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DOMINIS

DOMMAGE

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pluribus dominis inservire doctus, Londres, lG24 ; H.Nevland, Life, Londres, 1859 : Percy, art. Dominis, dans le Diclionary bf national biography, t. xv, p. 201 sq. ; Perry, History of the church of England, Londres, 1863, t. i ; Relation sent from Rome oftke process ofM. A. de Dominis, Londres, 1624 ; Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1906, t. n ; L. Veith, S..1., Edtn. Riclierisystemade eccl. et polit, potestate confutatum… accessit discursus de vita elscriptis M. A. de Dominis, Malines, 1825. Sur les censures et réfutations de Dominis, cf. Benrath, art. cit., p. 781 sq.

J. DE LA SERVIÈRE.

DOMMAGE. — I. Notions générales. II. Dommage au point de vue de la théologie morale. III. Dommage dans le droit civil.

I. Notions GÉNÉRALES, — On entend par dommage le tort fait à quelqu’un dans ses biens matériels ou immatériels. Ce dommage peut enrichir son auteur ou ne lui procurer aucun avantage direct. Celui qui vole une montre à son prochain, retire de cet acte un profit ; celui qui, dans un accès de colère ou de haine, brise cette montre, cause un dommage, dont il ne retire aucun bénéfice matériel.

F.n le distinguant du cas où le dommage est causé par un vol, la théologie morale s’occupe spécialement du dommage causé au prochain, ou plus exactement de l’obligation de conscience contractée par celui qui a fait tort à son prochain, dans le cas où l’auteur de l’action nuisible n’en a retiré aucun avantage.

Le droit civil rend le citoyen responsable des effets de ses actes : il détermine cette responsabilité dans les délits ou quasi-délits. Il considère donc lui aussi la réparation des dommages ; mais cette réparation s’effectue le plus souvent sous forme de compensation pécuniaire : ce sont les dommages et intérêts dont le Code civil réglemente l’existence, la quotité et le mode de recouvrement.

Nous traiterons donc de la réparation des dommages au point de vue de la conscience et dans le droit civil. Ces deux aspects de la même question coïncident la plupart du temps ; ils diffèrent cependant sur quelques points de détail.

II. Dommage ai : point de vue de la théologie morale. — 1° Conditions rcqidses jour obliger en conscience à la réparation du dommage. — Ces conditions sont au nombre de trois. Il est nécessaire que l’action dommageable : 1. soit contraire à la justice commutative ; 2. qu’elle soit cause efficace du dommage réellement causé ; 3. qu’elle constitue unefaute théologique. 1, Pour être obligé en conscience à réparer le dommage causé au prochain, il est nécessaire que l’action nuisible soit contraire à la justice commutative.

Il est d’abord évident que la réparation dont il est ici question est un acte de justice stricte, de justice commutative. En effet, seule parmi toutes les autres vertus, la justice jouit de cette propriété d’établir une sorte d’égalité entre les choses, d’ « ajuster » pour ainsi dire la dette et la prestation, comme il apparaît clairement dans le contrat de vente ou d’échange. Or voilà précisément ce que fait la réparation du dommage, qui a pour but de rendre à la personne lésée ce qui lui a été enlevé, ce à quoi elle a droit. Réparer un dommage injustement causé au prochain, n’est-ce pas restituer celui-ci dans son état juridique primitif, et donc faire acte de stricte justice ?

D’autre part, la justice commutative inspire l’obligation de rendre à chacun ce qui lui est dû, de réparer le droit blessé. Or, par l’action dommageable, le prochain est lésé dans son droit, il subit un détriment injuste. C’est donc une obligation de stricte justice de réparer le dommage injustement causé.

