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DOMMAGE

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manière générale. Pour que le dommage soit regardé comme involontaire, il est nécessaire que l’auteur de l’acte n’ait même pas pu soupçonner l’existence de ce dommage.

Que devient l’obligation de restituer provenant d’une faute légère ?

a) Celui qui cause un dommage grave, avec une faute légère provenant d’un défaut d’advertance, n’est point tenu à réparation. En effet, il n’est pas obligé sub gravi, une obligation grave ne pouvant être produite par une faute légère ; il n’est pas davantage obligé sub levi, parce qu’il n’y a pas de proportion entre une faute légère et un dommage considérable. De Lugo, disp. VIII, n. 57 ; S. Alplionse, 1. I, n. 552 ; Vogler, p. 109, etc.

b) Celui qui a causé un tort grave à la même personne, par plusieurs fautes légères, est tenu à restituer. En elfel, ayant été libre et volontaire, le dommage intégral lui est imputable. En outre, il est bien difficile en pratique que le délinquant ne se soit pas aperçu, au moins confusément, qu’il causait un tort notable.

Si, au contraire, l’auteur s’est rendu coupable de torts légers envers plusieurs personnes, il n’est pas soumis à l’obligation sub gravi de restituer. L’obligation grave ne saurait provenir de la faute qui est légère, ni du dommage qui est minime à l’égard de chaque personne en particulier.

III. Le dommage en droit civil.

1° Réparation du dommage causé par un délit ou quasi-délit. — 1. Définitions. — Le mot délit a un sens différent dans la langue du droit criminel, et dans celle du droit civil. Dans la langue du droit criminel, il désigne tout fait illicite prévu et puni par notre loi pénale. Dans la langue du droit civil, le mot délit désigne tout fait illicite et dommageable accompli avec l’intention de nuire. Voir Délit.

On voit par la comparaison de ces définitions : a) que l’intention de nuire, nécessaire pour qu’il y ait délit civil, ne l’est pas ou au moins dans tous les cas pour qu’il y ait délit criminel, et que par suite tel fait, qui constitue un délit criminel, peut ne pas constituer un délit civil. Ainsi, l’homicide par imprudence est un délit criminel, Code pénal, art. 319 ; mais il ne constitue pas un délit civil, puisque l’intention de nuire n’existe pas chez son auteur.

b) Qu’en sens inverse, un fait peut constituer un délit civil, sans constituer un délit criminel, parce qu’il existe des faits illicites et dommageables, accomplis avec intention de nuire, que notre loi pénale ne punit pas. Ainsi le recel d’effets, dépendant d’une succession, constitue un délit civil, mais non un délit criminel (art. 792 et 801).

Une autre différence entre le délit civil et le délit criminel, c’est que l’action civile, née d’un délit purement civil, n’est jamais de la compétence des tribunaux criminels : les tribunaux civils peuvent seuls en connaître. Au contraire, l’action en réparation du préjudice causé par un fait qui constitue tout à la fois un délit criminel et un délit civil, peut être portée, soit par voie principale, devant les tribunaux civils, soit incidemment à l’action publique, devant le tribunal criminel saisi de cette action. D’ailleurs, le tribunal criminel, saisi de l’action civile, peut allouer des dommages et intérêts à la partie civile, mais à la condition de relever, à la charge du défendeur, une faute qui serve de base à la condamnation, et qui soit distincte du fait délictueux définitivement écarté par la sentence d’acquittement. Le délit civil se divise en délit proprement dit et en quasi-délit. Ce qui distingue le quasidélit du délit proprement dit, c’est l’absence de l’intention de nuire. Le quasi-délit n’implique que l’imprudence ou la négligence, le délit suppose en outre l’intention malicieuse de nuire à autrui. Le même fait peut constituer un délit civil ou un quasi-délit, suivant que

l’intention de nuire existe ou n’existe pas chez son auteur. Ainsi, envisagés au point de vue civil, les coups et blessures constituent un délit, si celui qui en est l’auteur a agi volontairement et méchamment, et seulement un quasi-délit, s’il a agi involontairement et n’est coupable que d’imprudence.

2. Conditions nécessaires.

Au reste, il n’y a délit ou quasi-délit que si ces trois conditions concourent : il faut que le fait soit : a) illicite, c’est-à-dire non permis par la loi ; b) dommageable, c’est-à-dire ayant porté préjudice à quelqu’un ; peu importe d’ailleurs, qu’il s’agisse d’un fait de commission ou d’omission ; c) imputable à sou auteur, c’est-à-dire dépendant de sa libre volonté. Ainsi les faits illicites accomplis par une personne en état d’aliénation mentale, ou par un enfant qui n’a pas encore l’usage de la raison, ne peuvent constituer ni un délit, ni un quasi-délit.

Le délit et le quasi-délit sont l’un et l’autre visés par cette disposition du Code civil : c Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à la réparation » (art. 1382).

Mais il est à peine besoin de le faire remarquer, l’exercice régulier d’un droit ne constitue jamais une faute. Qui jure suo utitur neminem Isedit, disait-on en droit romain. Ainsi, en creusant un puits dans ma propriété, je tombe dans la veine d’eau qui alimente le puits voisin et je le taris, .le ne devrai aucune indemnité, parce que je n’ai fait qu’user de mon droit.

Pour que l’obligation de réparer le préjudice causé à autrui prenne naissance, il faut que le préjudice soit le résultat d’une faute commise par l’auteur (art. 1382). L’article 13815 va nous dire ce qu’il faut entendre ici par faute : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence, » ce qui revient à dire, que la faute la plus légère, une simple imprudence, suffit pour faire encourir la responsabilité édictée par l’art. I382. Mais au moins faut-il qu’il y ait quelque faute. Il a donc été jugé avec raison qu’un entrepreneur, qui avait construit solidement une estrade pour des courses, n’était pas responsable du préjudice causé par la rupture de cette estrade, due à l’invasion d’une foule compacte et frémissante, qui s’y était précipitée pendant une pluie d’orage. Le préjudice était ici le résultat d’un cas fortuit, dont l’entrepreneur n’avait pas à répondre.

Responsabilité.

Nous parlerons successivement de la responsabilité qui incombe à une personne en raison du dommage causé par une autre, de la responsabilité qui lui incombe à raison des choses dont elle a la garde.

1. De la responsabilité qui incombe à une personne

en raison du dommage causé par une autre. — La

; loi déclare (art. 138’t) que les père et mère sont respon

1 sables du dommage causé par leurs enfants mineurs

habitant arec eux. On a considéré que les père et

| mère sont en faute de n’avoir pas élevé et surveillé

I leurs enfants de manière à les empêcher de commettre

j des délits ou quasi-délits. De rnème, les instituteurs et

les artisans sont légalement responsables du dommage

! causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps

qu’ils sont sous leur surveillance (art. 1384).

Mais cette responsabilité des père et mère et aussi celle des instituteurs et artisans cesse lorsque ceux qui en sont tenus prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait dommageable, qu’ils ont exercé sur l’auteur du dommage toute la surveillance utile et possible et qu’ils se sont efforcés de lui donner une bonne éducation, de détruire en lui les mauvaises habitudes.

Les maîtres et commettants de leur côté sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans l’exercice des fonctions auxquelles