, en effet, les faits anciens ; car le premier recours à la puissance civile fut fait par les donatistes ; dernièrement encore ils s'étaient adressés à Julien l’Apostat ; et ce prince « savait bien que vous retourneriez ici animés de fureur et dans le dessein d’y mettre le trouble. » Et saint Optât de raconter des faits connus de tous, et de justifier la conduite sévère des magistrats civils par les méfaits dont les donatistes s'étaient rendus coupables. Dans aucun cas, ni un prêtre ni unévêque catholique ne se sont permis ce que certains chefs donatistes ont perpétré de violences contre les catholiques.

Le mérite de l'évêque de Milève, dans sa réponse à Parménien, fut de fixer les points d’histoire à l’aide de pièces officielles justificatives que personne ne pouvait récuser, et de réfuter solidement les accusations calomnieuses des donatistes. Pour tout esprit droit et sincère la cause devait être entendue : le droit et la justice étaient du côté des catholiques ; mais pour des esprits aussi prévenus que les donatistes, l’ouvrage de saint Optât passa pour non avenu. Ils profitèrent de la liberté que leur avait rendue Julien pour étendre et fortifier le schisme. Arrivés à l’apogée de leurs succès, ils se croyaient définitivement les maîtres ; mais leurs excès d’un côté, leurs divisions de l’autre, et bientôt l’entrée en scène de saint Augustin allaient changer la face des choses et sonner l’heure de leur déclin.

III. Lutte décisive, de 373 a. 430. — 1 » Nouvelles lois répressives. — Dans la joie du retour, la reprise de possession de leurs églises et la jouissance de la liberté, les donatistes commirent des excès révoltants et rendirent nécessaire l’intervention de l’autorité impériale. Dès 373, par une loi spéciale, Valentinien déclarait les rebaptisants indignes du sacerdoce. Code l/téodosien, XVI, tit. vi, leg. l ; P.L., t. xi, col. 1180 ; t.xi.m, col. 805. Quatre ans plus tard, nouvelle loi de Gratien en 377, condamnant sévèrement les rebaptisants et ordonnant des poursuites contre ceux qui tiendraient des réunions illicites. Code théodosien, XVI, tit. vi, leg. 2 ; P. L., t. xi, col. 1181 ; t. XLiti, col. 806. Maisileiî fut de ces lois comme de tant d’autres ; les donatistes continuèrent à agir comme si elles n’existaient pas ; ils payaient d’audace, vraisemblablement parce que les magistrats chargés d’en assurer l’exécution se laissaient acheter ou fermaient les yeux. Ce n’est donc pas de ce côté, du moins encore, que le parti était vulnérable. L'était-il par ses dissensions intérieures ? Là pouvait être le point dangereux.

Ticlionius.

Tous les donatistes étaient loin d'être d’accord entre eux. L’un de leurs évêques, et non des moins célèbres, en est une preuve. Il ne craignit pas

de montrer que, sur la question du baptême et de l’Kglise, la plupart de ses coreligionnaires avaient tort. Il condamnait, par exemple, la réitération du baptême en vertu de la décision conciliaire prise en 330. Et il nous apprend à ce sujet que Donat de Carthage communiquait avec les donatistes de la Mauritanie quoiqu’ils ne pratiquassent pas la rebaptisation. Il proclamait surtout que la faute d’un homme, quelque grande qu’elle fût, ne peut arrêter les promesses de Dieu et que, quelque impiété qui puisse se commettre, l'Église n’en est pas moins destinée à être catholique ou universelle. Rien pourtant n'était plus opposé à l’un des principes du schisme. Parménien ne laisse point passer l'œuvre de Tichonius sans protester. Avec beaucoup d'à-propos il disait à son collègue : Vous reconnaissez que l'Église n’est point souillée par le crime de quelques-uns de ses enfants et vous prétendez avoir le droit de vous séparer de la communion catholique, précisément parce qu’elle est souillée par les traditeurs ; mais c’est là une contradiction ou une inconséquence manifeste. Vous avez tort de demeurer parmi nous et de rejeter la communion des catholiques. Cette riposte était juste et piquante. Mais, par ailleurs, l’arménien ne prouvait pas le mal fondé du principe émis par Ticlionius, à savoir que l'Église n’est nullement atteinte par la faute de quelques-uns de ses membres. Or, c'était justement ce principe qui condamnait l’attitude des scliisinatiques et que saura faire valoir saint Augustin. Epist., xem, 43-44, /'. L., l. xxxiii, col. 342.

Les rogatistes.

Malgré son indépendance d’esprit, Tichonius n’avait pas formé un parti distinct et créé un schisme dans le schisme même, mais d’autres s’en chargèrent. Sans parler des urbanistes, cantonnés dans un coin de la Numidie, et des claudianisles, habitants de la Proconsulaire et selon toute apparence assez voisins de Carthage, qui furent bientôt ramenés ou revus par Primien, le successeur de l’arménien, r.m, i. Cresc, iv, 73, P. L., t. xliii, col. 588, et dont le rôle fut peu important, il convient de signaler les rogatistes. A quel propos et pour quels motifs ces derniers firent-ils bande à part'.' On l’ignore. Toujours est-il qu’entre 373 et 375, Kogatus, évéque de Cartenna dans la Mauritanie Césarienne, qui se dispensait de recourir aux services des circoncellions, et quelquesuns de ses collègues, qui partageaient les mêmes idées, s’attirèrent la haine des autres donatistes et devinrent l’objet de leurs vexations. Ceux-ci, en effet, dans l’intention de les réduire, firent appel aux pouvoirs romains et même à Firmus, qui s'était proclamé roi indépendant de la Mauritanie. lîien que persécutés, les rogatistes préférèrent rester isolés. Vu leur petit nombre, ils ne pouvaient point prétendre au titre de catholiques ; aussi entendaient-ils ce terme, non de l’expansion de l’Eglise sur toute l'étendue de la terre, mais de l’observation intégrale de tous les commandements de Dieu et de tous les sacrements qui se pratiquait chez eux et qui leur faisait dire qu’ils étaient les seuls chez lesquels le Christ trouverait la foi à la fin des siècles. S. Augustin, Epist., xem, 49, P. L., t. xxxiii, col. 344.

Les maximianistes.

Bien autrement caractéristique et particulièrement significatif fut le schisme des inaxiinianistes. Voici à quelle occasion il éclata. Peu après 391, Primien avait succédé à l’arménien sur le siège de Carthage. Il crut devoir sévir contre quelques diacres et condamna entre autres Maximianus, qu’on disait parent de Donat. Maximianus ne l’entendit pas ainsi. Qu’il eût été condamné à tort ou à raison, peu importe ; il s’avisa déjouer à Primien le tour que les premiers artisans du schisme avaient joué à Cécilien. Pécuniairement aidé par une femme, il organisa comme eux un parti et intéressa à sa cause quelques évêques voisins qui, au nombre respectable de 43, se réunirent