Au reste, l’obligation de réparer ne peut provenir d’aucune autre vertu. La justice seule oblige l’homme par rapport à l’homme, seule elle crée un lien juridique entre les hommes ; toutes les autres vertus, cha rité, prudence, force, tempérance, etc., obligent l’homme par rapport à Dieu, elles sont une norme de rectitude morale subjective, tandis que la justice porte une règle objective et réalise une égalité de choses. Suarez, De justifia ; ermeersch, 1904, n. 157 sq. Des considérations précédentes, il ressort que pour être obligé en conscience à réparer le dommage causé au prochain il est nécessaire que l’action nuisible soit contraire à la justice commutative. De cette règle nous pouvons tirer les conclusions suivantes :

a) Celui qui fait du tort à son prochain, sans blesser la justice commutative, n’est pas tenu en conscience à réparer le dommage. Il peut se faire cependant qu’il pèche contre une autre vertu.

Pierre par haine de Paul conseille à Jacques de ne pas faire son testament, sachant que ledit Jacques avait l’intention de laisser ses biens à Paul. Peu de temps après, Jacques meurt ab intestat, et Paul s’empresse de réclamer des dommages et intérêts à Pierre. Or, celui-ci n’est pas tenu en conscience à restitution, parce que l’action dont il est l’auteur, le conseil, ne blesse pas la justice. Que si Pierre, pour écarter Paul du testament de Jacques, avait employé des moyens injustes, tels que la calomnie, la violence, etc., alors il serait soumis à l’obligation de réparer le tort fait à Paul.

b) Celui qui involontairement pose la cause d’un dommage et n’arrête pas l’effet de cette cause, lorsqu’il peut le faire, pèche contre la justice et se trouve ainsi obligé à restitution. On doit, en effet, empêcher que l’acte dont on est l’auteur ne nuise au prochain, pour autant qu’on peut arrêter l’effet nuisible de cet acte. Par exemple, le voyageur qui met le feu à une forêt par inadvertance, le pharmacien qui par erreur donne un remède mortel, le conseiller qui sans le vouloir donne un conseil pernicieux, doivent réparer intégralement le dommage causé, lorsque, ayant découvert leur erreur, ils n’ont pas empêché l’effet de se produire.

Si, par erreur involontaire, vous avez accusé votre prochain d’un crime grave, vous n’êtes pas tenu de révoquer votre accusation, dans le cas où voire réputation devrait gravement en souffrir. Sans doute, la charité pourra vous imposer le devoir de cette démarche, mais cette obligation cesse devant une grande difficulté ou un inconvénient majeur.

c) Celui qui ayant la charge de nommer à des emplois ou dignités publiques, choisit un candidat simplement digne au détriment de celui qui est plus digne, ne pèche pas contre la justice commutative et donc n’est pas tenu à restitution. Assurément, il est obligé en stricte justice, vis-à-vis de la société, de nommer un candidat qui soitdigne et apte, et d’écarler les indignes, mais rien ne l’oblige à choisir les plus dignes. Cependant, il peut arriver que le candidat ait un droit strict à être choisi. Par exemple, dans un concours où l’on promet, sous une condition onéreuse, de désigner le plus digne. C’est le cas du concours où, par ordre de mérite, on distribue des prix aux plus dignes. Ici la justice intervient et il y aurait obligation de réparer le tort causé à un candidat injustement évincé.

Pour les bénéfices ecclésiastiques conférés au concours, suivant les prescriptions du concile de Trente, il est certain, et tous les docteurs sont d’accord sur ce point, que les collateurs ou examinateurs doivent choisir le plus digne. Mais il y a désaccord sur la question de savoir si le candidat plus digne a un droit strict d’être nommé, avec éviction du candidat moins digne. L’opinion commune tient pour l’affirmative ; mais le sentiment des théologiens qui nient le choix strict du candidat plus digne, conserve sa probabilité. S.Alphonse, I. IV, n. 109 ; Emit, qumst. reform., q. xlvii ; Lehmkuhl, t. i, n. 1)7-2.

2. Pour qu’il y ait obligation de réparer le dommage, il faut que l’action nuisible soit réellement la cause