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DONATION

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conséquent elle ne devenait parfaite que par l’accep- tation du donataire ; à ce point de vue elle res- semblait à la donation entre vifs. Elle était cependant faite en vue d’un danger de mort plus ou moins immi- nent, auquel le donateur se voyait exposé, par exemple à la veille d’un combat ou pendant le cours d’une maladie, et elle était résolue de plein droit si le do- nateur échappait à ce danger. De plus, elle était révo- cable ad nulum par le donateur et devenait caduque par le prédécès du donataire : ce qui la rapprochait des donations testamentaires. La donalion à cause de mort pouvait offrir deux variantes, suivant qu’elle était faite sous la condition suspensive de la survie du dona- taire ou sous la condition résolutive de son prédécès. Dans le premier cas, le donataire n’acquérait qu’un droit éventuel ; dans le deuxième, il acquérait un droit actuel, mais résoluble. Les donations à cause de mort suscitaient dans la pratique des difficultés assez graves, à raison surtout de leur couleur indécise et c’est probablement pour ce motif que notre législation les a abolies.

Toutefois, ces sortes de donations restent valides en droit naturel, et tant que la nullité n’a pas été pro- noncée par les tribunaux, le donataire peut, en con- science, rester en possession de la chose donnée. Il n’y a pas donation à cause de mort, lorsqu’une per- sonne se trouvant en danger de mort fait des libérali- tés irrévocables. Telles sont les dispositions par les- quelles un malade donne actuellement, à ses parents, à ses amis, ou à ses domestiques, des objets mobiliers ou même des immeubles.

La donation entre vifs est ainsi nommée, parce que vivens viventi donat, à la différence de la donation testamentaire, qui, étant faite pour le temps où le dis- posant n’existe plus, doit être considérée comme l’ex- pression de ses dernières volontés et se trouve ainsi être l’œuvre d’un mort ou tout au moins d’un mourant.

Le Code civil définit la donation en cos termes : « La donation entre vifs est un acte par lequel le dona- teur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte. »

La donation entre vifs est un contrat solennel, parce qu’il est soumis à des formes particulières, prescrites à peine de nullité. C’est un contrat gratuit ou de bienfaisance, le donateur procure en effet au dona- taire un avantage gratuit, puisqu’il ne reçoit pas la contre-valeur de ce qu’il donne (art. 1103).

Enfin par la donation le donateur s’appauvrit pour enrichir le donataire. La donation se distingue par là des autres contrats de bienfaisance, tels que le prêt à usage : le prêteur ne se dépouille pas, puisqu’il a droit à la restitution de la chose et par suite l’emprun- teur ne s’enrichit pas. Il en est de même dans le

dépôt.

Au point de vue du droit naturel et de la conscience, les conditions de validité de la donalion sont les mêmes que les contrats gratuits en général. Voir Con- trat. Le Code civil exige en outre certaines conditions spéciales qui se rapportent au donateur, au donataire et à la forme delà donation.

D’une manière générale, ces prescriptions — pourvu qu’elles ne tombent pas sur un bien d’Église — ne lient la conscience, qu’après la sentence du juge.

IL Le donateur. — 1° Des personnes incapables. — Voir Contrat. Sont incapables de disposer par dona- tion ou par testament : 1. Le mineur de seize ans. Le mineur peut toutefois faire des donations dans son contrat de mariage (art. 903). Il peut faire les mêmes donations que s’il était majeur, mais ne le peut« qu’avec le consentement et l’assistance de ceux dont le consen- tement et l’assistance sont requis pour la validité de son mariage » (art. 1095).

2. L’interdit v art. 5021). Voir Contrat.

3. Celui qui n’est pas sain d’esprit (art. COI). On peut toujours établir par témoins, que le donateur n’était pas sain d’esprit au moment de la donation. Il n’est point nécessaire de s’inscrire en faux contre la déclaration contraire qui aurait été insérée dans la donation, l’acte de donation fùt-il d’ailleurs authen- tique. De même les donations peuvent être attaquées pour cause de démence après la mort du donateur, alors même que l’interdiction de ce dernier n’aurait été ni prononcée ni provoquée et que la preuve de la démence ne résulterait pas de l’acte attaqué. L’art. 20i du Code civil est, en effet, inapplicable en matière de donation.

On avait même admis dans notre ancien droit que la colère ou la haine pouvait entraîner la nullité d’une donation faite comme on disait alors ab irato, c’est-à- dire par colère ou par haine. On considérait la colère ou la haine comme des passions qui tout en laissant subsister la possession de soi-même et le libre arbitre viciaient néanmoins la moralité de l’acte. De même, les donations pouvaient être annulées par suite du dé- faut de liberté qui peut résulter de la suggestion et de la captation, notre jurisprudence a consacré en partie ces principes. Pour les conditions qui produisent le manque de liberté, voir Contrat.

Sont capables de tester, mais incapables de donner :

1. Le mineur de seize ans accomplis (art. 90i). Ce mineur ne peut du reste tester que de la moitié des biens dont il aurait la disposition s’il était majeur.

2. Celui qui est pourvu d’un conseil judiciaire.

3. La femme mariée. La femme mariée ne peut en général faire aucune aliénation de biens sans l’autori- sation de son mari ou de justice.

Les donations faites entre époux sont soumises à des règles spéciales. Pendant le mariage, les époux peuvent se faire réciproquement, ou l’un des deux à l’autre, toutes les donations qu’un tiers serait autorisé à leur faire. Mais les donations que les époux se font pendant le mariage sont essentiellement révocables. L’époux qui a donné peut toujours changer sa volonté, revenir sur ce qu’il a fait et révoquer sa donation. Cette révo- cation n’est soumise à aucune forme, elle peut être faite par un simple acte sous seing privé, même tacite- ment et en secret. Ainsi l’époux donateur a le droit d’aliéner les biens qu’il a donnés pendant le mariage, puisqu’il peut révoquer la donation. Mais comme la faculté de révocation est exclusivement attachée à sa personne, ses créanciers ne pourraient pas faire vendre les biens qu’il a donnés, pour se payer sur le prix.

2° Quotité dans la donalion. — La valeur de la donation entre vifs ne peut jamais dépasser la quotité disponible, c’est-à-dire la partie des biens dont on peut disposer par testament (art. 913). La partie de la donation en excès sur la quotité disponible est déclarée par la loi de nul effet (art. 920). Celui qui n’a pas d’héritier nécessaire peut donner tous ses biens pré- sents. La donation des biens futurs est toujours inva- lide, sauf dans le contrat de mariage (art. 913, 1 08 1 ) . Cependant la donalion peut comprendre les biens dont on a l’espérance déterminée, par exemple, la récolte de cette année. Il faut excepter toutefois les biens héréditaires en expectative, au sujet desquels aucun contrat ne peut être conclu (art. 1130).

Entre époux, la quotité disponible est, en général, plus étendue que la quotité disponible ordinaire. Celui qui a des enfants, peut donner à son conjoint un quart en pleine propriété et un quart en usufruit, ou bien la moitié de ses biens en usufruit seulement.

Celui qui ne laisse que des ascendants, peut donner à son conjoint d’abord ce qu’il pourrait donner à un étranger, c’est-à-dire la moitié ou les trois quarts de sa fortune suivant qu’il y a des ascendants dans les deux lignes ou dans l’une d’elles seulement.